CHRONIQUE LITTERAIRE DU PROFESSEUR YOKA: « COVID-19 : procès  et  épidémies   des  millionnaires »

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Confidences du chauffeur du Ministre

Je pense qu’en ce moment, mon patron le Ministre des Affaires Stratégiques et Tactiques ( à  prononcer avec respect…) a  un bon  motif  de satisfaction .

 Première preuve de satisfaction, je crois : mon Ministre ( avec M Majuscule)  suit  en  spectateur  relativement détaché, l’âme en paix  jusqu’à nouvel ordre,  le procès  en   cours concernant   le  «procès des épidémies des millionnaires », selon son propre commentaire. Mon patron peut se féliciter jusqu’à nouvel ordre de ne pas s’être sali les mains, et cela grâce à qui, dites ?  Grâce  à son fidèle « Chauffeur 1e Classe « », « Pilote  de commandement de l’escorte ministérielle » !.. A plusieurs reprises en effet, sous la paillotte    ministérielle, les yeux dans les yeux, j’ai fait part au ministre  (et cela, suivant mes propres sources de renseignements), des tentatives et des tentations de « cops » nauséabonds, comme autant de pièges sur sa route.

C’est sans doute pour cela qu’en signe de reconnaissance, le Ministre m’a signé une autorisation sur mesure, pour ainsi dire, pour l’entrée et la sortie en République Autonome de la Gombe (RAGE), en confinement jusqu’à nouvel ordre …

… Et donc, ce matin, à pied et en route vers la résidence ministérielle, j’ai franchi la frontière de la Gombe, la tête haute, le torse bombé. Elle était là, la même officière de police de l’autre jour ; elle était là,  l’infirmière de service de l’autre jour, le jour de mon calvaire de migrant  rejeté. Oh, aujourd’hui, j’ai montré patte blanche, et elles m’ont souri gentiment, ces dames !  La plus jeune, et la plus belle, c’est-à-dire l’officière,  a  même baissé son masque sanitaire, comme on libère sa pudeur et ses réserves, et m’a décoché un sourire de soleil. Non seulement j’ai renvoyé à la belle, tic-au-tac,  le même rayon de soleil ;   mais devinant sa langue de terroir, j’ai  fait à la dame le  compliment sans doute le plus fleuri, le plus parfumé, le plus fusionnel, le plus percutant, le plus ensorceleur de sa journée…. Et son ‘’revolver-thermomètre’’ appliqué à ma joue a été une sorte de caresse, jusqu’à faire baisser ma température au beau fixe ! D’ailleurs, pour aller au fond de mon arrière-pensée,  j’ai  noté et retenu  mentalement,  sur  le panneau d’affichage du poste de police,   les jours de sa permanence. J’ai  même résolu de faire  de temps en temps un détour par le poste de cette   entrée –là,  au volant de la limousine  ministérielle (avec dedans le Ministre !). Histoire de l’épater  elle, mon Infirmière (avec I Majuscule) ; et de l’épater   lui, mon Ministre (avec M Majuscule)…

… Pour l’instant, comme chaque  matin en arrivant à la résidence, je suis installé sous la paillotte, en attente des consignes du chef.  Devant moi, à la télévision, c’est la retransmission en direct du  « procès-des- cent-jours ». Entretemps, mon patron de Ministre s’est  installé sous la paillotte pour suivre aussi le procès ; il  a suivi religieusement le procès comme on suit un match ‘’classico’’ à la télé. Mais pas de commentaires de sa part, sauf par moments, lors des réponses     des accusés,  le recours à des  jurons tonitruants comme  ceux d’un spectateur de foot  devant des penalties ratés… Le Ministre a été tellement accroché  à la retransmission télévisée du procès qu’il en a oublié le boulot, le cabinet. J’ai donc eu droit à un congé inattendu…

… Retour à domicile. Une mauvaise surprise  m’attendait. Ma femme était alitée et fiévreuse.  Consultée par l’infirmière du quartier, elle en était à presque 40 degrés de fièvre, ce qui  en ces temps de Covid-19, était un mauvais présage. D’ailleurs entre deux chuchotements, l’infirmière m’a conseillé   l’automédication domestique et, au besoin, tradipraticienne, afin d’éviter tout diagnostic fatal et …positif dans un grand hôpital de référence….

Ayant finalement repris plus ou moins ses esprits, ma chère épouse    nous a confessé, à l’infirmière et à moi, l’objet    de son malaise et de ses cauchemars. Elle serait tombée évanouie devant la télé, lors de la retransmission en direct du  ‘’procès-des-cent-jours’’.

Le déroulé vertigineux des millions et des millions en dollars tel que ressassé    par des intervenants en toge noire ;   le choc  et le cumul des chiffres mirobolants ; la description et le film des ‘’cops’’ sur ‘’cops’’, toute cette saga aurait ébranlée profondément mon épouse. D’autant plus qu’elle s’était mise à procéder à un calcul mental éprouvant, compliqué, mais comparatif entre d’une part le salaire de son pauvre mari de chauffeur ,   un  véritable    salaire... SIDA (= SALAIRE INSIGNIFIANT  DIFFICILEMENT  ACQUIS) ;  et  d’autre  part  les coups de poker en millions de dollars tripatouillés comme en casino à ciel ouvert…

(YOKA  Lye)

04/ 06 / 2020