Lundi 13 mars, le ministre de l’Industrie Julien Paluku a officiellement remis le statut créant une première zone économique spéciale (ZES) dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Les cérémonies y relatives se sont déroulées à Musienene, village choisi pour accueillir cette zone industrielle, à près de 20 km au Sud de Butembo (Nord-Kivu), en présence d’une délégation des officiels de son secteur venus de Kinshasa, notamment le Directeur général de l’Agence des zones économiques spéciales, des autorités locales et des opérateurs économiques membres de la Fédération des Entreprises du Congo (FEC).
A en croire Ise Maliona, Président du conseil d’administration de la Société Tuvuli Equateur (SOCITEQ), chargée d’aménager la zone, la remise des statuts rend ainsi opérationnelle la zone économique spéciale de Musienene et ouvre ainsi la voie à l’aménagement du site et à l'installation des entreprises industrielles. Sur place, un espace de 127 ha vient d’être rendu disponible, avec le concours des chefs coutumiers locaux, pour accueillir dans les 15 prochaines années, «au moins 20 grandes entreprises et une centaine des petites et moyennes entreprises», à en croire Ise Maliona.
Musienene ou la ZES d’espoir
La ZES de Musienene est érigée dans un Nord-Kivu confronté à plusieurs défis sécuritaires, dus notamment à l’activisme des groupes armés et au chômage des jeunes. Mais ces défis sont loin de décourager des jeunes opérateurs économiques de Butembo et Beni qui, depuis 2020 ne ménagent aucun effort pour développer la zone économique spéciale de Musienene. Car, d’après Ise Maliona, la ZES est une opportunité crédible et durable.
«Face aux défis de sécurité et de développement, la ZES est une solution crédible et durable. (…) Au bout de 15 ans, nous aurons créé au moins 20 grandes entreprises et une centaine des petites et moyennes entreprises qui pourront créer près de 10 milles emplois directs et Indirect. Il y aura la valorisation de nos différentes ressources agricoles et minières, (…) pour le désenclavement économique, la création d’une classe moyenne et la pacification de notre région», s’est-il réjoui.
A Musienene, ces 20 grandes entreprises et cette centaine des petites et moyennes entreprises vont, d’après l’aménageur, se focaliser dans le développement de l'agro-industrie, la production des produits pharmaceutiques ainsi que des matériaux de construction, très utiles pour le marché local et régional. Après deux ans d’études, la première usine pilote est opérationnelle. Il s’agit d’une usine de traitement de l’eau minérale qui a été visitée par les participants.
«Nous demandons aux investisseurs nationaux et internationaux que désormais la zone économique spéciale de Musienene est fonctionnelle et qu'on peut s'y installer pour bénéficier des avantages accordés dans les ZES. Il s'agit des avantages liés aux exonérations totales, exonérations sur l'impôt sur le bénéfice qui vont jusqu'à 10 pour les entreprises et 20 ans pour l'aménageur lui-même», a encouragé Julien Paluku.
«Les produits qui sortiront ici seront compétitifs sur le marché, pour nous permettre d'affronter mieux notre entrée dans la zone de libre-échange continentale, d'affronter mieux notre entrée dans l'East African community (EAC, ndlr), d'affronter mieux l'accès au marché AGOA, une opportunité américaine qui permet aux pays d'Afrique subsaharienne d'importer ou d'exporter leurs productions vers les États Unis sans paiement de douane. Nous devons créer plusieurs zones économiques spéciales pour fournir à tous ces marchés, en vue de renforcer nos économies et créer de l'emploi», espère Julien Paluku.
L’aménageur salue cet accompagnement étatique. «Nous disposons d'un plan. Il faut chercher le financement pour pouvoir travailler, démarrer et attirer les investisseurs qui sont nombreux à nos portes et qui n'attendaient que le statut de ZES. (…) Pour démarrer une société ou une entreprise industrielle, c'est le début qui est difficile. Mais lorsque que l'Etat vous accompagne dans le démarrage, vous avez des facilités à pouvoir pénétrer des marchés au niveau national et international, (y compris) dans les pays voisins de la sous-région (des grands lacs et de l'EAC, ndlr)», se réjouit Ise Maliona.
La ZES, une approche du développement industriel
Depuis avril 2021, la RDC a adopté son Plan directeur d’industrialisation qui subdivise le territoire congolais en six zones industrielles selon les contextes, les potentialités et opportunités industrielles spécifiques à chaque zone. Dans ces zones industrielles, il est prévu l’installation des zones économiques spéciales, ces espaces libres pouvant accueillir des industries bénéficiant «d'allègements fiscaux et exempts de toute tracasserie».
Une politique du gouvernement visant à attirer les investisseurs et les inciter à créer des entreprises pouvant produire des biens et créer des emplois. Remettant les statuts créant la zone économique spéciale de Musienene, en présence des opérateurs économiques de la région, le ministre Julien Paluku a indiqué que la ZES de Musienene, à l’instar d’autres ZES installées ailleurs au pays pourront aider la RDC à réduire la facture des importations qui «font saigner notre économie».
«On a fait une évaluation avec le ministre du commerce extérieur, on est arrivé à une conclusion que nous importons pour 7 millions de dollars chaque année, des produits que nous sommes à même de produire localement. Notre économie saigne chaque année de 7 milliards pour enrichir les économies d'ailleurs. Si nous construisons des industries au nouveau local, les 7 milliards ne vont plus sortir pour aller créer des emplois et richesses ailleurs, mais plutôt au pays», a déclaré Julien Paluku.
Pour l’Est du Congo, à part la ZES de Musienene, d’autres zones économiques spéciales seront érigées en Ituri, dans la Tshopo ainsi que dans le Haut-Uélé.«Ça permettra de transformer localement nos ressources et ainsi faire face aux importations qui font saigner notre économie», a indiqué Julien Paluku.
Claude Sengenya