Paul Kagame: « Le fait que nous jugions de notre responsabilité d’éradiquer ces individus (FDLR) où qu’ils se trouvent – et nul ne nous en empêchera – n’est que la conséquence de l’impuissance de ceux à qui cette tâche incombait en premier lieu »

Paul Kagame et Félix Tshisekedi le 25 novembre 2021 à Kinshasa
Paul Kagame et Félix Tshisekedi le 25 novembre 2021 à Kinshasa

Paul Kagame s’est longuement confié sur les tensions entre le Rwanda et la RDC. Dans un entretien accordé au magazine Jeune Afrique, il est revenu sur sa posture vis-à-vis du M23, des FDLR et du gouvernement congolais. Étant donné que cet entretien apporte quelques clés de la compréhension de la façon dont le président Rwandais aborde le sujet, la rédaction a jugé utile de vous proposer quelques extraits. 

« Prenons l’exemple du groupe terroriste FDLR [Forces démocratiques de libération du Rwanda]. Comment expliquer qu’il soit toujours actif vingt-neuf ans après le génocide, malgré la présence continue de la Monusco ? Fin 2019, ce groupe a encore mené une attaque meurtrière à Kinigi, dans le district touristique de Musanze, tuant 14 civils, avant de trouver refuge du côté congolais de la frontière ».

Et d'ajouter:

« Le fait que nous jugions de notre responsabilité d’éradiquer ces individus où qu’ils se trouvent – et nul ne nous en empêchera - n'est que la conséquence de l’impuissance de ceux à qui cette tâche incombait en premier lieu. Car, je vous l’assure, de mon vivant et du vivant des générations futures, il n’y aura plus jamais de génocide au Rwanda. Puissions- nous pour cela nous battre avec des arcs, des lances et des pierres, cela n’arrivera plus ».

Il a également donné sa recette pour résorber la crise: « D’un côté, le M23 doit cesser les combats. De l’autre, et simulta- nément, le gouvernement congo- lais doit étudier sérieusement ses revendications et y répondre. Les autorités de Kinshasa doivent aussi mettre un terme aux discours de haine anti-Tutsis et ne plus menacer ces populations de les renvoyer au Rwanda alors qu’elles sont chez elles au Congo. Plutôt que de prêter une oreille complaisante au récit de la partie congolaise et de n’écouter que cette version, les puissances extérieures concernées devraient l’aider à inté- grer ces gens. Le Rwanda n’est pas un espace vide dans lequel un pays voisin se croit autorisé à se débarras- ser des populations qu’il persécute

Au-delà de la crise actuelle, il également évoqué les conditions d’une paix juste et durable dans l’Est de la RDC: 

« Il n’y a pas des , mais une condition. Les dirigeants et les politiciens congolais doivent avoir le courage de regarder la situation en face et de s’atteler à la résoudre, sans chercher constamment des prétextes et des excuses extérieurs au pays. Nulle part au monde une paix juste et durable ne s’est bâtie sur des faux-fuyants.

S’agit-il d’un problème de gouvernance ? de sécurité ? des deux à la fois ? Aux Congolais de répondre, et de prendre leurs responsabilités ».

Contexte 

Les relations entre Kinshasa et Kigali sont davantage tendues ces dernières semaines. Un avion militaire congolais a été d’ailleurs visé et touché par un tir revendiqué par les autorités rwandaises qui accusaient le Sukhoi de violer son espace aérien. Le M23, soutenu par Kigali, a repris son offensive sur plusieurs axes combattant les FARDC, les milices locales et les Nyatura. La force régionale de l’EAC ne se bat pas non plus se contentant de privilégier la voie du dialogue. Les échanges diplomatiques sont également au point mort. La dernière rencontre prévue à Doha entre les autorités rwandaises et congolaises ne s’est pas n’ont plus déroulée. Les processus de Nairobi et de Luanda n’avancent pas non plus et l’exécution de la feuille de route censée organiser le retrait du M23 et normaliser les relations entre le Rwanda et la RDC est au point mort.