Attaques ADF en RDC : des gouvernants indifférents et distraits, certains habitants complices… l’évêque de Butembo-Beni appelle les populations à se défendre  

Mgr Sikuli Paluku Melchisédech, Evêque du diocèse catholique de Butembo-Beni/Ph droits tiers

L’évêque du diocèse catholique de Butembo-Beni s’inquiète face à l’ampleur des tueries des civils dans l’est de la RD Congo, malgré la présence d’acteurs et services censés protéger les populations. S’exprimant ce samedi 22 octobre à la cathédrale de Butembo (Nord-Kivu), au cours de la messe pour le repos de l’âme de la religieuse Sylvie Kavuke, l’une de sept personnes tuées par des ADF mercredi à Maboya, Mgr Sikuli Paluku Melchisédech a dit ne pas comprendre la difficulté pour les autorités à traquer l’ennemi qui demeure dans un périmètre identifié.

« On ne dit jamais la vérité sur ce qui se passe. On annonce simplement qu’il y a eu des terribles évènements. Il n’y a rien qui s’en suit. On annonce simplement qu’on a brulé, et ce qui l’ont fait font pratiquement tout le reste de la nuit dans la région. On s’imagine qu’ils sont allés tous vers l’Est mais on ne sait pas nous dire qu’on les a perçus à tel endroit parce qu’on pensait qu’une région comme celle-ci doit être particulièrement gardée par les agents de sécurité », s’inquiète-t-il.

Des gouvernants distraits

Il a révélé que pendant que les rebelles ADF tuaient des populations et attaquaient des structures sanitaires à Maboya, certains de ceux qui sont censés protéger les personnes se réjouissaient dans des QG (Quartier général), ces bordels prostitution. Un comportement d’indifférence dénoncé également dans le chef des animateurs de l’état de siège au Nord-Kivu qui préfèrent, eux-aussi, se construire des monuments de gloire plutôt que de le faire en mémoire des victimes des tueries qu’ils ne savent pas empêcher. Ils préfèrent, d’après lui, se divertir plutôt que de démanteler l’ennemi.

« Qui attaque qui ? Et qui défend qui ? Ce sont des questions que l’on doit se poser au regard de ce que l’on observe aussi. Les nouvelles qu’on a de Maboya : ceux qui sont chargés de la sécurité de personnes et de leurs biens, il y en avait ceux qui étaient dans des QG (des maisons de prostitution, ndlr), ils passent leur temps là-bas, le divertissement, pendant qu’on est en train de tuer les gens. Ailleurs, j’ai vu qu’on est en train de construire des monuments pour ceux qui sont venus afin d’assurer la paix dans la province, au lieu de penser peut-être un jour construire un monument pour tous ceux qui ont versé leur sang, tout ceux qui ont été tués. Ce n’est pas normal », a dénoncé l’évêque Sikuli Paluku Melchisédech.  

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Certains habitants complices!

Il demande aux habitants de se désolidariser avec l’ennemi. Car, estime-t-il, les rebelles ADF ne peuvent pas signer des incursions sans la participation de certains habitants qui maitrisent mieux les milieux.

« Si vous cesser de vous assoir avec ceux qui méditent le mal ; ceux qui font des complots contre le mal, il ne se passera rien. Si on sait que je suis avec tel, mais il me semble quand-même un peu suspect, il faut l’aider à ce qu’il renonce à ce mauvais sentiment. Parce que ce qui est évident, est là, et c’est peut-être là qu’on nous encule, et c’est une vérité : on ne peut pas arriver à Kakwangura (prison de Butembo attaquée par des ADF, ndlr), on ne peut pas arriver à Maboya (village attaqué par des ADF) et passer tout ce temps sans que (on soit intercepté). Il y en est qui ait conduit, qui ait programmé, il y a des gens qui connaissent très bien le milieu, et on ne peut pas s’imaginer qu’il y a des gens qui arrivent, qui tombe du Kenya, de la Tanzanie pour venir faire ces choses (attaques, ndlr) », a déclaré Mgr Sikuli Paluku.

Plaidoyer pour une lutte engagée, mais non violentes

Face à l’indifférence des gouvernants, l’évêque de Butembo-Beni appelle les populations victimes à solidariser pour se défendre pour se libérer.

« Il ne faut pas voir ce qui se passe, pour certain, comme si c’est (des cas) isolés, comme si ça concernait une catégorie des personnes. Cela appelle à une plus grande solidarité, une solidarité qui doit ramener les gens à réfléchir, à se demander : qu’est-ce que nous pouvons faire pour veiller, non pas sur moi-même d’abord, mais pour veiller aussi sur tous ceux qui sont au tour de moi, ceux qui vivent dans mon village, dans ma ville. Que tous, à des moments comme ceux-ci puissent se lever comme un seul homme pour dire non à ces situations. Parce que ce n’est pas normal que pendant qu’on pleure à Maboya, à Butembo il y en a qui danse... Il faut éviter d’être endormi. Que tout le monde se mette débout. A des moments comme ceux-ci, s’il y a des actions bien ciblées, qui ne sont pas des actions de violences, pour dire non, nous condamnons ces actes », exhorte Mgr Sikuli Paluku.

Une libération par des moyens non violents en participant aux actions visant à faire entendre la voix du peuple.  

« Je souhaite à la population de rester toujours ferme, ça fait des années que nous sommes dans cette situation. Ce qui nous attire peut-être la colère de ces malfaiteurs c’est de voir que nous sommes capables de résister à toutes ces situations par lesquelles ils veulent nous intimider. C’est pour cela que je dis il faut être plus fort, qu’on se mette débout et qu’on montre qu’on aille au front comme un seul homme. Quand il y a des manifestations non-violentes prévues, pourquoi tout le monde ne se mettrait pas débout et dire qu’aujourd’hui nous faisons le deuil.  On a vécu des moments où on nous a enfermé pendant quatre jours, et personne ne pouvait sortir. Pourquoi nous même nous ne pouvons pas décider qu’aujourd’hui nous ne sortons pas ? Pourquoi on ne peut pas prendre soi-même l’initiative au lieu qu’un autre vienne vous imposer des couvre-feux, que vous ne (sortiez pas) », exhorte-t-il.  

Claude Sengenya