Communication
Alors que le nouveau gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) déclare faire de la lutte contre la corruption une priorité nationale, le Président Tshisekedi annonce être sur le point de vouloir conclure un contrat de plusieurs centaines de millions de dollars pour la construction d’un Port en eau profonde. Ce projet, sous le précédent régime, avait pourtant fait l’objet de suspicions de corruption au sommet de l’Etat, auxquelles s’ajoutent des risques d’impacts majeurs sur l’environnement.
Lors de son récent passage en France le 12 novembre, le président Felix Tshisekedi a annoncé le début imminent des travaux du port en eau profonde de Banana. Annonce qui entre en résonnance avec l’adoption du projet de loi de finance de l’exercice 2020 qui prévoit entre autres le lancement de la construction du port.
Le président congolais a également fait savoir que des investisseurs étaient déjà présents pour travailler sur le projet. Aucune information n’a été donnée sur l’identité desdits partenaires. Le Président n’apporte ainsi pas de remède aux critiques des « Banana Port Papers » à propos de la mauvaise gestion et du manque de transparence dans le dossier Banana.
Banana est le seul accès à l’Océan Atlantique de la RDC. Au vu de la capacité et qualité des infrastructures des ports de Boma et Matadi, la RDC a régulièrement recours aux ports de ses pays limitrophes comme le Congo Brazzaville ou encore la Tanzanie. « Il est évident qu’un port en eau profonde sur la façade Atlantique pourrait bénéficier à la RDC », a déclaré la coalition Le C o n g o n’est pas à Vendre . « Mais pas s’il est pensé à des fins de détournements plutôt que pour l’intérêt général ».
Selon des documents publiés par la Plateforme de Protection des Lanceurs d’Alerte en Afrique (PPLAAF), il semblerait que le contrat initial, datant de 2018, pour la construction du port en eau profonde sur ce site aurait prévu la création d’un groupe de sociétés susceptible de faciliter l’enrichissement personnel de certains dignitaires du régime congolais, dont l’ancien président Joseph Kabila. Selon ces documents, il apparaitrait que l’ensemble des négociations autour du contrat initial aurait également été entaché de faits de corruption autour d’un projet qui doit s’élever à plus d’un milliard de dollars.
PPLAAF a été approché par plusieurs lanceurs d’alerte ayant suivi les négociations entre l’ancien gouvernement de la RDC et DP World, avait mis en ligne des documents échangés entre les négociateurs, notamment des avantcontrats, ainsi qu’une description de la structure que les parties comptent créer.
Par ailleurs, la construction prévue pourrait avoir un impact dévastateur sur l’environnement. La zone dédiée à la construction est qualifiée d’écosystème unique et est connue pour son parc de mangroves qui joue un rôle prépondérant dans la stabilité et l’entretien des écosystèmes.
Au niveau social, les populations qui vivent à Banana s’inquiètent de l’impact d’un tel projet sur leur quotidien. Partagés entre les promesses de métiers futurs pouvant endiguer les problèmes de chômage actuels et la crainte de voir de la main d’œuvre importée, les communautés restent prudentes face à ces nouvelles perspectives.
En vue de la politique présumée du nouveau président contre la corruption, la coalition CNPAV demande :
• Au gouvernement de publier immédiatement tous les contrats et statuts des sociétés impliquées dans la construction, la gestion et l’exploitation du port, dans le respect des normes congolaises et internationales sur la transparence des marchés publics ;
• Au gouvernement d’assurer que (1) le marché soit obtenu par appel d’offres et (2) qu’il respecte les processus environnementaux et de participation publique en vertu de la réglementation congolaise et internationale.
• Au chef de l’Etat congolais d’analyser en profondeur le dossier et de prendre les mesures requises qui s’inscrivent dans son programme de lutte contre la corruption.
Si les contrats s’avèrent illégaux ou contraires à l’intérêt général congolais,
o L’annulation du contrat pour la construction du Port en eau profonde de Banana et le lancement d’une procédure conforme aux règles des marchés publics.
o Mener une enquête judiciaire sur les allégations de corruption.
La coalition « le Congo n’est pas à vendre » regroupe une dizaine d’associations congolaises et internationales qui s’engagent et militent dans la lutte contre la corruption.
Personne de contact pour ce dossier :
Gabriel Bourdon-Fattal
PPLAAF