Plus de cent trente organisations congolaises et régionales, mouvements et groupes communautaires dont la coalition des organisations de la société civile pour le suivi des réformes et de l'action publique ( CORAP) ont lancé ce mercredi 30 octobre 2024 à Kinshasa la campagne " Notre terre sans pétrole " pour dire "non" à l'exploitation des hydrocarbures, menaces majeures des écosystèmes en République Démocratique du Congo.
Suite aux efforts soutenus des organisations de la Société Civile, tant nationales qu' internationales, contre l’appel d’offres pétrolier et gazier lancé le 28 juillet 2022, ces organisations de la société civile saluent la décision du gouvernement d'annuler partiellement ce processus.
Pour ces organisations, les dérives constatées depuis le lancement de l’appel d’offres ont mis en lumière un manque de transparence et de respect des lois en vigueur, mettant en danger la vie des populations locales, les écosystèmes fragiles, une biodiversité sans pareille, ainsi que l'économie du pays.
"Est-ce qu'il faut qu'on continue avec ce modèle économique ? qui appauvrit les communautés et qui enrichit les promoteurs de ce projet, je pense qu'il est temps qu'on arrive à changer des paradigmes et la campagne "Notre terre sans pétrole" c'est une campagne qui au-delà même des aspects économiques voit aussi les aspects irréversibles notamment sur l'environnement, sur la biodiversité de plus en plus on l'a toujours dit d'ailleurs que même les grands pays, les pays développés ont des difficultés aujourd'hui à gérer les impacts des hydrocarbures maintenant avec tout le désordre, avec le problème de gouvernance que nous connaissons avec toutes les irrégularités qui sont déjà constatées dans le processus qui était lancé, avec toutes les violations des lois, droits des communautés locales ou est-ce qu'on veut aller avec cette exploitation ?", s'est interrogé Monsieur Emmanuel Musuyu, Secrétaire Exécutif de la CORAP.
Et de poursuivre :
"Nous estimons que si on avance de cette façon il y a plutôt des risques que des avantages que le pays pourra gagner, que les communautés locales pourront gagner dans l'exploitation pétrolière. Peut-être qu'une chose aussi on nous a montré un côté très positif de l'exploitation des hydrocarbures notamment à travers les appels d'offres qui étaient lancés parlant de plusieurs milliards que le gouvernement congolais devra gagner mais ici nous allons d'avantage exprimer celà à travers la campagne notre terre sans pétrole ce que premièrement il n'ya pas d'études qui démontrent clairement que les projections qui sont faites sont réelles, on pense que ces projections qui sont faites, ces avantages exprimés sont beaucoup plus d'ordres propagandistes que n'est-ce pas affronter la réalité".
De son côté, Maître Laurette Kabedi Disanka de l'ONG Actions pour la promotion et protection des peuples et espèces menacées est revenue sur les différentes alternatives génératrices des recettes auxquelles la RDC peut recourir en lieu et place d'appels d'offres des blocs pétroliers. Elle a insisté sur la nécessité pour la RDC de valoriser son potentiel forestier et de respecter les conventions internationales sur la biodiversité.
"La RDC a toujours été pays solution sur le plan international, la RDC a eu à signer des conventions, là je fais directement allusion à la convention cadre sur la Biodiversité de Coming Montréal que la RDC et d'autres pays signataires sont appelés à respecter, à pouvoir conserver les terres chacun dans son territoire d'ici 2030, il faudrait que la RDC pense vraiment à pouvoir valoriser les potentiels forestiers qu'elle possède, la RDC a des tourbières qu'elle doit penser à les cartographier pour les mettre en valeur. Aujourd'hui, nous avons le système pollueur payeur, les pays qui ont eu à polluer l'environnement doivent récompenser la RDC et grâce à celà la RDC pourra générer des millions pour renflouer les caisses de l'État et préserver en même temps les écosystèmes pour ensuite préserver la biodiversité et pour que nous puissions éviter les catastrophes écologiques mondiales", a soutenu Maître Laurette Kabedi Disanka.
Pour Patient Muamba, consultant à la CORAP, les communautés locales souffrent de la dégradation des terres agricoles devenues moins fertiles à cause des activités pétrolières. Se basant spécifiquement sur le cas du territoire de Moanda, dans la province du Kongo Central, malgré l'exploitation pétrolière, la population de cette partie du pays vit toujours dans la pauvreté.
"Notre terre sans pétrole parce que beaucoup de nos communautés dépendent de la terre et donc nous avons l'expérience de Moanda, la terre de Moanda n'est plus fertile, la terre de Moanda ne donne plus ce qu'elle donnait il y a quelques années à cause du pétrole et donc c'est un message que l'on donne à toutes les communautés qui subissent les conséquences de l'exploitation du pétrole, ces communautés là demandent à ce que leurs terres ne soient pas polluées par le pétrole, ces communautés vivent également des irrégularités et des violations graves des droits humains, vous avez l'exemple de l'Ouganda où la population ne sait pas vivre sur ses terres à cause de l'exploitation du pétrole", a-t-il fait remarquer dans son intervention.
Et de poursuivre :
"Ils sont chassés de leurs terres, ils n'ont plus des droits sur ces terres là et donc aujourd'hui c'était pour nous une occasion de donner la voix à cette communauté qui n'est pas seulement congolaise mais qui est aussi régionale et même internationale parceque les conséquences du pétrole ne sont pas uniquement en RDC, elles se vivent également dans d'autres pays du monde et pour nous c'était l'occasion de dire non à l'exploitation du pétrole dans n'importe quel coin de la RDC mais aussi sur toute l'espace terrestre".
Après approbation en Conseil des Ministres, le ministère des Hydrocarbures dirigé par Aimé Molendo Sakombi a annoncé l’annulation de l’appel d’offres lancé en 2022 sur 27 blocs pétroliers. Mais il a assuré qu’un nouveau projet va être préparé dans les prochains jours.
Cette décision a été motivée par des irrégularités relevées dans les soumissions, notamment des offres non recevables, des dépôts tardifs et un manque de concurrence, selon les rapports d’évaluation de la commission ad hoc chargée de l’appel d’offres. Les candidats ayant soumis des offres sont invités à contacter la commission pour les démarches nécessaires. Par ailleurs, le ministère annonce la mise en place prochaine d'un nouveau processus d'appel d'offres.
Clément MUAMBA