RDC : l'Actualité de la semaine, vue par Adine d'or Omokoko 

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Prise de pouvoir de Malangu Kabedi-Mbuyi à la Banque Centrale du Congo, proposition de loi Mbau, question écrite au sujet du projet Tshilejelu, interpellation à Béni de 18 personnes parmi lesquelles des militaires, la semaine dernière a été riche en événements.  Avocate de profession, secrétaire générale du Cadre permanent de concertation de la femme congolaise (Cafco), Adine d'or Omokoko passe en revue ces faits marquants.

Bonjour Madame Adine d'or Omokoko et merci surtout d'avoir accepté de nous accorder de votre temps. La semaine a commencé avec la cérémonie de remise et reprise, entre Mme Malangu Kabedi Mbuyi, gouverneure entrant de la Banque centrale du Congo, et Déogratias Mutombo, gouverneur sortant. Parmi les défis qui attendent son équipe, il y a notamment la stabilisation monétaire et la dédollarisation de la monnaie nationale. Comment devrait-elle y parvenir selon vous ? 

Adine d'or Omokoko :  Nous avons tous suivi la nomination des femmes au niveau de la Banque centrale. Le président de la République a fait honneur à la femme en lui confiant la tête de cette institution aussi prestigieuse. Nous ne pouvons qu’au nom du CAFCO et du mien personnel, féliciter Madame Malangu et Madame Mukeni qui ont été élevées à ce stade. Nous pensons qu’elles seront à la hauteur de leurs tâches parce qu’elles ont déjà fait preuve de gestion des institutions d’où elles sont venues. Madame Malangu au FMI, Madame Eliane, à la FEC. Je sais qu’elles ne sont pas des femmes moindres. Ce sont vraiment des calibres qu’on a pu placer au niveau de cette institution. Nous espérons d’elles d’être seulement respectueuses des procédures et des normes pour la bonne gestion de la Banque. Moi, je suis confiante que les femmes lorsqu’elles sont placées quelque part, elles font toujours du bon travail. Souvenez-vous qu’en 2006, nous avons eu un contrôle parlementaire au sein des institutions de la République et dans les entreprises publiques. Vous savez que les institutions ou les entreprises qui ont été gérées par les femmes n’ont été trempées dans la malversation et les détournements des deniers publics. Je crois que forte de cette expérience, nous pouvons espérer avoir des bons résultats auprès de nos sœurs, de nos mamans qui sont élevées au niveau de la Banque centrale. Nous souhaitons bon vent à elles et un mandat fructueux.

En économie toujours, le député national Claudel Lubaya André a adressé, mercredi 21 juillet, une question écrite au ministre des Infrastructures et Travaux Publics, au sujet de l'évaluation de la mise en œuvre du projet Tshilejelu, lancé en mars dernier par le Président de la République, Félix Tshisekedi. Le coût global du projet ainsi que la ou les source(s) de son financement, le coût du projet par province précitée ; Le niveau réel de libération des fonds destinés aux travaux sont notamment les points évoqués. Quels sont vos attentes à ce sujet ? 

Adine d'or Omokoko : mes attentes par rapport au projet Tshilejelu, c’est que les termes de référence qui ont sous-tendu la soumission de ce projet soient exécutés. Nous ne sommes plus à l’ère où on doit continuer à se suspecter, continuer à afficher des attitudes. Les choses ont changé, les Congolais doivent comprendre qu’ils doivent mettre du sérieux dans tout ce qu’ils font comme travail. C’est aussi de voir les personnes ou le chargé d’exécution de ce projet, respecter l’orthodoxie de dépenses, respecter l’exécution rubrique par rubrique de ce projet. Je ne peux pas penser à un problème de financement parce que lorsqu’on soumet un projet de cette envergure, on doit être sûr des sources de financement qui doivent accompagner. Nous ne voulons pas encore vivre le scénario des procès de 100 jours pour que les gens soient encore traînés en justice. Nous souhaitons que ce projet soit exécuté en bonne et due forme pour l’intérêt de tous.

Au niveau de l’Assemblée Nationale, le député national Daniel Mabu a déposé une proposition de loi portant modification du code de la famille. L’un des points de cette proposition soulève des débats dans la société. Il s’agit de l’article 363 qui évoque la fixation des frais de la dot à 500 $ en milieu urbain et à 200 $ en milieu rural. Quelle est votre opinion à ce sujet ? 

Adine d'or Omokoko : Oui, nous avons suivi avec beaucoup d'intérêt ce débat sur la proposition de la loi Mbau au sujet de la dot. Je pense qu'il s'agit d'une loi inutile. Toutes les questions évoquées dans cette loi, la dot, la polygamie, les fiançailles, .. ont déjà été régies par le code de la famille en 1987. Lorsque j'intègrais la société civile, j'ai trouvé que les organisations féminines avaient déjà avancé dans la proposition des amendements à apporter à ce code. Et cela a été fait en 2016. Nous devons évaluer pour savoir quels changements apporter actuellement. La faiblesse que notre code de la famille a connue par rapport à celui du 1987 se situe au niveau de la sensibilisation. Il a été promulgué en 1987 et sa mise en application a débuté en 1988. Le législateur avait prévu à cette époque une année entière de sensibilisation et d'appropriation autour des dispositions qui étaient mises en place. Mais en 2016  celà n'a pas été fait. La Mbau, je considère que c'est une loi anticonstitutionnelle. Le mariage est institué dans notre loi fondamentale en son article 40. Et donc, lorsque l'on fixe la dot à 500 ou 200 dollars américains, on donne un prix à la femme, elle devient une marchandise, un objet.  Cette loi entre également en conflit avec la constitution en son article 14 qui voudrait que l'État congolais veille à l'élimination de toutes formes de violences et discrimination à l'égard de la femme. 

Ladite proposition de loi évoque également la question de la période des fiançailles qui devrait être de 12 mois renouvelable selon le consentement des futurs époux, l’interdiction de la polygamie, la proscription de la surfacturation de la liste des biens. Que pensez-vous de ces points ?

Adine d'Or Omokoko :   Les fiançailles ne sont qu'une promesse de mariage et n'obligent pas les fiancés à contracter le mariage. Quand il fixe la période des fiançailles à 12 mois renouvelables, d'une façon l'honorable Mbau encourage le goût d'aventure chez les jeunes gens. Ils pourront s'engager et se désengager à tout moment. Cela prépare à l'instabilité du foyer à venir. La polygamie a été réglée par le code de la famille en 1987 et en de termes plus clairs en 2016. Et donc, il s'agit d'une redondance. Je pense, que l'on a pas besoin de faire du populisme. Nous avons besoin des lois qui apportent la solution aux problèmes des congolais. Nous célébrons la collation des grades académiques. Mais où sont déversés ces jeunes gens ? Il y a un taux de chômage élevé auprès de nos jeunes gens, parce que la fonction publique n'engage plus assez, parce qu'il n'y a pas assez d'investisseurs dans le secteur privé. Je souhaite que nos élus proposent des lois pour résoudre ces problèmes. Le mariage ne serait qu'une incidence positive. Lorsqu'un jeune homme a un emploi stable dans lequel lui est assurée une bonne rémunération et une bonne politique par rapport à sa retraite et sa période d'inactivité, je pense que l'une des décisions importantes à prendre sera de se marier et trouver une stabilité. Nous avons besoin des lois qui assurent et garantissent la prévoyance sociale, tant au niveau étatique qu'au niveau des privés, des lois qui encouragent les investisseurs à venir investir au Congo, des lois qui garantissent la bonne santé des populations, la santé de la reproduction. Depuis 2012, Cafco a soumis une proposition de loi liée à la santé de la reproduction. Une femme qui met au monde ne devrait pas y laisser sa vie. 

En sécurité, au moins 18 personnes ont été interpellées dans une nouvelle opération de bouclage effectuée par la police le 23 juillet dans la ville de Beni (Nord-Kivu). L’opération a été menée dans les quartiers Tamende et Matonge (commune de Mulekera). Parmi les suspects figurent sept militaires « incontrôlés ». Quelles strategies le gouvernement devrait-il adopter notamment pour le toilettage de l’armée tel que recommandé par la société civile selon vous ? 

Adine d'or Omokoko : le gouvernement de la République a institué l’état de siège dans la province du Nord-Kivu et de l’Ituri. Les autorités militaires et policières qui ont été placées là bas pour la gestion quotidienne de ces provinces ont une feuille de route bien définie pour la gestion de ces provinces, précisément sur les questions sécuritaires. Et par rapport à ces éléments incontrôlés, je pense que nous avons les cours et tribunaux militaires qui appliquent les codes de la justice militaire. Ceux-là comme ils ont été appréhendés ne peuvent être que soumis au devant de leur juge naturel qui est un tribunal militaire de cette circonscription. Ils doivent être jugés dans le respect strict des lois. Je crois que la loi doit s’appliquer de manière indistincte pour tout le monde surtout les récalcitrants parce que nous avons quand même besoin de la paix, nous n’avons pas besoin d’avoir des enfants incontrôlés. Que la loi s’occupe bien de ces militaires qui ont été appréhendés.

Plus de 100 nouveaux éléments de l'Alliance de patriotes pour un Congo libre et souverain (APCLS) se sont rendus ce jeudi, 22 juillet 2021, aux forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) avec au moins 40 armes, tout calibre confondu, dans le territoire de Masisi (Nord-Kivu). Que devrait faire l’armée de ces miliciens ? 

Adine d'or Omokoko : encore une fois, c’est ici le lieu pour moi de saluer l’institution d’état de siège dans ces provinces parce que maintenant les milices comprennent que la force reste à la loi et au pouvoir public (...). L’armée de ces milices ne peut que se rendre et solliciter pour ceux qui le veulent une intégration dans les forces régulières de la RDC. Il y a ici lieu de repenser au processus de DDR qui doit prendre en charge ce genre des cas, ce genre d’aspects. Je crois que nous devons repenser à relancer le DDR dans notre pays pour arriver à corriger ces irrégularités. Donc, je salue l’instauration et même la prorogation de l’état de siège dans la province du Nord-Kivu et sollicite à ce que le DDR soit de mise.

En santé, le docteur Jean-Jacques Muyembe coordonnateur du secrétariat technique de la riposte contre la pandémie à coronavirus a fait savoir que l’épicentre de la maladie s’est déplacé de Kinshasa vers les provinces du Nord-Kivu, de l’Ituri et du Haut-Uele. Depuis quelques jours, plusieurs cas de décès sont enregistrés dans ces entités. Après l’épreuve du Nyiragongo, quels mécanismes mettre en place pour gérer les familles pendant cette période ?

Adine d'Or Omokoko : je pense que le meilleur mécanisme pour gérer la propagation de cette maladie, c’est d’abord de mettre les moyens à la disposition de l’équipe de riposte. C’est très décevant de voir que ceux-là qui se donnent corps et âme pour aider des gens à sauver des vies, ceux-là qui sont comme un dernier rempart, un pilier parce que l’on peut contracter le virus sans développer la maladie et le refouler par son système immunitaire, mais ceux qui développent déjà la maladie ont besoin des gens pour les accompagner, ne serait-ce que pour brancher les bonbonnes de respiration ; Pour ceux qui devront avoir l’oxygène, il faut que quelqu’un vienne les aider. Si cette personne là n’est pas prise en compte ou n’est pas bien payée, pire pour percevoir cela, il faut attendre des mois et des mois d’arriérés. Je pense que c’est une mauvaise politique. Il faudrait vraiment corriger cela. Les personnels chargés de la riposte de cette pandémie doivent vraiment être bien pris en charge pour qu’ils soient à la hauteur évidemment de leurs tâches, pour aider à ce que nous puissions vaincre ce virus. Comme deuxième mécanisme, je pense qu’il faudrait mettre des moyens pour la sensibilisation au respect des mesures barrières. En 2020, lorsqu’on a annoncé que nous étions parmi les Etats touchés par cette maladie, nous avons vu les organes de presse, indépendamment, qui ont pris la balle au bond, pour dire qu’il fallait sensibiliser un plus grand nombre de gens. Les médias ont fait un bon travail de nous sensibiliser, et nous, autres organisations de la société civile, CAFCO par exemple, avons sensibilisé dans la ville de Kinshasa parmi les premières organisations (...). Je crois que les moyens doivent être mis dans le secteur de la communication, de la sensibilisation, pour arriver à atteindre un plus grand nombre de personnes pour qu’elles sachent que la maladie existe et est en train de tuer. Aussi, à mon humble avis, il faudrait maintenant qu’on arrive à intégrer la vaccination dans le mécanisme de la riposte. La vaccination reste un mécanisme de protection maximale surtout pour ceux qui viennent comme vous venez de le dire, ceux qui sont exposés par la promiscuité dans le camp des déplacés liés au volcan de Nyiragongo. Nous avons intérêt à les sensibiliser, à leur faire comprendre quels sont les biens fondés d’une vaccination et surtout de la vaccination contre la maladie à coronavirus qui leur assure une protection maximale. Nous devons éviter de faire véhiculer les mauvaises informations, les fausses informations. Le programme élargi de vaccination doit vraiment intégrer l’équipe de riposte et avoir des moyens bien sûr pour sensibiliser sur le bien fondé de la vaccination afin d’attirer un grand nombre de la population à se faire vacciner pour une protection maximale.

En sport, la cérémonie d’ouverture des Jeux olympique Tokyo 2020est intervenue hier. Quelles sont vos attentes envers les 7 athlètes congolais qui y prennent part ? 

Adine d'or Omokoko : nous espérons que nos sept athlètes partis nous représenter vont nous ramener les medailles par ce que ça fait longtemps que la RDC a cartonné dans le monde sportif pour sa fierté. Nous espérons en tout cas qu’ils nous amènent des médailles. Ils sont comme des militaires au front. Ils doivent donner le meilleur d’eux-mêmes. Ils doivent mouiller le maillot pour défendre les couleurs nationales. Ils ont tout nos encouragements. Même s’ils n’en amenaient pas, ils auront au moins prouvé qu’ils étaient capables de franchir ce seuil de sélection pour représenter le pays. Nous ne pouvons qu’espérer. Je place une note positive, ne serait-ce qu’une médaille en or, une médaille en argent etc. C’est à eux de voir, de donner les meilleurs d’eux-mêmes pour nous ramener cela. ils ont tout nos encouragements pour défendre et amener très haut l’étendard du pays.

Un dernier mot ?

Adine d'or Omokoko : Merci d'avoir pensé à ma modeste personne pour contribuer à cette analyse. J'aimerais seulement insister et martelé pour dire que le Congo a déjà beaucoup de lois dont on ne sait même pas suivre l'application. Certes, il faut que le Parlement produise des lois, mais le Parlement a d'abord un devoir sacré, celui de contrôle, qu'il puisse être vraiment la loupe de la population au niveau de la gestion au gouvernement pour voir ce qui est fait pour l'intérêt national et ce qui est fait pour l'intérêt des individus et proposer les sanctions. C'est à cela que nous nous attendons des députés. Nous sommes à l'aube de 2023 et il faudrait se réveiller pour aller encore charmer l’électorat, pour dire que voilà, quand j'étais là-bas, j'ai proposé une loi. Nous avons plutôt besoin d'un Parlement qui sait, comme je l'ai dit, jouer son rôle de contrôle au niveau du pouvoir exécutif. Nous avons besoin de lois qui facilitent les investissements tant des étrangers que nationaux. Combien de Congolais qui vivent à l'étranger sont rentrés avec leurs capitaux pour investir ailleurs parce que le climat des affaires n'a pas été propice ou n'est pas propice. Nous avons besoin des lois qui doivent lutter correctement contre la corruption parce que c'est cela aussi qui décourage les investissements. Si nous assainissons ces milieux, nous aurons beaucoup d'investisseurs, et le corollaire serait que l'emploi sera garanti pour le Congolais et pour les jeunes.

 Vous savez, nous avons nos frères et sœurs qui travaillent dans le secteur des banques : vous les voyez toujours là cintrés, tirés sur leur trente-un, bien habillés, mais est-ce que nous avons une politique pour chercher à savoir combien il gagne ?

Ce sont des salaires de misère qu'on donne aux nationaux dans ces banques privées. Nous avons aussi besoin des parlementaires qui interpellent tous ces investisseurs là ou peut-être les ministres des secteurs pour dire que voilà vous donner des agréments de fonctionnement mais les Congolais n'ont pas un salaire adéquat, tout le patronat congolais est rempli des indo-Pakistanais, des Libanais, et des Nigérians. Tous ces gens-là qui qui donnent des salaires de misère à nos frères. Vous avez vu combien la gratuité de l'enseignement de base a tergiversé ? et je crois qu'elle continue à tergiverser encore malgré les mesures qui ont été prises. Je crois que nos députés, en guise de dernier mot, doivent faire œuvre utile s’ils se remettent vraiment dans leur travail, dans leur apostolat, dans leur mission, certes, de produire de lois, mais aussi et surtout d'être l'œil de la population dans le contrôle quotidien de la chose publique.

Propos recueillis par Prisca Lokale