Le Centre de Recherche en Finances Publiques et Développement Local (CREFDL) a publié une minie-étude sur les dépenses publiques au premier semestre 2024. Le travail démontre que les dépenses exceptionnelles du gouvernement congolais ont explosé au cours de cette période. Le CREFDL qui dit avoir analysé des documents officiels des ministères de budget et des finances, ainsi que de la Banque centrale du Congo (BCC), note un écart énorme entre les données officielles communiquées par ces services publics.
« À fin juin 2024, le paiement des dépenses de l’Etat se chiffrent à 7.191 milliards CDF, soit 2,8 milliards USD. Comparées aux prévisions annuelles de 7,4 milliards USD, il se dégage un taux d’exécution de 38,5%, indique le rapport de suivi budgétaire du ministère du Budget. De son côté la BCC renseigne le volume global des dépenses à hauteur de 5,6 milliards de dollars américains, dégageant un écart significatif non capté par le circuit de la dépense publique de l’ordre de 2,8 milliards USD », renseigne le CREFDL.
Se basant sur les chiffres de la BCC, le CREFDL note que les dépenses exceptionnelles du gouvernement s’élèvent à 2.856 milliards CDF (1,1 milliard $), à fin juin. Comparativement aux prévisions annuelles de 870,0 milliards de FC (348 millions $), le dépassement est de 328,27%. Cependant, le ministère du budget n’a capté que le paiement de 500 000 000 CDF (200 000 $).
« La trajectoire présentée par la BCC démontre que ces dépenses sont surélevées et représentent 19,6% des opérations financières de l’Etat de la période ».
Loi sur les projets de développement
Le CREFDL explique que faire exploser ainsi les dépenses exceptionnelles est une violation de l’article 3 point 15 de la loi relative aux finances publiques qui veut que de telles dépenses ne se fassent que pour couvrir les événements dont la survenance ne dépend pas de la volonté de l'administration, tels que les catastrophes naturelles, les épidémies, les calamités ou encore ceux liés à la sécurité.
Pour le CREFDL, il est inadmissible que « même les rémunérations soient payées en mode d’urgence et ne passent pas par le circuit de la dépense publique ».
« Cette situation a pour conséquence le détournement de denier public, la mauvaise affectation des fonds, le faible taux d’exécution des projets prioritaires et les dépassements budgétaires », renseigne cette structure.
L’autre conséquence de la mauvaise gestion des finances publiques reste la difficulté « pour la RDC de résorber » le taux de chômage et de la pauvreté et de ne pas être prête à éradiquer la malnutrition « d’autant plus qu’il y a moins d’investissement vers les secteurs porteurs de croissances », note le CREFDL.
Des signes avant-coureurs
Le 21 mars dernier, le CREFDL dénonçait déjà l'explosion des dépenses exceptionnelles, atteignant 2,4 milliards USD contre 601,7 millions USD prévus, pour ce qui est du budget 2023, affectant négativement tous les projets en faveur de la population. Il exprimait aussi sa crainte de voir cette situation se répéter dans l’exécution du budget 2024, au cas où des mesures ne seraient pas prises.
Effectivement, au premier trimestre de l’exercice 2024, les chiffres du tableau évolutif annuel des opérations du trésor publiés par BCC à la date du 5 avril 2024, indiquaient que le pays avait mobilisé 1,73 milliard USD et les dépenses effectuées s’élèveraient à 1,88 milliard $, dont la plupart « exceptionnelles et de rémunération », enregistrant un déficit de 156,4 millions USD.
Les directives du FMI oubliées ?
Début juillet, le RDC a conclu pour la première fois de son histoire son programme pluriannuel débuté en 2021 avec le Fonds monétaire international (FMI). A l’issue ce de ce programme, Gabriel Leost, représentant pays du FMI en RDC avait proposé au gouvernement de mettre en place un système de contrôle rigoureux pour empêcher toute dépense hors budget, ainsi que l’adoption d’une loi des finances rectificatives pour l’année en cours. Cette disposition visait également à réduire sensiblement les dépenses exceptionnelles et de paiement.
Ce conseil semble n’avoir pas été suivi par le gouvernement. Preuve, ces nouvelles révélations du CREFDL, qui déplore l’explosion des dépenses exceptionnelles « malgré la présence d’un nouveau ministre à la tête du ministère des finances ».
Face à cette situation alarmante, le CREFDL appelle le gouvernement à prendre des mesures telles que la rationalisation des dépenses publiques en limitant les dépenses en mode d’urgence, la transparence et les investissements dans les secteurs prioritaires.
Bruno Nsaka