La compétence universelle de la justice française pour poursuivre les auteurs étrangers de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre commis hors de France sur des ressortissants étrangers a été confirmée vendredi.
La Cour de cassation, saisie par deux Syriens arrêtés en France, a en effet consacré le principe de compétence universelle de la justice française pour poursuivre les auteurs étrangers de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre commis hors de France sur des étrangers.
"La Cour reconnaît à la justice française cette +compétence universelle+ dans deux affaires qui concernent la Syrie", a indiqué dans un communiqué la plus haute juridiction française.
Cette décision était très attendue, notamment par les magistrats du pôle crimes contre l'humanité du tribunal judiciaire de Paris, actuellement chargé d'environ 160 procédures. Un certain nombre d'entre elles étaient menacées si la justice française avait été déclarée incompétente.
Cela aura "une incidence en France sur des dizaines de plaintes et d'enquêtes relatives aux crimes internationaux commis non seulement en Syrie, mais aussi dans d’autres pays, notamment en Libye et en République démocratique du Congo", a commenté Brigitte Jolivet, porte-parole de la Coalition Française pour la Cour pénale internationale (CPI).
La Cour était saisie par Abdulhamid Chaban, ancien soldat du régime de Bachar al-Assad arrêté en France et mis en examen pour complicité de crimes contre l'humanité en février 2019, et par Majdi Nema, ancien porte-parole du groupe rebelle syrien Jaysh al-Islam (Armée de l'Islam), poursuivi pour torture et crimes de guerre.
En novembre 2021, la juridiction suprême, déjà saisie du dossier Chaban, avait estimé que la justice française était incompétente dans cette affaire, invoquant le principe de la "double incrimination" prévu dans la loi du 9 août 2010.
Ce principe impose que les crimes contre l'humanité et crimes de guerre doivent être reconnus dans le pays d'origine d'un suspect que la France entend poursuivre.
Or, la Syrie ne reconnaît pas ces crimes et n'a pas ratifié le statut de Rome qui a créé la CPI.
- "Changer la loi" -
Les avocats des deux Syriens qui avaient saisi la Cour de cassation ont dénoncé la décision de vendredi.
"La Cour de cassation a démontré qu'elle était devenue une officine politique et du parquet au mépris du principe de séparation des pouvoirs", ont fustigé les avocats d'Abdulhamid Chaban, Mes Pierre Darkanian et Margaux Durand-Poincloux. Pour eux, cette interprétation "n'a d'autre but que de sauver des enquêtes déjà en cours".
Une décision "politique" également pour Romain Ruiz et Raphaël Kempf, conseils de Majdi Nema, qui n'y voient "rien de plus que de la poudre aux yeux".
"La France essaie une nouvelle fois de faire croire qu'elle a un quelconque moyen d'enquête sur des territoires en guerre, ce qui est évidemment faux", ont-ils ajouté.
Au contraire, la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH), le Centre syrien pour les médias et la Ligue des droits de l'Homme (LDH) ont salué dans un communiqué "une victoire décisive pour toutes les victimes de crimes internationaux".
Plusieurs ONG, dont Human Rights Watch (HRW), ont appelé la France à aller plus loin et à changer la loi: "Le gouvernement français devrait mettre un terme à toute ambiguïté concernant la capacité de la France à poursuivre des crimes graves", a ainsi déclaré Alice Autin, coordinatrice de la division Justice internationale à HRW.
"La France pourrait jouer un rôle clé dans la promotion de la justice internationale partout dans le monde, à condition que de sérieux changements législatifs suivent rapidement", a-t-elle ajouté.
AFP avec ACTUALITE.CD