Le débat autour de la décision du gouvernement de réduire sensiblement les prix des billets des vols domestiques est encore d’actualité. Ce lundi 16 août, des femmes membres de la société civile dans les provinces de Beni (Nord-Kivu), du Haut-Katanga et du Nord-Ubangi ainsi que de Kinshasa livrent leurs points de vue à ce sujet.
« Nous nous sommes réjouis à l’annonce de cette décision et nous avons également vu certains opérateurs s’y opposer. Mais, quand c’est le gouvernement qui décide, les opérateurs doivent s’appliquer. Il s’agit d’une décision salutaire pour la population », dit Claudine Faida-Maroy, basée à Beni.
Jeanne Kangu, de la Dynamique des femmes de la Société civile du Nord-Ubangi pense surtout aux séances de formation organisées à Kinshasa. Des formations bénéfiques dans son parcours professionnel.
« En province, nous sommes très enclavés. Il se tient de nombreux séminaires sur l’autonomisation, sur la santé, sur différents thèmes à Kinshasa. Souvent tout ce qui nous manque, ce sont les moyens financiers pour réserver une place dans l’avion et pouvoir y prendre part. J’étais très heureuse quand j’ai appris que le gouvernement a convenu de réduire les prix des billets d’avions . C’est une bonne nouvelle pour nous. » a-t-elle expliqué.
Du temps de Zaïre, chaque voyageur avait droit à au moins 40 Kg gratuits
Après la signature de l’arrêté ministériel, des contestations ont été enclenchées du côté des opérateurs aériens. C’est notamment le cas de Gueda Yav, responsable de la ligne aérienne Mwant Jet qui l'a fait savoir à travers des multiples tweets. La compagnie nationale d’aviation Congo Airways a annoncé l’effectivité de cette décision pour ses vols locaux.
Claudine Faida-Maroy et Jeanne Kangu dénoncent par ailleurs le fait que des nouveaux tarifs soient affectés aux bagages des clients. « Dans le secteur de Butembo où près de 80% de la population pratiquent des activités commerciales, cette décision est très importante. Néanmoins, nous avons constaté que d’autres frais ont été annexés à cette réduction. Les bagages à main d’au moins 5 kg étaient un droit du client. Mais d’autres frais supplémentaires ont été ajoutés. C’est-à- dire que tous les bagages à main commencent à être payés. A ce moment-là, la totalité des frais à payer vous ramène au montant de départ, avant la décision du gouvernement. » déplore Claudine Maroy, point Focal du mouvement Rien Sans les Femmes (Rslf) à Beni et membre de la société civile depuis plus de 20 ans.
A Jeanne Kangu d’ajouter, « quand on veut se rendre dans la capitale, on s’organise pour apporter ce qu’il y a de meilleur en province (des poissons par exemple) pour nos familles et connaissances résidant dans la ville. Mais, les responsables d’avions nous font payer des taxes exorbitantes à partir de 20 Kg. Du temps de Zaïre, chaque voyageur avait droit à au moins 40 Kg gratuits après l’achat de son billet. Si le gouvernement pouvait faire en sorte que le client qui paie 150$ ait droit à au moins 30Kg, cela nous sera utile. »
Évaluer l’impact d’une action gouvernementale avant de signer un arrêté ou une ordonnance
Depuis la province du Haut Katanga, Mamie Ndaya évoque la question de l’impact des décisions du gouvernement.
« Nous savons que la gratuité de l’enseignement de base est inscrite dans la constitution, mais son effectivité sur terrain pose encore problème. Et donc, si le gouvernement se décide de poser une quelconque action, il faudrait qu’en amont des études soient menées en ce sens. Il ne faudra pas que cette décision de réduire les prix des billets d’avions pèsent sur les sociétés d’aviation ou sur la population, » a-t-elle souligné.
« La République Démocratique du Congo garantit le droit à la liberté de circulation (Constitution article 30), » précise Annie Bambe, activiste sociale basée à Kinshasa. Se fondant sur ce texte, elle estime qu’il est du devoir des pouvoirs publics de faciliter et encadrer ce droit notamment par l'allègement du prix des moyens de déplacement.
Elle a également soutenu le fait que cette décision assouplit le budget des organisations féminines dans la mesure où les billets d’avions constituaient un frein à leurs déplacements en province. « La RDC a la dimension d'un continent. Cependant, les routes de communication inter provinciale sont impraticables. Cet arrêté ministériel est un pas important mais il faut faire mieux en réhabilitant le réseau routier interne afin de faciliter les déplacements de la population, surtout de la femme et des biens ».
Prisca Lokale