Les 16 jours d’activisme contre les violences basées sur le genre se poursuivent jusqu’au 10 décembre. En République Démocratique du Congo, de mars à novembre, on compte parmi les sujets les plus abordés « les réparations ». Que faut-il comprendre par ce terme, qu’attendent les survivant.es des violences ? Entretien avec Noella Alifwa, coordonnatrice d’un centre de prise en charge basé à Bunia.
« Nous recevons par mois, plus de 60 survivant.es dont la plupart sont des femmes. Elles arrivent des villages lointains avec l’espoir de trouver des soins appropriés. La prise en charge des survivant.es des violences sexuelles doit se faire gratuitement. Cependant, cette prise en charge nécessite une forte mobilisation des ressources financières, pour l’achat des intrants, pour apporter des réponses aux besoins des victimes et pour tout autre sujet », explique-t-elle.
Hérité de MSF Suisse depuis 2013, ce centre médical de la Sofepadi offre une prise en charge holistique des victimes des violences sexuelles (médicale, psychologique, juridique, et la réinsertion socio-économique) grâce à un appui de différents partenaires. La semaine dernière, des survivant.es venus de plusieurs pays d’Afrique ont été réunis à Kinshasa pour produire une déclaration commune sur les réparations. Parmi les participants, Noella Alifwa. Elle estime qu’au cours des années, la situation des survivant.es s’est améliorée.
« Lorsque nous avons commencé à accompagner juridiquement les survivant.es des violences sexuelles, il fallait à tout prix voiler leurs visages pour éviter toute stigmatisation ou pour empêcher aux bourreaux et leurs membres de familles de les reconnaitre. (…) Les choses ont beaucoup évolué actuellement. Au fil des temps, les survivant.es demandent eux-mêmes à être dévoilés. Et au cours de ces assises, les femmes ont parlé par elles-mêmes. Elles ont révélé des tortures, des viols massifs, des enlèvements subis durant plusieurs années », raconte-t-elle.
Succession des plaidoyers
Ce n’est pas la première table ronde tenue sur le même sujet en RDC. Du 30 au 31 mars de cette année, des survivant.es de violences sexuelles, des acteurs institutionnels concernés, des organisations de la société civile et des représentants diplomatiques ont pris part à une table ronde sur la création d’un Fonds national de réparations, des assises organisées par le Global Survivors Fund (GSF) en collaboration avec le Mouvement National des Survivantes des Violences Sexuelles en RDC et le soutien de la fondation Panzi.
Entre avril et novembre, des plaidoyers ont été menés au niveau des acteurs gouvernementaux. Il y a eu plusieurs discussions et des nouvelles rencontres entre la directrice du Global Survivors Fund et un certain nombre d’acteurs. L’objectif étant de « pousser l’Etat à rendre disponibles ce fonds parce qu’il est de son devoir de le faire ».
Au mois d’aout, Denise Nyakeru a rejoint les plaidoyers. Après avoir rencontré des membres de l’hôpital de Panzi et la directrice exécutive du GSF, son bureau a organisé en octobre, une table ronde inclusive sur le Fonds National des survivant.es. Des recommandations issues de ces assises ont été soumises au Premier ministre par une survivante des violences sexuelles.
Des attentes concrètes des survivant.es au sujet des réparations
« Les survivant.es demandent, tout d’abord, d’être remis dans leurs droits. Les Etats qui devraient assurer la protection, la sécurité des populations, ont échoué dans leur mission. Lorsque les groupes armés sont arrivés dans les pays, ils ont commis des actions de violences et la charge incombe à l’Etat. Des recommandations ont été faites pour que les Etats assurent réparation, » dit Noella Alifwa. Cette réparation s’effectue à différents niveaux, poursuit-elle,
-La réparation individuelle, qui concerne la victime elle-même, la personne agressée physiquement (au-delà du viol, celles qui ont été amputées d’une partie de leur corps, qui ont contracté des maladies, des grossesses).
-La réparation collective, qui implique les conjoints, les enfants, les communautés des victimes. Elle s’effectue par la construction des écoles, des hôpitaux ou des survivant.es peuvent accéder aux soins, des espaces surs où les survivant.es peuvent se libérer du traumatisme par des échanges avec les communautés.
Par ailleurs, des survivant.es réclament également leur implication dans tous les programmes et tous les processus de réparations. Dans toutes les assises, ils.elles précisent que ces réparations ne sont pas uniquement liée à l’indemnisation.
Prisca Lokale