Et si les morts ne se contentaient plus de leur silence ? C’est la question troublante qui se soulève de soi rien que dans le titre de l'œuvre de Merdi Mukore, la pièce de théâtre, présentée sous forme de lecture scénique par les comédiens de la compagnie Vova Théâtre, samedi 28 décembre à l’Académie des beaux-arts de Kinshasa. Une œuvre aux allures universelles, mais dont la pertinence résonne tout particulièrement dans le contexte politique tendu de la RDC, avec notamment les tractations pour le changement ou la révision de la constitution.
La pièce explore les méandres d’un univers politique où les morts ne meurent jamais vraiment. Victimes du mensonge, de l’égoïsme et des manigances dictatoriales, ces disparus deviennent le miroir d’une société manipulée, incapable, pour l’instant, de s’affranchir de ses bourreaux.
Le récit met en lumière un politicien sans scrupules, prêt à franchir toutes les limites pour atteindre le sommet du pouvoir. Interprété avec intensité par Aaron Lukamba, ce personnage va jusqu’à assassiner un proche collaborateur pour servir ses ambitions, un rôle glaçant porté par Salomon Okitango. Mélissa Lupola incarne une influenceuse recrutée pour manipuler l’opinion publique, ajoutant une dimension contemporaine à une intrigue qui navigue habilement entre fiction et réalité.
Si Aaron Lukamba insiste sur l’universalité du texte, refusant de cibler explicitement les politiciens congolais, difficile de ne pas y voir une critique acerbe des pratiques qui gangrènent la vie politique en RDC. En dépit de ces réserves, la pièce de Merdi Mukore et sa mise en voix par Vova Théâtre posent des questions cruciales dans un pays où la démocratie reste fragile. En interpellant les spectateurs sur les rouages du pouvoir et la manipulation des masses, ce spectacle incite à une réflexion collective nécessaire, à Kinshasa comme ailleurs.
Avec la puissance du texte et la ferveur des interprètes qui n’en faisaient pas plus que de lire devant une cinquantaine de personne réunies à la salle de promotion de l’académie des beaux-arts, le public s’est vu transporter, réagissant par le rire, la frayeur ou les applaudissements aux rebondissements de l’histoire.
Cette lecture est la deuxième présentation de cette même pièce après celle de septembre 2023 à la Plateforme contemporaine. Elle a été refaite sur demande du public pour sa pertinence et son histoire aussi claire et touchante, une façon d’interpeller les conscience positivement.
Vova Théâtre, jeune compagnie fondée par Aaron Lukamba, revendique son rôle de défenseur et de questionneur. Avec cette pièce, elle affirme sa volonté d’éveiller les consciences, un pari courageux dans un environnement où l’art engagé reste un exercice risqué. Reste à voir si les morts de Mukore sauront trouver écho dans une société encore trop souvent spectatrice de son propre destin.
La compagnie prépare, pour le mois de février, de présenter le spectacle “Virus Ebola”, texte de Jocelyn Danga, une pièce qui évoque la question d’enrôlement forcé des jeunes filles dans des groupes armés et rebelles.
Kuzamba Mbuangu