RDC : les recommandations des néphrologues à propos des maladies rénales

Photo/ Actualité.cd
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La prévalence globale de la maladie rénale chronique (en abrégé MRC) dans la population de Kinshasa est de 12,4 %. L’hypertension, le diabète sucré, le surpoids demeurent les principaux déterminants de cette pathologie, selon une revue synthétique de quatre études transversales menées dans la capitale. Les néphrologues insistent sur la mise en place d’un programme spécialisé pour ces maladies.

  Ces enquêtes ont été menées dans la population de façon générale, et particulièrement dans les structures de santé en 2010. Les auteurs, Ernest K. Sumaili des Cliniques Universitaires de Kinshasa (CUK), Jean-Marie Krzesinski de l’Université de Liège, Eric P. Cohen de Nephrology Section, Zablocki VA Medical Center (USA) ainsi que Nazaire M. Nseka du service de néphrologie de l’Université de Kinshasa, ont pu établir que plus de 90 % des personnes atteintes de maladie rénale chronique n’en étaient pas conscientes. Ils signifiaient aussi que la prévalence de l’hypertension et du diabète sucré était en nette progression. Par conséquent, il fallait s’attendre parallèlement à une augmentation future des cas de maladies rénales chroniques. 

Plus de 10 ans après que cette étude ai été menée, le centre d’hémodialyse de l’hôpital central de référence de la police de Kinshasa (Camp Lufungula), l’un des plus visités dans la capitale, reçoit une moyenne de 90 cas par semaine, pour les maladies rénales aigües et chroniques. Au Camp Kokolo, plus de 50 personnes se rendent en urgence ou dans les box de consultation du service qui gère notamment le diabète. A HJ Hospital, qui propose également des services de dialyse, environ 30 personnes sont consultées par jour en diabétologie, une dizaine spécifiquement pour la dialyse. Pour tous ces centres, l’âge des patients  (hommes et femmes) se situe entre 13 et plus de 50 ans. 

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« Il n’existe pas un programme spécifique ou un budget alloué aux MRC»

Pour Matthieu Ngilibuma, néphrologue depuis 22 ans, le gouvernement devrait investir dans la recherche et la prise en charge des maladies rénales chroniques.

« Il faut  que des moyens conséquents soient alloués à l’ampleur du problème. Les études ont prouvé depuis toutes ces années l’évolution de ces maladies. iI faut un programme spécifique et un budget, qui n’existent pas jusque-là. Le Ministère de la recherche scientifique doit être doté des moyens destinés aux MRC. Il est vrai que la RDC a institué un programme de prise en charge des Maladies Non Transmissibles (MNT) mais quel pourcentage est réservé aux maladies rénales chroniques ? Quel pourcentage est affecté à la Société congolaise de néphrologie (SOCONEPH) ? » interroge-t-il.  

A Serge Kabangu, un autre néphrologue de renchérir. « Il va aussi falloir investir dans la formation du personnel opérant dans la transplantation rénale. Le gouvernement doit également songer à la subvention de la prise en charge des cas ». 

Multiplier des centres de dialyse à travers le pays

En l'absence d'un autre recensement pour disposer des données sur la population, les estimations de l'annuaire statistique 2020 donnent un chiffre de 98, 3 millions selon le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA). À Kinshasa, moins de 10 centres de dialyse existent. Il n'y en a que trois qui sont les plus recommandés. Il s’agit du centre d’hémodialyse situé au sein de l’hôpital Camp Lufungula (qui a été désinstallé de l’hôpital général Mama Yemo), des Cliniques Universitaires de Kinshasa (CUK) et de l’hôpital HJ qui est un établissement privé. A travers le pays, le Dr. Ngilibuma plaide pour une multiplication. 

« Dans plusieurs provinces, il n’y a pas de centre. Il y en a 1 à Goma (Nord-Kivu), un autre à Bukavu (Sud-Kivu), un autre au Kongo-central, un autre au Maniema et un autre à Lubumbashi. En sommes, moins de 10 pour toutes ces provinces », a-t-il indiqué.  

Moderniser la médecine traditionnelle africaine

Les néphrologues déconseillent le recours aux produits néphrotoxiques ou à base des plantes médicinales pour deux raisons principales: le dosage » et/ou le manque d'expérimentation scientifique. 

« Une personne qui souffre par exemple de l’hémorroïde peut utiliser ces produits, espérant soigner cette maladie alors que cela peut créer d’autres problèmes de santé plus graves. Les plantes médicinales sont des produits qui trouvent souvent des solutions à une forme de maladie mais en créent d’autres. Nous ne sommes pas contre la médecine traditionnelle africaine. La procédure est simple. Pour qu’un produit soit recommandé au niveau local, il doit être étudié, on doit pouvoir établir les effets nocifs, mais si cela n’est pas connu, les gens vont s’autodétruire à cause de l’africanisme ou la promotion de nos produits. Ce sont des faits réels que nous constatons. Les gens qui viennent solliciter nos services (hémodialyse, ndlr) sont pour la plupart ceux qui ont utilisé ces produits », explique le Dr. Serge Kibangu, médecin directeur et responsable de l’hôpital du Camp Lufungula. 

Il a par ailleurs recommandé aux auteurs de ces produits de s’associer aux pharmaciens et médecins qui sont formés, pour étudier leurs produits, passer par toutes les étapes d’expérimentation et pouvoir en déterminer le dosage et les effets nocifs, d’abord sur les animaux, ensuite sur les humains.   

Par ailleurs, les néphrologues encouragent le dépistage des problèmes des reins surtout pour les personnes qui ont des maladies telles que le diabète sucré, l’hypertension ou des personnes qui ont des antécédents familiaux pouvant favoriser la maladie. Ils soulignent que « les patients viennent généralement au stade terminal. Ce qui n’est pas favorable. »

Prisca Lokale