Avortements clandestins : quelles sont les raisons qui poussent les jeunes kinoises ?

Avortements clandestins

Victime d’un viol, d’inceste ou porteuse d’une grossesse mettant en danger sa santé physique et mentale, une femme peut solliciter l’avortement sécurisé, selon l’article 14(c) du Protocole de Maputo. A Selembao, Bumbu et Makala, trois communes de Kinshasa, des femmes ont donné leurs avis à propos de ce type d’avortement.

Le  Protocole de Maputo a été adopté le 11 juillet 2003 par la 2ème session ordinaire de la Conférence de l’Organisation de l’Unité Africaine à Maputo (Mozambique). Ratifié en RDC, le 12 juin 2006, il garantit aux femmes le droit à un avortement sécurisé.

Agnès Luabeya est couturière dans un centre de formation à Selembao. Pour elle, ce sont les conditions de vie des partenaires qui les poussent à prendre des risques en allant dans des petits centres de santé pour se faire avorter. “Il arrive que des filles tombent enceinte de jeunes qui n’ont même pas la possibilité de les héberger. A ceci s’ajoute des conditions précaires dans la famille de la fille qui n’est pas prête à nourrir une bouche en plus, » explique-t-elle entre deux coups de ciseaux avant d’ajouter « n’ayant pas les moyens financiers nécessaires, les jeunes se tournent vers des petits centres de santé où les soins sont loin d’être adéquats. »

 Pour Charlène il est plutôt question du comportement des partenaires. “Un avortement clandestin est dû à plusieurs causes. Il y a des jeunes femmes qui couchent avec plusieurs garçons au cours de la même période. Une fois qu’elle tombe enceinte il leur est difficile d’identifier le géniteur.»

 

Avortements clandestins

Matondo kua Nzambi ne partage pas les précédents avis. “Certaines jeunes filles font des avortements clandestins par crainte de salir leur réputation. Dans un centre de santé ou par les produits pharmaceutiques, c’est moins coûteux et pas très remarquable.

Myriam est claire dans ses propos. Avorter sera son unique choix aussi longtemps qu’elle n’aura pas terminé ses études. “Je ne saurais pas garder une grossesse tant que je n’ai pas encore décroché mon diplôme d’Etat” s'exclame-t-elle sourire aux lèvres. Et de renchérir “les jeunes garçons acceptent les moments de joie avant la grossesse. Une fois que c’est fait ils ne sont plus en mesure de supporter la charge et les dépenses,” explique la jeune fille âgée de 16 ans.

Deborah Luzolo est étudiante en 2è graduat à l’université libre de Kinshasa(ULK). Elle explique « une jeune fille peut tomber enceinte par erreur. C’est ainsi qu’elle peut décider de se faire avorter dans un petit centre de santé qui ne va pas lui exiger la présence d’un membre de famille,” confie Deborah.

Selon un rapport de l’OMS publié en juin dernier, chaque année, 4,7% à 13,2% des décès maternels peuvent être attribués à un avortement non sécurisé. Le risque de décéder suite à un avortement non sécurisé est le plus élevé en Afrique. On parle d’avortement à risque lorsque la grossesse est interrompue par des personnes qui n’ont pas les compétences nécessaires ou lorsque l’avortement est pratiqué dans un environnement où les normes médicales minimales ne sont pas appliquées, voire les deux. Les personnes, compétences et normes médicales considérées comme garantissant un avortement sûr, sont différentes selon qu’il s’agit d’un avortement médical (pratiqué exclusivement en administrant des médicaments) ou d’un avortement chirurgical (pratiqué par aspiration manuelle ou électrique).

Prisca Lokale