Kasaï oriental: la pratique de « tshibawu », une entorse aux droits des femmes chez les Lubas du Kasaï

Photo/ Droits tiers
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En RDC dans la culture Luba précisément dans la province du Kasaï oriental, le cercle coutumier est fortement masculinisé. Tous les gardiens des coutumes sont des hommes donc à priori, favorable à l'homme. Souvent, dans des situations où, l'homme est auteur de l'inceste,on procède par un arrangement à l'amiable. Quand il s'agit des femmes, on observe le contraire et bien souvent son mariage est dissout. Cette situation prouve à suffisance que la femme est doublement victime. 


Selon un chef coutumier de la culture Luba, le tshibawu peut être compris comme une amende que la femme où l'homme paye après avoir outrepassé certains interdits. Ceci dépend d'une tribu à une autre.

 Pour la plupart,cela touche la femme, lorsqu'elle va au delà de la coutume de son mari.

"Le tshibawu est un mot luba et s’il faut trouver l'équivalent en français, ce serait une amande. Cette dernière est infligée suite à une infraction commise par l'homme ou la femme contre les interdits du village" explique-t-il.

"L'amende est infligée après qu’une personne ait commis des actes allant à l'encontre des lois et coutumes. Ça n'épargne personne. Mais plus souvent, la femme lorsqu'elle est mariée, elle est soumise aux lois et coutumes de son mari. Dans le mariage il n'y a pas des droits pour la femme. Nous sommes lubas,une femme mariée doit respecté la coutume.En tant que Kasaïens, nous devons respecter ce qui nous régit," a-t-il indiqué.

 Une condamnation à mort pour la femme 

Dans un témoignage poignant, Muambuyi (nom d'emprunt) parle de sa sœur,morte pour avoir commis le tshibindi "inceste". Suite à cela,elle a subi le tshibawu, suivant la coutume de la tribu de son mari.

"J'ai perdu ma grande sœur il y’a six mois (elle a laissé 5 enfants) pour avoir connue le Tshibindi ou inceste, c’est un interdit d’origine coutumière, par exemple une femme ne peut prendre l’argent d'un autre homme ou une femme mariée ne peut pas coucher avec son beau-frère. C’est ce qu’on appelle tshibindi," explique-t-elle.

Au moment où la belle famille s'est décidée de lui faire payer le Tshibawu, on lui a donné des conditions telles que préparer la poule qu'on appelle ici  zolo wa bakishi. Lorsqu'elle a fini de le faire,  on lui a demandé de manger cela, renchérit-elle.

“Si elle était innocente, ça n'allait pas avoir de conséquences selon la coutume. Mais dommage car lorsqu'elle a mangé,elle est morte sur place, révèle-t-elle entre deux sanglots.

Reprenant son courage, elle poursuit en affirmant que “souvent quand ce genre de phénomènes arrivent, l'homme n'est pas obligé de voir le cadavre de sa femme. Le plus  étonnant,dans de ce genre de cas, lorsque la femme victime de cette pratique coutumière fait une crise pendant l'exécution de ladite pratique, il n'y a pas une intervention médicale car selon la tradition,ce sont les Bakishi qui font leur travail”, regrette-t-elle.

 Ce cas n’est pas isolé. Les cas sont nombreux et dépendent de la gravité de l’interdit. Il y a quelques jours une femme a refusé de se soumettre à cette sorte de justice traditionnelle, et son mariage a été rompu.

Une survivante a été répudiée après la mort de l’un de ses enfants,car pour sa belle-famille elle serait la cause de ce décès pour avoir eu une relation avec son pasteur, chose qu’elle avait avoué après avoir tenté un arrangement à l'amiable.

Chapelle Kabangu, responsable d'une Organisation non gouvernementale nationale dénommée, “Le Congolais” une structure qui œuvre dans la lutte contre les violences sexuelles basées sur le genre, affirme avoir déjà entendu parler du phénomène tshibawu. C'est un problème qui touche la sensibilité de plusieurs,on en parle avec pudeur. Pour nous,on fait usage d'une approche pédagogique dans la sensibilisation contre cette pratique.

"Nous pensons qu'il faut que nous puissions passer d'abord par la pédagogie, enseigner aux gens les conséquences de cette pratique et les sensibiliser afin qu'ils puissent éviter ce phénomène. Cela peut passer d'abord par la création des classes communes que nous prévoyons déjà. Nous parlons de ce problème vu qu'ici chez nous,cela touche les sensibilités et on en parle  avec beaucoup de pudeur. L'objectif est d'amener les gens à se sentir concernés. Ça va les amener à dénoncer. Il y'a un lien culturel qui les empêche souvent de dénoncer. En tant qu'ONG de défense des droits de la  femmes,nous menons depuis des décennies,un combat contre les coutumes rétrogrades et on vulgarise les droits de la femme. En même temps,on dénonce toutes les violations des droits de la femme ”, a-t-il expliqué. 

De son côté, l’administrateur du territoire de katanda pense que les valeurs ancestrales ne doivent pas être foulés aux pieds parce qu'on parle des  droits des femmes.

“Nous sommes africains, nous avons nos valeurs qui font notre force. Tous sont concernés car aussi bien l’homme que la femme qui commentent le tshibindi doivent  subir la rigueur de la loi ancestrale, c’est une manière de rendre justice , a-t-il dit.

Abel Kabuya Malengela condamne toute pratique qui discrimine la femme. Il est d’avis que, tout acte tendant à mettre en péril les droits de la femme doit être aboli. Néanmoins, il est pour la conservation des valeurs ancestrales qui ne pêchent pas contre  les Droits de l'Homme.

Pour Maître John Mbombo, avocat en droit pénal congolais au Barreau de Mbuji mayi, le tshibawu est condamnable car cela renvoie à l'adultère qui est une infraction prévue dans le code de la famille.

En droit Pénal congolais l’article 467 dit que; “Quand une femme commet l'adultère et que le mari se voudrait de porter plainte, si les faits sont établis, cette dernière est passible des peines par la loi”, explique-t-il.

Il a néanmoins affirmé que le fait de soumettre la femme à la pratique traditionnelle, c'est une entorse aux droits de la femme. 

 Il révèle aussi que le mode d’exécution avec des actes qui touchent à l'intégrité physique de la femme,lui raser de force la tête, l'obliger à rester sous le soleil, ce sont ces actes qui sont qui sont condamnables.

Marie Jeanne Molly MUPELA à Mbuji-Mayi, JDH.