Le Groupe d’experts de l’ONU sur la RDC dont le récent rapport a été transmis le 10 juin dernier au Conseil de sécurité confirme l’implication des militaires congolais dans le commerce illicite du cacao dans la région de Beni où ils traquent les Forces démocratiques alliées (ADF). Il s’agit de cacao des populations locales qui ont fui les attaques armées des ADF ou encore des Mai-Mai.
Le Groupe d’experts qui s’est entretenu avec une trentaine de cultivateurs allègue que des militaires ont récolté le cacao en 2020 et en 2021 dans plusieurs champs du secteur de Ruwenzori.
« Le Groupe d’experts a confirmé les déclarations de 11 témoins oculaires selon lesquels certains soldats commando des FARDC sous la direction du Major John Zero-Zero du 312e bataillon de commandos, alias Major Tipi Zero-Zero19 , ont récolté du cacao en 2020 et en 2021 dans des champs abandonnés autour de Halungupa, Bulongo et Mutwanga, aidés parfois de civils », dit le rapport.
Les localités précitées sont touchées par les attaques armées depuis le début de cette année. C’est la dernière zone du territoire de Beni touchée par les violences des combattants ADF.
Les experts n’avaient pas pu entrer en contact avec l’officier précité. « Un porte-parole des FARDC a déclaré au Groupe d’experts que si les épouses des soldats pouvaient faire du commerce, les membres des FARDC, eux, n’y étaient pas autorisés », précisent experts de l’ONU.
Selon le rapport, certains cultivateurs ont été menacés par les militaires dans leurs champs.
« Dix-neuf producteurs de cacao interrogés par le Groupe avaient une expérience de première main de l'implication des FARDC dans le vol ou le commerce du cacao. Trois de ces agriculteurs ont été attaqués par des membres des FARDC dans leurs champs à Mavivi et le long de la route Mbau-Kamango, lorsqu'ils ont essayé de confronter des soldats qui volaient leur cacao. Sept d'entre eux ont personnellement vu du cacao en train de sécher dans une résidence des FARDC à Oicha, et dans les positions des FARDC à Mamiki et PK20 et aussi à l'église adventiste de Halungupa, qui était utilisée par certains membres des FARDC comme dépôt de cacao ».
Le cacao récolté est revendu grâce à « des réseaux de chauffeurs de motos et de taxis », à Oicha, Nobili et Bunia.
Le Chef de l’Etat a dénoncé la semaine dernière la « magouille et la mafia » au sein des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC). Il a affirmé avoir hérité de ces maux qui sont devenus un « modus vivendi ».
« C’est avec le temps, l’expérience qu’on se rend compte qu’il y a beaucoup de magouilles qui minent nos forces de sécurité. Il s’est développé en même temps la mafia dans l’armée, dans nos institutions. Regardez aussi au Sénat. La loi du silence. On tue en silence, on magouille en silence, on trafique en silence », a déclaré Félix Tshisekedi au cours d’un échange samedi avec les forces vives de l’Ituri.
Plusieurs précédents rapports des organisations tant nationales qu’internationales ont déjà dénoncé l’affairisme des militaires congolais. La société civile a, à plusieurs reprises, demandé au Chef de l'Etat de sanctionner les militaires affairistes, mais les sanctions ne sont jamais prises. « Ce n’est pas facile de déboulonner tout un système en un mois, j’en sais quelque chose », a confié Félix Tshisekedi aux forces vives de l’Ituri.
Patrick Maki