Butembo-Beni : Mgr Sikuli Paluku célèbre 25 ans de son épiscopat marqué par la guerre

Mgr Sikuli Paluku Melchisédech, Evêque du diocèse catholique de Butembo-Beni/Ph droits tiers

2 août 1998 - 2 août 2023, il y a 25 ans passés depuis que Mgr Sikuli Paluku Melchisédech était ordonné évêque du diocèse catholique de Butembo-Beni dans l'est du Congo. Un épiscopat marqué par des crises sécuritaires et politiques qui ont localement valu à Mgr Sikuli Paluku un surnom de "l'évêque des temps de crises". Ce jubilé d'argent est célébré ce vendredi 11 août à Butembo (Nord-Kivu) où séjournent depuis hier jeudi plusieurs personnalités religieuses, notamment le cardinal Fridolin Ambongo, les évêques présents de Kindu, Idiofa, émérite de Goma, Mahagi et Bunia ainsi que politiques, entre autres les ministres Julien Paluku, Nzangi Muhindo, le gouverneur militaire du Nord-Kivu Constant Ndima et des députés. Au menu, une messe d'action de grâce ainsi que des activités socio-culturelles. Reportage.

C'est tout Butembo qui bouge pour ce jubilé d'argent de l'épiscopat de Mgr Sikuli Paluku. Ici des affiches de l'évêque, là-bas des routes barricadées pour garantir la sécurité des fidèles et personnalités présents à la célébration. Deux sites sont choisis pour accueillir l'évènement. L'esplanade de l'Itav (Institut technique agronomique et vétérinaire) accueille la messe d'action de grâce, alors que celle de l'Institut Malkia Wambingu s'apprête à accueillir des événements socio-politiques. A l'ITAV, des fidèles et personnalités affluent, l'espace doit accueillir des milliers de personnes. Côté personnalités politiques, les ministres Julien Paluku, Nzangi Muhindo, Catherine Furaha, le gouverneur militaire Constant Ndima, des généraux ainsi que des députés sont déjà présents sur le podium.  Côté religieux, l'évêque du diocèse anglican du Nord-Kivu est également là. Côté scientifique, des professeurs et recteurs des universités, notamment le recteur de l'Université de Goma, le professeur  Muhindo Mughanda. Des membres du patronat, notamment la FEC, sont aussi présents. D'autres personnalités et fidèles continuent à affluer sous le rythme des chants invitatoires, en attendant l'arrivée des célébrants du jour. Ce 25 ans d'épiscopat de Mgr Sikuli Paluku est donc un grand événement dans cette ville à prédominance catholique. 

25 ans de crises

L'évêque Sikuli Paluku est docteur en philosophie à l'Université pontificale Urbaniana à Rome. Thèse défendue dans les années 1980 après son passage au Grand séminaire de Murhesa à Bukavu. C'est un disciple tout fait de Mgr Kataliko qui l'ordonna diacre puis prêtre, avant de lui laisser la charge d'administrer le diocèse de Butembo-Beni quand Mgr Emmanuel Kataliko fut envoyé à Bukavu comme archevêque métropolitain en mai 1997.

Nommé évêque le 3 avril 1998 par le Pape Jean Paul II, Mgr Sikuli Paluku avait été ordonné dans son ministère le 2 août 1998 avant que n'éclate le soir de la même journée, à Goma, la guerre du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD-Goma), l'ancêtre des rébellions que connaîtra par la suite le Congo. Pendant 25 ans de son ministère, l'évêque n'a connu que des crises sécuritaires, politiques et sanitaires. Ce qui lui a valu localement le surnom de "l'évêque des temps de crises".

Il a vécu les massacres de Miriki dans le sud de Lubero, l'enlèvement de ses cinq prêtres, notamment trois religieux assomptionnistes enlevés en 2012 à la paroisse notre dame de pauvres de Mbau et deux abbés enlevés en 2017 à la paroisse reine des anges de Bunyuka et continue à vivre jusqu'aujourd'hui les  massacres de Beni. Côté crise sanitaire, son diocèse a été endeuillé par la plus grande épidémie d'Ebola du pays qui a fait plus de 2 000 morts en 2 ans. Aujourd'hui, ses fidèles se retrouvent asphyxiés par l'insécurité sur l'axe Ituri ainsi que la rébellion du M23. Des crises qui n'ont toutefois pas fait peur à l'évêque Sikuli. 

Dans ses homélies, messages, lettres et déclarations, il ne cesse de dénoncer l'insécurité, y compris les massacres, ainsi que les menaces d'occupation et de balkanisation du pays. Il n'hésite pas non plus à dénoncer l'incurie de la classe politique qui excelle d'après lui, dans la corruption et la mauvaise gouvernance. 

Au-delà des déclarations et dénonciations, il est activement impliqué dans la recherche de la paix, à travers des lobbying aux niveaux local, national et international ainsi que des actions de négociation avec des groupes armés pour qu'ils déposent les armes. 

Une pastorale sociale

Sa pastorale sociale a permis l'érection de 36 nouvelles paroisses, ramenant à 71 le nombre de paroisses de son diocèse et a ordonné 424 prêtres dont 174 diocésains et 250 religieux. Mais, d'après son chancelier Ignace Matsungu, son ministère reste confronté à plusieurs défis, notamment l'inculturation de la foi, l'insécurité ainsi qu'une islamisation radicale, silencieuse mais conquérante. Face à ces défis, l'évêque de 71 ans appelle ses fidèles et hommes de bonne volonté à espérer contre toute espérance, comme Abraham. Et d'après son chancelier, ses raisons d'espérance sont notamment "la foi de notre peuple, l'engagement des fidèles à s'approprier l'appel de l'évêque à l'auto-prise en charge, la résilience ainsi que la démographie grandissante" dans un diocèse de plus de 3 millions d'habitants. 

Claude Sengenya