"Quand il pleut trop, nos récoltes pourrissent, quand il ne pleut pas assez, nos cultures sèchent", reportage immersif dans le quotidien des maraîchères de Kinshasa

Photo/ Actualité.cd
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Dans les champs de Kinshasa, des milliers de femmes travaillent d'arrache-pied pour nourrir leurs familles et contribuer à l'économie locale. Ces maraîchères, souvent invisibilisées, sont le moteur de nombreux ménages. Leurs mains, durcies par le travail de la terre, produisent les fruits et légumes qui nourrissent des familles entières. Pourtant, derrière cette image de résilience se cache une réalité plus complexe, marquée par de nombreux défis qui limitent leur autonomisation économique. 

Les maraîchères de Kinshasa sont les premières à arriver sur les marchés, leurs paniers débordant de légumes frais et colorés. Elles sont l’épine dorsale de l’approvisionnement alimentaire de la ville.

Marie-Jeanne, 47 ans, mère de cinq enfants, raconte : "chaque jour est un combat. Je me lève avant l'aube pour arroser mes légumes, désherber, et protéger les plants des insectes. Puis, je transporte mes récoltes sur la tête jusqu’au marché. Parfois, ça demande de déambuler pour vendre le plus rapidement possible. Certes c'est difficile, mais je suis fière de pouvoir nourrir mes enfants et d'aider mon mari. Le plus dur, c’est de trouver des clients pour vendre notre production."

Chantal, 30 ans, explique : "Le plus grand défi, c'est l'accès à l'eau. Pendant la saison sèche, nous devons parcourir de longues distances pour trouver de l'eau pour nos cultures. Quand il pleut trop, nos récoltes pourrissent. Et quand il ne pleut pas assez, nos cultures sèchent. C’est difficile de prévoir et de s’adapter."

Malgré leur résilience, les femmes maraîchères font face à de nombreux obstacles qui entravent leur autonomisation économique:

- Des conditions de travail difficiles: "manque d’eau, d’outils rudimentaires, l’exposition aux intempéries, les risques sanitaires liés à l’utilisation de produits chimiques, l’accès limité aux terres, le manque d’engrais et les semences. Tout ceci limite gravement nos possibilités d'expansion, nous rend vulnérables aux expulsions et rend aussi les cultures vulnérables aux sécheresses. Il y a également l'accès au crédit qui est difficile en raison du manque de garanties et des taux d'intérêt élevés ", souligne Marie-Jeanne.

- Manque de formation et la défaillance des infrastructures : "la plupart d’entre nous n’a pas reçu de formation agricole et ne maîtrise pas les techniques agricoles modernes, ce qui nous demande beaucoup d’efforts dans le travail mais ralenti aussi nos productions. Les routes en mauvais état, l’absence de marchés organisés et les difficultés de stockage rendent également la commercialisation des produits très compliquée. Nous sommes souvent contraints de vendre nos produits à des intermédiaires qui fixent les prix, réduisant ainsi nos marges. Nous sommes également confrontées à des discriminations sociales et économiques qui limitent nos opportunités ," renchérit Chantal.

Les stratégies pour surmonter les défis

Pour aider les femmes maraîchères à s'autonomiser, plusieurs initiatives sont mises en place, souligne Christine Bijika, économiste et experte en microfinance. Elle note tout de même que ces mesures souffrent d’applicabilité.

"Les femmes maraîchères sont des femmes courageuses et résilientes qui jouent un rôle essentiel dans l’économie locale. Cependant elles ont besoin d’un soutien plus important pour surmonter les nombreux obstacles auxquels elles sont confrontées. Il y’a déjà des mesures, mais il faut les respecter et les renforcer", souligne-t-elle.

Il leur faut:

- l’accès à la microfinance : " des institutions de microfinance doivent trouver un terrain d’entente avec ces femmes pour leur venir en aide chaque fois qu’elles sont dans le besoin, en leur proposant des crédits adaptés à leurs besoins pour leur permettre d'investir dans leurs activités."

- La Formation professionnelle : "des programmes de formation doivent être organisés régulièrement pour améliorer les connaissances de ces femmes en matière d'agriculture, de gestion et de commercialisation."

- la Création de réseaux :" des coopératives doivent être créées pour renforcer le pouvoir de négociation des femmes et leur faciliter l'accès aux marchés”.

- l’Amélioration des infrastructures : “des projets mis en œuvre pour améliorer les routes, construire des marchés et faciliter l'accès à l'eau doivent être exécutés le plus rapidement possible pour permettre à ces femmes d’améliorer leurs conditions de vie”.

La spécialiste de la microfinance souligne également que les produits financiers adaptés à ces femmes doivent être flexibles, accessibles et répondant à leurs besoins spécifiques. Par exemple, les crédits en nature, comme les semences ou les outils agricoles, sont très appréciés.


Nancy Clémence Tshimueneka