Alors que les sénateurs examinent ce jeudi 15 mai le réquisitoire de l'auditeur général des Forces Armées de la République Démocratique du Congo sollicitant la levée des immunités et des poursuites contre Joseph Kabila, ancien président de la République et sénateur à vie, le professeur Florimond Muteba, président du Conseil d’administration de l’Observatoire de la Dépense Publique (ODEP) met en garde contre ce qu’il a qualifié de «dérive institutionnelle et politique ».
Devant la presse, cet acteur de la société civile dénonce une tentative de manipulation des institutions à des fins partisanes et appelle au respect de la loi n°18/021 du 26 juillet 2018, portant statut des anciens présidents de la République élus et fixant les avantages accordés aux anciens chefs de corps constitués.
" Pendant cette crise profonde, nous attendons qu'on va lever ce matin les immunités parlementaires de Joseph Kabila, président de la République honoraire. D'abord, du point de vue de l'État de droit, violer la loi sur les anciens présidents de la République. Cette loi dit que c'est le Congrès réuni qui peut voter, à sa grande majorité (3/4 de voix) la levée des immunités parlementaires d'un ancien président de la République. Mais on nous dit que c'est le Sénat. Le Sénat seul n'est pas le Congrès. Le Congrès, c'est le Sénat avec l'Assemblée nationale. Ce n'est pas acceptable qu'on se retrouve de nouveau dans des violations des lois. Vous vous rappelez que sans avoir été jugé et condamné, le ministre de la justice a ordonné le pillage des domaines ou des propriétés de Joseph Kabila. C'est un citoyen qui a aussi droit d'être défendu par un État de droit, par les lois, la Constitution. On a même violé ses domaines à Lubumbashi. Toutes ces choses là ne sont pas bonnes ", a déploré Florimond Muteba.
Au moment où le pays fait face à l'agression rwandaise via la rébellion du M23, cet acteur de la société civile rappelle aux autorités congolaises la nécessité de privilégier la cohésion nationale.
" Si nous voulons une paix durable, nous devons d'abord veiller à la cohésion nationale. Nous devons veiller à dialoguer entre nous. Aujourd'hui, il est plus facile d'aller dialoguer avec un Émir du Qatar qu'avec celui avec qui vous avez fait la remise et reprise et qui vous a cédé en paix le fauteuil présidentiel. Nous sommes encore entre nous frères congolais ou on ne l'est plus. La cohésion est menacée. Et si la cohésion est menacée, le dialogue intercongolais ne se fera pas. Il ne pourra pas se faire ", a-t-il fait savoir dans son intervention.
Pour lui, le régime Tshisekedi doit s'inspirer du dialogue de Sun City qui avait réuni des congolais et congolaises des différents camps socio politiques congolais.
" Et si, il ne se fait pas, il n'y aura pas une transition comme celle que nous avons connue à l'époque où Joseph Kabila était au pouvoir. Nous avons été à Sun City. Nous sommes rentrés et avons mis en place un gouvernement d'union nationale avec des assemblées et autres composées par des membres de différentes parties prenantes. Et Joseph Kabila était contraint de diriger avec 4 vice-présidents. Rappelez-vous qu'il n'avait que 30 ans. Quelle sagesse ? C'est cette sagesse que nous demandons aujourd'hui au Président Félix Tshisekedi. Il peut parler avec son prédécesseur. Au lieu de ce que nous vivons ", a plaidé cet acteur de la société civile.
Et de poursuivre :
" J'ai entendu le président dire hier que c'est son schéma avec son conseiller spécial qui compte. Ce gouvernement sera-t-il un gouvernement d'union nationale, un gouvernement de transition digne de ce nom ? Sans les amis de Fayulu, Katumbi, Sesanga et la société civile, la vraie, indépendante et libre, qui peut exprimer ses points de vue de manière neutre. Je suis là pour la défense de l'État et l'avenir de la paix qui passe par la cohésion nationale, laquelle passe des dialogues entre individus et des dialogues globaux. Je ne suis pas venu ici pour défendre un individu ".
Le réquisitoire de l’auditeur général des FARDC aux fins d'obtenir la levée des immunités du sénateur à vie Joseph Kabila et l’autorisation des poursuites à son encontre est à l'ordre du jour de la plénière de ce jeudi 15 mai au Sénat.
Lors de la plénière du vendredi 2 mai dernier, le président du Sénat, Sama Lukonde, a déclaré que la requête de levée d’immunité visant le sénateur à vie Joseph Kabila sera examinée « conformément à la Constitution et au règlement intérieur du Sénat ». Cette annonce intervient après la transmission officielle d’un réquisitoire de l’auditeur général des Forces armées, agissant sur injonction du ministre de la Justice, Constant Mutamba.
Selon ce dernier, l’ancien président de la République est poursuivi en tant que sénateur, pour des faits présumés de trahison, crimes de guerre et crimes contre l’humanité, en lien avec les violences dans l’Est du pays. Le ministre évoque un « maximum de preuves » impliquant Joseph Kabila dans ce que Kinshasa qualifie de “participation directe à l’agression menée par le Rwanda à travers le mouvement terroriste AFC/M23”.
Clément Muamba