La ville de Kinshasa vibre au rythme du Kinshasa Urban Art Festival, un événement culturel et artistique qui s’est donné pour mission de promouvoir le "street art" ou les arts de la rue, de célébrer la culture et de recourir à l’authenticité en mettant en avant les traditions Kongo. Portée par une effervescence palpable, cette deuxième édition a débuté samedi 21 septembre, avec une exposition à Ndaku ya la vie est belle, un espace culturel au coeur de Kinshasa, et s’est poursuivie par un live painting saisissant d'Enua Mata, qui a capturé l’essence des symboles Kongo à travers son œuvre.
« Je dirais très sincèrement que je suis content d’avoir réalisé cet événement au nom du Crew Moyinda Tag, et de voir comment les gens commencent à comprendre le street art. La thématique de l'exposition est "Libom'Art" qui signifie la folie de l’art. Pour faire bref, je m'étais inspiré de la rue. La rue n'a pas de principe, mes œuvres s’intitulent "Libanda eza kati te" voilà j'ai ramené ce côté libertinage, ce côté technique j'ai utilisé un sac market suspendu avec des files sur un châssis. La démarche est bonne, on a ramené et donné la visibilité dans la rue, et on va continuer la lutte urbaine », a indiqué Enua Mata, artiste graffeur.
Pour cette première soirée, plusieurs artistes ont exposé leurs œuvres, tous talentueux et pétris d’inspiration. Il s’agit notamment d’Ange Kambayi, Dorcas Phoba, Emma Akilimali, Edheno Ntoya, Nyamazomi, Jonathan Mbomba, Enua Mata, Tata Nizzoo Kobo et Samuel Mwani.
« C'est un travail en work in progress, dans lequel je continue mes recherches autours de l'identité. Ce travail nous plonge dans la culture urbaine actuelle en mettant en dialogue l'histoire et la mémoire collective sur le conflit local et international. Ici, le bandana est pris comme élément identitaire. C'est par cela que nous accédons, acceptons, codons, décodons une identité. Par là, le bandana devient le prolongement de l'identité d'un groupe de personnes sous forme d'une idéologie parfois fondée ou pas », s’est exprimé Samuel Mwani.
Le thème de cette édition est axé sur la "culture Kongo", soulignant l'importance de préserver l’héritage culturel à travers les arts de rue. Ces derniers, véritable moteur d’expression pour la jeunesse congolaise, incluent des disciplines variées comme la peinture murale, le graffiti, la danse urbaine, et bien plus encore. Le "Kinshasa Urban Art Fest" rassemble plusieurs centaines de passionnés venus découvrir ces différentes formes artistiques, tout en mettant en lumière le riche patrimoine culturel congolais.
« Très satisfait du résultat, surtout que c'était une première expérience. J'ai exposé trois pièces : la première parlait de l'importance du temps "Ntangu", la deuxième de "Zaïre 74", Zaïre ya Lokumu, et la dernière "Mabina mpe Bokoko", qui traite de la danse et des traditions. L'importance du live était de montrer au public le processus de création d'un graffeur étape par étape et d'apporter une performance artistique à la soirée », explique Tata Nizzoo.
Une montée en puissance pour la deuxième édition
Fort de son succès lors de la première édition en 2023, le festival a renforcé son ambition cette année en diversifiant ses activités. Alors que la première édition avait accueilli plus de 70 artistes et offert des performances live dans cinq disciplines, notamment des battles de krump, du BMX freestyle et des concerts de rap; cette nouvelle édition a repoussé les limites avec des ateliers de skateboard, de graffitis, et de danse hip-hop. Des conférences et panels enrichissants sont aussi proposés, abordant des sujets variés liés aux arts urbains, à l'histoire culturelle, et à la préservation de l’héritage Kongo.
L’ajout d’un défilé de mode mettant en valeur la culture Kongo et des performances musicales marquent également les temps forts de cette édition, attirant à la fois un public local et international. Parmi les invités, des artistes et acteurs culturels sont attendus pour partager leurs expériences et créer des ponts entre les différentes communautés artistiques à travers le monde.
Le collectif Moyindo Tag Nation à l’honneur
Une attention particulière a été portée au collectif Moyindo Tag Nation, pionnier du street art à Kinshasa. Fondé en 2018 par Tata Nizzoo Kobo, Enua Mata et Jonatemps Mbomba, ce groupe a su imposer son style unique et engagé à travers les rues de la capitale congolaise. Le collectif a notamment été mis en lumière pour son travail de fresques éducatives, ce qui lui a valu une reconnaissance internationale dans le livre "Street Art in Africa", écrit par le journaliste sud-africain Cale Wale.
Avec plus de 20 membres actifs, le collectif continue d’enrichir le paysage urbain de Kinshasa, tout en promouvant des messages de sensibilisation sociale et culturelle à travers ses créations. Durant le festival, leurs œuvres, inspirées de l’esthétique Kongo, vont sublimer les murs de Kinshasa, illustrant à la perfection l’essence du Kinshasa Urban Art Fest.
Le Kinshasa Urban Art Fest a prouvé être plus qu’un simple événement artistique : il est un véritable carrefour d’expression, où se rencontrent créativité, tradition, et modernité. En célébrant les traditions Kongo à travers des formes d’art accessibles et populaires, le festival joue un rôle crucial dans la préservation et la transmission du patrimoine culturel congolais. Cette initiative encourage un dialogue intergénérationnel et interculturel, renforçant la fierté culturelle chez les artistes et les spectateurs.
Avec des performances de skateboards, des batailles de graffitis et des concerts enflammés, cette deuxième édition du festival marque un nouveau jalon dans l’histoire des arts urbains à Kinshasa. Plus qu’un simple rendez-vous artistique, le Kinshasa Urban Art Fest est devenu un événement incontournable qui contribue à redéfinir l'identité culturelle du Congo-Kinshasa.
Cap vers l’avenir
L’organisation, en pleine expansion, ne compte pas s’arrêter là. Avec des ambitions encore plus grandes pour les futures éditions, elle prévoit d’inviter davantage d’artistes internationaux et d’élargir le programme à de nouvelles formes d’arts urbains. À travers ces efforts, le Kinshasa Urban Art Fest espère continuer à renforcer les liens entre les artistes, à promouvoir l’innovation artistique et à contribuer à la dynamique culturelle de la capitale congolaise.
Le festival reste ainsi une belle vitrine pour la culture Kongo et un tremplin pour les jeunes talents qui veulent se faire une place sur la scène artistique urbaine, non seulement en RDC, mais à l’échelle internationale.
James M. Mutuba