Procès Lumbala à Paris : finie l’audition des victimes et témoins de toutes les parties, place aux plaidoiries et réquisitoire

Ph. droits tiers

La Cour d’assises de Paris a bouclé mercredi 11 décembre l’audition de tous les témoins cités dans l’affaire Roger Lumbala, ex-chef rebelle congolais poursuivi pour complicités de crimes contre l’humanité commis par ses militaires pendant l’opération Effacer le tableau à Bafwasende, Mambasa et Isiro, entre 2002 et 2003. Place aux plaidoiries des parties civiles et au réquisitoire des avocats généraux avant le jugement attendu au 15 décembre prochain. 

En cinq semaines, plus de 60 victimes et témoins ont été entendus, sur les 80 cités, à en croire Marc Sommerer, président de la Cour d’assises de Paris. Les deux premières semaines ont été consacrées à l’audition des experts et à la lecture des rapports (Monusco, Mapping, Asadhop, PAP RDC et Human Right Watch) qui expliquent le contexte historique des conflits armés en RD Congo. S’en suivit, durant les deux autres semaines, l’audition des victimes et témoins des parties civiles. Nombreux sont vénus de Bafwasende, Epulu, Mambasa et Mandima, et ont été entendus sur place à Paris, alors que d’autres l’ont via visioconférence à Bunia ou à Kinshasa, grâce à l’appui logistique de la Monusco. 

Devant les juges et jurés, ils ont témoigné des crimes subis, indexé leur bourreau Roger Lumbala et réclamé la justice ainsi que les réparations. La semaine du 8 décembre a connu l’audition des témoins cités par la défense. Il s’agit essentiellement des anciens cadres du RCD-N de Roger Lumbala, soit encore des journalistes qui l’ont connu. Seuls environ cinq ont pu répondre à l’invitation de la Cour, alors que d’autres la justice n’a pas eu de leurs nouvelles. 

Les audiences se sont poursuivies, les victimes se sont succédé, et trois faits en ressortent : les « Effacer le tableau » ont bel et bien commis des pillages systématiques, des viols, des exécutions, des tortures, des travaux forcés; les victimes indexent à l’unanimité Roger Lumbala ; mais certains témoins, comme un prêtre catholique de Mambasa et des anciens cadres du RCD-N, pensent que ces hommes agissaient plutôt sous la responsabilité de Jean-Pierre Bemba, ancien chef du groupe armé MLC, actuellement vice-premier ministre en RDC et allié de taille du président actuel, Félix Tshisekedi. Le président de la Cour a regretté de n’avoir pas eu l’occasion d’entendre Ndima ou Bemba. 

« La justice a demandé que Ndima soit entendu, il n’a jamais répondu et les autorités qui ont reçu ma demande n’ont jamais réagi. Les autorités congolaises ont dit oui, on va exécuter, le ministre de la Justice a dit oui, on va convoquer les gens, mais pas grand-chose », s’est plaint le juge président, Marc Sommerer, évoquant la difficulté d’éclairer certaines zones d’ombres.

Non plus Roger Lumbala qui a décidé de boycotter le procès depuis son début, évoquant l’incompétence de la Cour à le juger. Jusqu’aujourd’hui, son box d’accusé est toujours vidé.

« Tous les matins on a insisté qu’il participe aux débats, il ne l’a pas fait et a récusé ses avocats. Nous n’avons pas pu l’entendre, nous avons eu ses images, nous avons pris connaissance de son parcours et de ses déclarations, sur son parcours à Bafwasende et Isiro, ses alliances avec Bemba, le fonctionnement du RCD-N, bien qu’il insistait que sa responsabilité était politique ou administrative, et renvoyait tout (le militaire, ndlr) sur Ndima qui remontait à Gbadolite », a expliqué le juge président, Marc Sommerer. 

Avant ce week-end, les parties civiles vont entamer leurs plaidoiries avant le réquisitoire des avocats généraux. Ils exposeront les éléments matériels et intellectuels pouvant constituer l’infraction de complicité des crimes contre l’humanité. Et en cas de confirmation de la culpabilité de l’accusé, la justice française qui le juge au pénal, devra ouvrir un autre procès au civil qui devrait statuer sur les dommages et intérêts à allouer aux victimes. Un chemin qui reste encore long pour des victimes dont certains espéraient rentrer de Paris avec leurs réparations.

 

Claude Sengenya, envoyé spécial à Paris