RDC : sur les rives de l’Atlantique, à la rencontre des héroïnes qui font vivre la pêche artisanale à Moanda

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Des pêcheuses artisanales

Bercés par le rythme de l'océan Atlantique, à l'extrême ouest de la RDC, dans la cité côtière de Moanda, les pêcheurs artisanaux tirent leurs filets au gré des vagues. À la plage, une dizaine de femmes dévouées sont mobilisées, récipients de toutes marques à la main, attendant d'acheter les poissons et autres produits de l’océan pour les revendre ensuite.

Les pêcheurs, majoritairement des jeunes de la cité, commencent à démêler leurs filets, un processus laborieux et complexe, au vu de leur grandeur. Les femmes les entourent, les bruits des vagues se mêlant à leurs voix, pendant qu'elles font des propositions de prix aux différents groupes de pêcheurs. Ces derniers proposent des tas de produits entremêlés : crabes, crevettes, fretins, et autres. Ils attendent de conclure le marché définitivement avec les plus offrantes.

Une dame d'une quarantaine d'années s'est procuré un tas dans un bol. « Ce tas, je l'ai acheté à 3 500 FC. Ils le mettent comme ça, avec tous les déchets de l'eau et de la plage, y compris la brousse et un peu de sable. C'est après qu'on va les trier et jeter ce qui ne vaut pas la peine d'être gardé. Après, on revend. Comme je l'ai acheté à 3 500 FC, je peux le revendre à 6 000 FC, pour un bénéfice de 2 500 FC », nous a-t-elle confié.

Une autre, qui se fait appeler Ngiama, mise sur un bénéfice de 3 000 FC pour un tas acheté à 7 000 FC. « Je vais le revendre en petits tas à 1 000 FC. Cela peut me procurer jusqu'à 3 000 FC de bénéfices, voire plus », a-t-elle indiqué.

Venir se procurer du poisson le matin n'est pas un jeu d'enfant. Cela requiert d'énormes sacrifices. Ces femmes bravent les nuits courtes et parcourent de longues distances, parfois à pied, pour s'approvisionner en poisson frais. Il n'est pas rare que certaines d'entre elles empruntent des moyens de déplacement en vogue dans l'agglomération.

« Je viens souvent ici à moto. De chez moi jusqu'ici, le trajet dure environ 10 minutes à moto », confie l'une d'elles.

L'achat et la revente des poissons et autres produits de l'océan constituent le gagne-pain et la raison de vivre de plusieurs foyers. « Je suis mariée et mère d'un garçon. Mon mari est pêcheur. Il est présent ici. Il exerce son activité de pêche et gagne un peu d'argent. Moi aussi, je mène mon activité et gagne mon revenu. Cela nous permet d'augmenter les revenus du foyer pour bien prendre soin de notre enfant, et des autres que nous aurons dans les jours à venir », témoigne une jeune dame, en pleine activité de triage.

Une femme d'environ 50 ans évoque la situation de chômage que traversent leurs maris. « Nous souffrons pour prendre soin de nos familles. Nous avons des enfants. Nos maris ne font plus rien. C'est nous qui les soutenons par ces activités », a-t-elle indiqué.

Elle affirme aussi faire face à la problématique de la scolarité des enfants. « Notre casse-tête, c'est la scolarité de nos enfants au secondaire. Au primaire, c'est gratuit et là il n'y a pas de problème. Le chef de l'État était ici en campagne et nous a promis d'élargir la gratuité au secondaire. Nous attendons qu'il tienne sa parole », dit-elle désespérément.

Une femme un peu plus âgée s'inquiète quant à elle de la rareté des produits de l'océan ces dernières années. « Il n'y a plus de poissons comme avant. Je me rappelle lorsque je revenais fraîchement de Kinshasa, j'avais ramassé tout un petit bassin de fretins. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas ». Selon elle, cette rareté pourrait se justifier par les activités de la pêche professionnelle exercées par certaines communautés chinoises, point de vue en vogue auprès de nombreux habitants de Moanda.

Cette partie de la RDC est pourtant riche en ressources pétrolières, les plus importantes pour le pays. Elle fait face au chômage, surtout des jeunes, alors que de grandes sociétés multinationales comme Perenco, une entreprise franco-britannique, exploitent le pétrole sur place. Cette exploitation du pétrole est dénoncée à cause de son coût environnemental et humain, dans une région abritée par le parc marin des mangroves, créé en 1992 pour la protection de certaines espèces en voie de disparition, dont les lamantins.

Moanda manque aussi d'infrastructures de base à la hauteur de ses potentialités. Sur place, la Société nationale des industries de raffinage (Socir) a cessé les activités de raffinage depuis 1999. Selon plusieurs observateurs, relancer ces activités pourrait permettre de réduire le chômage, la pauvreté et la misère.

Bruno Nsaka