Dans les rues de Goma, chef-lieu du Nord-Kivu, les pharmacies semblent se multiplier à une vitesse alarmante. Avec plus de 800 pharmacies recensées, la province affiche une croissance explosive du secteur. Cependant, ce développement fulgurant cache une réalité plus sombre : seules trois d'entre elles possèdent les documents officiels autorisant leur activité.
La majorité de ces officines, selon Lolo Mihala, président des pharmaciens du Nord-Kivu, ne sont en réalité que des « boutiques de médicaments qui s’entretiennent en violation de la loi ». Leur prolifération n'est pas seulement un signe de non-conformité administrative, mais aussi un danger potentiel pour la santé publique. Nombre d’entre elles sont tenues par des personnes sans formation adéquate, augmentant les risques d'automédication parmi la population.
Face à cette situation, des voix s'élèvent, telles celles des tenanciers des pharmacies, qui se plaignent des pressions financières. Muhindo Mukumbatiya Benoît, responsable d'une officine, dénonce les tracasseries de l'inspecteur de la santé chargé du dossier. Selon lui, ce dernier exige des paiements allant de 50 à 2000 dollars américains, sans fournir de reçu ou de documentation en retour.
À ces accusations, Kiyembwa Safari Israël, médecin inspecteur provincial du Nord-Kivu, répond fermement, précisant que seulement trois pharmacies sur les 800 recensées disposent d'une autorisation d'ouverture légitime.
L'encadrement strict de l'ouverture d'une pharmacie semble avoir été relégué au second plan. Selon le protocole établi, avant d'ouvrir une pharmacie, il est nécessaire de collaborer avec un pharmacien diplômé, inscrit à l'ordre et ayant prêté serment. Seul ce dernier peut adresser une demande d'ouverture au ministre de la Santé.
Mihala, alarmé par cette situation, interpelle : « Le médicament est un poison quand il est mal utilisé. Le pharmacien est cette personne-là qui s’assure de l’utilisation rationnelle des médicaments. » Il plaide pour une régulation stricte de ce secteur, rappelant que la loi stipule une distance d'au moins un kilomètre entre deux pharmacies.
Derrière cette situation préoccupante, un autre fléau menace la population : l'automédication. La prolifération des pharmacies y contribue largement, d'autant plus que la précarité pousse de nombreux Congolais à se soigner par eux-mêmes, sans consulter de médecin. Le coût de la consultation, jugé trop élevé pour certains ménages, les incite à se rendre directement en pharmacie sans ordonnance médicale.
Ce phénomène n'est pas nouveau en RDC, mais il s'intensifie et pose un réel problème de santé publique. Les acteurs du secteur, qu'ils soient régulés ou non, ainsi que les autorités, doivent prendre conscience de l'urgence à agir pour garantir la sécurité sanitaire de la population.
Yvonne Kapinga, à Goma