Pour le prof Thierry Nlandu, 30 ans après les massacres des chrétiens, les Congolais sont capables de braver la peur : « aujourd'hui, ce peuple peut se mobiliser pour réclamer ses droits »

Conférence de presse du Collectif du 16 février à l'occasion du 30ème anniversaire des massacres des chrétiens
Conférence de presse du Collectif du 16 février à l'occasion du 30ème anniversaire des massacres des chrétiens

16 février 1992-16 février 2022, 30 ans jour pour jour que des manifestants chrétiens ont été tués par les forces de l’ordre alors qu’ils réclamaient la réouverture de la Conférence Nationale Souveraine (CNS). À cette occasion, une conférence débat a été organisée ce mercredi 16 février à Kinshasa par le Collectif du 16 Février, un mouvement de la société civile regroupant plusieurs structures en son sein.

Dans son intervention axée autour du thème « 30 ans, 1992-2022 : les croyants congolais toujours interpellés au courage politique », le professeur Thierry Nlandu Mayamba, membre du Comité Laïc de Coordination (CLC) dit noter quelques avancées dans le chef de la population au regard de son attitude quoi qu’il reste encore beaucoup à faire.

« 30 après ça signifie que ce pays est en train de se chercher. Le vrai problème, c'est de savoir si après 30 ans, ce que nous avons fait a porté des fruits. Moi, je dis oui tout simplement parce que 30 ans après, il y a des choses qui ont commencé à émerger au niveau de notre société. La première chose, c’est que nous sommes aujourd'hui capables de braver la peur, ce peuple peut se mobiliser pour réclamer ses droits. Nous sommes l'un des rares pays où l'on a réussi à sauvegarder une constitution c'est-à-dire que le peuple s'est mobilisé en 2016, 2017, 2018 pour qu'on ne change pas la constitution au gré de vent, si on veut modifier la constitution ça sera dans le sens de l'intérêt du peuple mais si c'est dans le sens de l'intérêt des individus le peuple a appris à se mettre debout, protéger cette constitution. Ça c'est un acquis parce que quand vous regardez autour de nous dans beaucoup de pays, les présidents ont joué avec la constitution et ça, il ne faut pas qu'on y revienne. Il ne faut pas qu'on abandonne cette marche-là », a fait savoir Thierry Nlandu Mayamba devant la presse.

Il a évoqué l'importance de l'unité dans la coordination des actions. Il estime que tout ce qui arrive à la population, c'est parce qu'il n'arrive pas à dire "non ".

« Il ne faut pas croire qu'on peut travailler de manière désordonnée. Nous ne pouvons réussir que quand nous sommes ensemble, au-delà de nos ethnies, qu'on ne nous trompe pas, le tribalisme n'est pas le fait des populations non, le tribalisme est une stratégie utilisée par ceux qui sont au pouvoir depuis toujours, depuis l'époque coloniale c'est-à-dire on oppose les ethnies au pouvoir en disant il faut protéger notre pouvoir mais en réalité ce n'est pas tout le monde dans l'ethnie qui bénéficie de ce pouvoir », a-t-il fait savoir.  

Et d'ajouter :

« Le pouvoir aujourd'hui est considéré comme un outil pour arriver à l'avoir, pour arriver à l'argent, c'est une société où tout est tourné autour de l'argent. Autour de nous tous les débats, c'est autour de millions qui sont volés là-bas, avec des gens qu'on envoie en prison, on ne les envoie pas en prison parce qu’ils ont défendu des idéaux ou des valeurs, on les envois encore juste parce qu’ils ont volé de l'argent. On détourne en terme des millions, vous vous rendez compte que dans un pays quelqu'un peut prendre 15 millions et le lendemain, cette personne va à la banque mondiale pour solliciter un prêt de 15 millions ? C’est aberrant mais cela n'est possible que parce que nous avons peur de dire non. Réapprenons cela, dans la vie, il n'y a que ceux qui osent qui peuvent se tromper … Ceux qui n'osent jamais, ils ne se trompent jamais ». 

Interdite par les autorités, cette marche du 16 février 1992, dite de l’Espoir, avait fédéré plusieurs fidèles de diverses confessions. Face à l’adhésion massive de la population kinoise, la répression fut brutale. Les forces de l’ordre tiraient à bout portant sur les manifestants. Deux mois après cette manifestation, malgré l’opposition du Premier Jean Nguz Karl-I-Bond, qui estimait que les travaux de la CNS regroupant 2 650 délégués étaient budgétivores, ce forum va reprendre et connaîtra la désignation d’Étienne Tshisekedi comme Premier ministre du gouvernement de transition le 15 août 1992.  La CNS clôturera finalement ses travaux en décembre 1992.

Clément Muamba