Question d’héritage en RDC : les parents congolais s’expriment

Photo/ Droits tiers
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En République Démocratique du Congo, la question de l’héritage est un enjeu complexe, étroitement lié aux traditions ancestrales. Si les lois ont évolué, les pratiques sur le terrain témoignent d’une persistance de coutumes favorisant les hommes. Le Desk Femme d’Actualité.cd a interrogé quelques  familles vivant à Kinshasa, afin d’explorer la place accordée aux filles aînées dans les successions et de comprendre comment les traditions se transmettent de génération en génération.

Marie Jeanne Ndjoku, 56 ans et originaire du Katanga confie: "chez nous, la terre est sacrée et se transmet de père en fils. Les filles ont leur place, mais l'héritage principal revient aux garçons. C'est une tradition que nous respectons depuis toujours."

De son côté, Armelle Bokungu, 48 ans, du Bandundu, souligne le rôle important de la fille aînée au sein du foyer, tout en précisant que l'héritage reste l'apanage des fils.
"Dans ma région, la fille aînée a un rôle important dans la famille. Elle s'occupe de ses frères et sœurs plus jeunes, mais en matière d'héritage, les coutumes privilégient les fils."

"Chez nous, à l'Est, la terre appartient aux hommes," renchérit Marie Mungu, 62 ans originaire du Sud-Kivu. "Les filles héritent des biens meubles, mais pas des terres. C'est une tradition que nos ancêtres nous ont léguée, difficile d’y échapper".

"C'est difficile de faire évoluer les mentalités", déplore Chantal Yelu, 46 ans, originaire du Katanga. "Même si je suis pour l'égalité, je sais que beaucoup de personnes de ma génération ne partagent pas mon avis. Je me vois obligée de faire avec ces pratiques ancestrales."

Pour sa part, Anuarite Bukasa, originaire du grand Kasai, raconte son expérience douloureuse face au refus de sa belle-famille de respecter les dernières volontés de son mari.
"J’ai essayé de diviser l'héritage de mon mari après sa mort de manière équitable entre mes filles et fils tel que laissé dans son testament, mais certains membres de sa famille n'ont pas accepté. Ils ont donné une part à mes fils et récupéré d’autres biens. À ma fille aînée et à moi, ils n’ont rien laissé. Difficile de faire avec mais on y est contraint."

Aimerance Mbokani, du Kasai et Bernard Kazadi, du Kongo Central plaident à leur tour pour une égalité des droits entre filles et fils en matière d'héritage.

"Les choses changent. De plus en plus de femmes sont éduquées et occupent des postes à responsabilité. Je pense qu'il est temps de revoir les règles de l'héritage pour que les filles aient les mêmes droits que les garçons"  précise Aimerance.

"Les traditions sont importantes, mais il faut aussi s'adapter à l'évolution de la société. Les filles ont le droit de bénéficier de l'héritage familial, surtout si elles ont contribué au développement du foyer" Renchéri Bernard.

Paul Kavish, 58 ans, originaire du Nord Kivu met l'accent sur l'importance de la sensibilisation pour faire évoluer les mentalités.
"Je ne veux pas que mes filles soient lésées. Je ferai tout pour qu'elles aient les mêmes droits que leurs frères. Il faut informer les gens sur leurs droits et les encourager à changer leurs pratiques."

La question de l'héritage en RDC est complexe et soulève de nombreux débats. Si les mentalités évoluent progressivement, les traditions ancestrales restent profondément ancrées dans les esprits. Il est essentiel de poursuivre le dialogue entre les différentes générations et de trouver des solutions qui permettent de concilier les droits des femmes et le respect des coutumes.


Nancy Clémence Tshimueneka