RDC: Au moins 15 cas de violences sexuelles documentés par semaine à Munigi et à Kanyaruchinya, la majorité des victimes sont déplacées de guerre

Photo d'illustration d'une femme violée
Photo d'illustration d'une femme violée

Des cas de violences sexuelles sont depuis la résurgence du M23 documentés dans les villages de Munigi et de Kanyaruchinya, situés en territoire de Nyiragongo et à Bulengo à l'ouest de la ville de Goma (Nord-Kivu). La plupart des victimes sont des déplacés qui ont fui la guerre du M23, violées par des hommes non armés. Elles sont parfois abusées pendant qu’elles sont à la recherche des vivres. 

« Les femmes enceintes et allaitantes se dirigent chaque jour vers Munigi pour récupérer la farine afin de faire la bouillie, et généralement il y a du monde, de longues files d’attente se font. Si tu veux bénéficier de cette farine il faut être là très tôt, soit quitter la maison vers 00h00 afin d’être la première à être servie. C’est sur le chemin que nous rencontrons des hommes, il y a ceux qui sont ivres et ceux qui ont seulement besoin de violer les femmes. Nous souffrons déjà avec nos enfants qui tombent malade chaque jour et nous, nous devons maintenant passer des journées à l’hôpital parce que nous avons été violées », témoigne une victime de violence sexuelle à Kanyaruchinya où est érigé un site des personnes ayant fui la guerre du M23.

Les personnes déplacées sont exposées à des risques accrus de violences sexuelles, tout d'abord pendant leur déplacement mais surtout au sein même des sites qui les accueillent. Dans le contexte de Kanyaruchinya‚ Munigi et Bulengo, s'assurer que les personnes déplacées aient accès à tous les services de base à proximité immédiate des sites de déplacés est essentiel pour renforcer leur protection et réduire leur exposition aux risques. 

Plus globalement, « les victimes font face à un problème d'accès à des soins de qualité holistique qui incluent une prise en charge psychologique, que ce soit à cause de contraintes géographiques, financières, ou encore à cause du manque de certains médicaments dans les structures de santé», renseigne Abdou Musengetsi, coordinateur de projet MSF à Goma.

« Par ailleurs, ces violences sont encore largement taboues dans la société congolaise et les victimes stigmatisées souffrent d'une double peine : au traumatisme de l'agression s'ajoutent alors des conséquences sociales et économiques qui peuvent être dramatiques pour les victimes », ajoute-t-il.

Des cas de violences sexuelles ont sensiblement augmenté depuis le déplacement massif de la population de l’intérieur de la province du Nord-Kivu vers les zones jugées sécurisées par l’armée loyaliste.

Selon les chiffres du MSF, entre juillet et décembre de l’année dernière, 262 patientes ont été reçues au centre de santé de Kanyaruchinya. Depuis le début de l'année 2023, en l'espace de seulement 6 semaines, ce sont 155 femmes à Kanyaruchinya et 188 à Munigi qui se sont présentées aux équipes soignantes. 

«En date du 24 février 2023, nous avons déjà reçu 143 patientes à la clinique Tumaini dont 47 dans un délai de moins de 72 heures. Les autres victimes sont arrivées tardivement car ces différentes agressions se sont déroulées pendant leur fuite des zones de combats. Pour les autres patientes, à Munigi et Kanyaruchinya, les agressions se sont produites en grande majorité pendant les activités quotidiennes de ces femmes, hors des sites de déplacés. Elles sont généralement violées la nuit ou très tôt le matin à la recherche de la nourriture dans des champs. Outre la violence sexuelle, les déplacés de guerre sont confrontés à plusieurs difficultés suite aux mauvaises conditions de vie qu'ils mènent dans les sites. Les enfants et les personnes de troisième âge courent le risque de contamination de maladies hydriques », conclut Abdou Musengetsi, coordinateur de projet Msf à Goma.

Depuis la résurgence du M23 en novembre 2021, plusieurs femmes sont victimes des violence sexuelle notamment dans des zones sous le contrôle des rebelles, également dans les camps de déplacés. Mais avant la résurgence du M23, des cas de viols étaient documentés mais pas assez.

Des femmes déplacées ont récemment manifesté leur colère dans les rues de Goma pour dire non aux violences dont elles sont victimes et demander au gouvernement congolais de restaurer la paix dans la province du Nord-Kivu.

Relire ici: Est de la RDC : Des femmes en colère dénoncent les violences dont elles sont victimes dans les zones occupées par les rebelles du M23

Yvonne Kapinga