RDC : HRW fait de nouvelles révélations une année après des soulèvements qui ont provoqué le viol des détenues à la prison de Kasapa et appelle à poursuivre une enquête « impartiale et crédible »

Lubumbashi
Illustration. Ville de Lubumbashi/Ph. ACTUALITE.CD

L’organisation internationale Human Rights Watch (HRW) a publié de nouvelles révélations sur le soulèvement en septembre 2020 à la prison centrale de Kasapa (Haut-Katanga) où des dizaines de femmes avaient été violées durant les trois jours de troubles. Cependant, HRW regrette que l’enquête sur cet événement soit au « point mort » et appelle l’Etat à la poursuivre d’une manière « crédible et impartiale » y compris sur « les responsables qui ont ignoré plusieurs avertissements selon lesquels une émeute se tramait, et poursuivre en justice de manière équitable les auteurs d’abus ».

Entre décembre 2020 et avril 2021, HRW affirme avoir recueilli des témoignages auprès de 42 personnes, dont 14 femmes ayant survécu à l’émeute, ainsi qu’auprès des prisonniers, du personnel médical et des travailleurs humanitaires, des activistes locaux, du personnel pénitentiaire et judiciaire, et du personnel des Nations Unies à Lubumbashi et à Kinshasa.

« Human Rights Watch s’est entretenu avec 13 des détenues qui affirment avoir été agressées sexuellement ou violées. Des membres du personnel pénitentiaire, des responsables onusiens et des défenseurs locaux des droits humains ont affirmé à Human Rights Watch que la majorité des femmes détenues, peut-être même toutes, avaient été violées, mais que certaines d’entre elles ne l’ont pas signalé au procureur, par crainte de la stigmatisation associée aux agressions sexuelles. Des informations crédibles ont également fait état du viol de six hommes et garçons. Certaines survivantes ont affirmé avoir été victimes de viols collectifs ou avoir été violées à plusieurs reprises par différents hommes au cours des trois jours de troubles. Elles ont précisé que les femmes qui résistaient étaient souvent battues ou frappées avec des objets tranchants ou des armes blanches », rapporte HWR dans un communiqué ce lundi 20 septembre.

HRW estime que les autorités devraient fournir aux survivantes des soins médicaux et un soutien psychologique adéquats.

« Les autorités congolaises devraient enquêter sérieusement sur ces trois jours de déferlement de violence et de viols généralisés à la prison de Kasapa, et agir afin d’en punir les responsables et d’empêcher de nouvelles défaillances du système carcéral. Près d’un an plus tard, les victimes de viols attendent toujours de recevoir des soins médicaux et un soutien adéquats, alors qu’elles souffrent de traumatisme et de stigmatisation», a déclaré Thomas Fessy, chercheur principal sur la RDC à Human Rights Watch.

Le 25 septembre 2020, 15 prisonniers considérés dangereux et détenus séparément des autres ont maîtrisé leur unique gardien et pris d’assaut la prison. Ils ont incité les autres détenus à la violence, incendié plusieurs bâtiments et se sont rapidement emparés de la prison, provoquant la fuite du personnel, des gardiens et des forces de sécurité. Un incendie dans la section des femmes a contraint les détenues à se réfugier dans la cour principale de la prison pendant trois jours, sans protection, sans abri, sans nourriture ni eau et sans accès sécurisé aux toilettes. Des prisonniers ont brûlé leurs affaires et ont imposé un climat de terreur.

Selon un rapport interne de l’ONU consulté par Human Rights Watch, les forces de sécurité ont abattu au moins 20 détenus, dont au moins 7 qui pourraient avoir été victimes d’exécutions extrajudiciaires lorsqu’ils tentaient de s’évader par un tunnel souterrain. Un agent de l’administration pénitentiaire est également décédé des suites de blessures subies lors du soulèvement.

La prison centrale de Kasapa a été construite en 1958 pour une capacité d’accueil de 800 détenus. Près de 2 000, dont 56 femmes et 53 enfants, y étaient lors du soulèvement selon les responsables de l’établissement cités par HRW.

Fonseca MANSIANGA