Kasongo Mwema: « il faut donner au citoyen congolais la possibilité d’être bien informé »

Photo droits tiers

Les auditeurs de RFI étaient habitués à écouter sa voix chaque matin. Ancien de la RTNC, cette majeure de la presse congolaise est aujourd’hui Professeur à l’Université de Lubumbashi et Porte-Parole du Président de la République. 

A l’occasion de la journée mondiale de la liberté de la presse, il a répondu à trois questions de ACTUALITE.CD

Quel est, selon vous, le rôle de l’information journalistique dans la construction de la démocratie et du développement en RDC?

Alfred SAUVY a dit : « Bien informés, les hommes sont des citoyens : mal informés, ils deviennent des sujets ». Le journaliste et démographe français (1898 – 1990) avait vu juste, en mettant en opposition le « citoyen » et le « sujet ». Le premier participe totalement à la vie de la société. Le second est une personne soumise, astreinte à une autorité souveraine. Qu’est-ce qui fait la différence ? Essentiellement l’information si nécessaire à la formulation d’un bon jugement sur un sujet donné. Cette information éclaire les choix opérés, les actions posées par les citoyens. L’information permet d’avoir conscience des enjeux de tous ordres et autorise ainsi un droit de regard responsable sur les actions gouvernementales, sur les politiques publiques. A l’inverse, on a affaire à des personnes mal, sous informées, terreau fertile pour la manipulation, la propagande, la dictature.

Les moyens publics d’information jouent un rôle éminent, sinon prépondérant dans l’accès des Citoyens à l’information. C’est l’un des rôles sociaux des médias. Il y a aussi l’éducation, la formation qui offrent à l’apprenant, toutes les clés pour une vraie citoyenneté. Il s’agit d’une base qui doit être régulièrement, constamment consolidée par diverses expériences de la vie, par la culture générale

Il y a aussi, toutes les possibilités offertes aujourd’hui par le multimédia, matérialisé par Internet (Web) et ses nombreuses ouvertures sur un savoir encyclopédique. Pourvu que l’on exerce en même temps son esprit critique, qu’on observe à leur égard, la distanciation analytique, critique nécessaire.

Quels sont, selon vous, les principaux chantiers pour faire de l’information journalistique un pilier de la démocratie et du développement en RDC?

Plusieurs chantiers sont déjà ouverts en même temps. Il faut d’abord, donner au citoyen congolais, la possibilité d’être bien informé. Autrement dit, lui offrir des contenus médiatiques utiles à cette citoyenneté, d’où l’importance de l’existence de médias libres, pluralistes, viables, indépendants. Le socle démocratique, consolidé par une ferme volonté des pouvoirs publics avec en tête, le Président de la République, est bien là. Toutes les conditions d’un exercice libre du journalisme sont réunies. Mais il faut des journalistes bien formés, curieux, consciencieux, responsables, encadrés par de vrais « capitaines d’industries » à la tête des organes de presse, conçus et gérés comme de véritables entreprises économiques. C’est ainsi que l’on rencontrera les préoccupations derrière le thème de cette année : « Journalisme sans crainte et sans complaisance ».

Qu’est ce qui est le plus urgent à faire aujourd’hui?

A priori, tout est urgent aujourd’hui. Mais s’il faut faire un ou plutôt des choix, j’en prendrai trois :

  • Saisir à fond, l’affirmation des libertés publiques garanties par la loi et fortement encouragée par les pouvoirs publics. Mais, des libertés exercées avec conscience et responsabilité, surtout avec les immenses possibilités techniques d’aujourd’hui.
  • Améliorer sensiblement les conditions de vie et de fonctionnement des médias publics et privés. Equipements techniques de notre temps, des investissements dignes des médias du 21ème siècle pour assurer des conditions sociales et de travail décentes.
  • Multiplier les formations des journalistes et autres personnels des médias et surtout, adapter les contenus et les programmes de formation de nos structures d’enseignement et de formation aux exigences du multimédia devenu plus que jamais incontournable.

CONTEXTE

Malgré ce bond, Journaliste en danger (JED) brosse un tableau sombre de la situation.  En l’espace de 12 mois, soit depuis la célébration de la dernière journée mondiale de la liberté de la presse, le 03 mai 2019  jusqu’au 03 mai 2020, au moins 83 cas d’atteinte à la liberté de la presse ont été documentés à Kinshasa et dans les différentes provinces de la RDC. 

Lire aussi: Journée de la liberté de la presse: « on ne peut pas toujours tout réprimer, la vérité élève une nation » (Christian Lusakueno)