RDC: projet LEVER de Mercy Corps, l'exemple d'une approche partenariale innovante pour stopper des épidémies le plus rapidement possible

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Confrontée à la résistance des communautés dans le cadre de la lutte contre la dixième épidémie d’Ebola dans l’Est du Congo, l’organisation américaine Mercy Corps et ses partenaires ont mis en place le projet LEVER (Lutte contre Ebola Via l’Engagement des communautés Redynamisées), en vue d’obtenir l’engagement des communautés affectées pour la réduction de la mortalité liée à Ebola et les autres maladies à potentiel épidémique.  

Lancé en octobre 2019, le projet LEVER a consisté, d’abord à la mobilisation des communautés et ensuite à la réalisation des ouvrages de desserte en eau potable, ceux d’hygiène et d’assainissement, ensuite à la construction des infrastructures facilitant l’accès aux structures sanitaires, notamment des ponts et des routes, enfin la résilience économique. Des activités réalisées en collaboration avec les Cellules d’Animation Communautaires (CAC), mises en place par les communautés affectées par Ebola, avec l’appui financier de l’Agence Américaine d’Aide au Développement (USAID), et en soutien au ministère de la santé de la RDC.

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De l’eau, pour mieux combattre Ebola

Décider de la réalisation des ouvrages de desserte en eau potable n’a pas été un choix du hasard pour Mercy Corps et ses partenaires. Il s’est agi d’un besoin exprimé la communauté touchées par l’épidémie d’Ebola en territoires de Beni et Lubero ainsi qu’en villes de Beni et Butembo, lesquelles ne savaient pas pratiquer régulièrement l’hygiène, y compris parfois celle des mains, faute d’une eau potable. Pour ce qui est de Butembo par exemple, une étude menée en mars 2020 par l’organisation Solidarité Internationale révèle que «seul 28% de la population a accès à l’eau potable».

«Pendant la période d’Ebola, les habitants de plusieurs quartiers se sont organisés en cellules d’animation communautaire pour réfléchir également sur la nature des réponses à capitaliser pour vaincre l’épidémie. De plusieurs besoins exprimés à travers les plans d’action qui nous ont été adressés par ces cellules, nous avons constaté que ce qui était commun à tous les quartiers était: le besoin en eau potable», indique M. Guillaume Cailleaux, directeur adjoint du programme Ebola à Mercy Corps.

Ainsi, l’organisation américaine et ses partenaires (Oxfam, Alert International, CARE International, Coracon) ont décidé d’appuyer les communautés, en leur construisant des infrastructures d’eau potable.

«Une fois qu’elles ont de l’eau, elles peuvent bien pratiquer l’hygiène, et se prévenir contre les maladies des mains sales et les épidémies dont Ebola», explique M. Guillaume Cailleaux.

Dans le volet d’Eau Hygiène Assainissement (EHA), de nombreuses infrastructures ont été réalisées et notamment 17 forages réhabilités respectivement en zones de santé de Katwa (5), de Butembo (1), de Beni (4), de Musienene (7), pour desservir environs 10 200 habitants, une mini adduction aménagée à Kasoko, dans la zone de santé de Musienene pour desservir plus de 1 500 personnes, deux grandes adductions construites respectivement à Mukulya et Mabalako pour desservir plus de 6 500 personnes, 28 sources d’eau potable aménagées  notamment en zones de santé de Butembo (9), Katwa (3), Mabalako (14) et Musienene (2).

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Dans le volet d’hygiène et assainissement,  trois blocs de latrines de 14 portes ont été construits dans des marchés, écoles et autres lieux publics en zones de santé de Mabalako, Beni et Musienene, alors que 56 dispositifs de lavage de mains ont été placés et ravitaillés en eau et savon dans les zones de santé de Goma, Karisimbi et Nyiragongo (30), de Rutshuru (15), de Musienene, Beni et Mabalako (11), lesquels servaient au moins 20 000 personnes chaque jour, à en croire les fiches de pointages journaliers.

Grâce à la réalisation des ouvrages de desserte en eau potable, l’organisation CARE International reconnaît que le projet LEVER a permis non seulement de combattre Ebola, mais aussi d’autres maladies à potentiel épidémique.

« Le taux de morbidité diarrhéique chez les enfants de moins de 5 ans a également diminué, passant de 22 % à 5 %, tandis que le taux de possession de lavabos avec de l'eau et du savon a légèrement augmenté, passant de 33 % à 34 %», révèle CARE International, évoquant l’évolution de la situation dans les zones d’intervention de son organisation.

Une tendance confirmée aussi par les communautés bénéficiaires.

«Avant l’érection de cette mini-adduction dans mon aire de santé, nous enregistrions chaque semaine au moins trois cas de maladies d’origine hydrique, notamment la fièvre typhoïde, l’amibiase, le verminose et ankylostome. Des enfants et adultes en souffraient. Mais depuis début décembre, soit en deux semaines, nous n’avons enregistré jusque-là que deux cas. Nous croyons à la baisse de cas liés à ces maladies», indique Kasereka Kamuha, infirmier titulaire au poste de santé de Kasoko où Mercy Corps a érigé une mini-adduction.

Des infrastructures pour faciliter l’accès aux structures sanitaires

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Pendant les épidémies, comme celles d’Ebola, certains acteurs ne parviennent pas à vite intervenir pour sauver les nécessiteux parce que souvent les routes d’accès vers les centres de santé sont en mauvais état. A Beni, Mabalako et Musienene, Mercy Corps et ses partenaires, après que les communautés en aient exprimé le besoin, ont ainsi décidé de construire des  ponts et ouvert des axes routiers donnant l’accès à certaines structures sanitaires.

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Des personnes vulnérables, notamment des guéris d’Ebola, proposées par les communautés, à travers leurs CAC, ont été employées comme main d’œuvre pour jeter des ponts et rénover les routes, grave à la méthode Cash for work, laquelle consistait à les rémunérer pour le travail réalisé. Au total, 22 infrastructures d’utilité publique ont été réhabilitées, notamment 8 routes, de près de 15 Km dans l’ensemble, en zone de santé de Beni, Butembo et Katwa, ainsi que 14 ponts construits en zones de santé de Beni, Butembo, Katwa et Mabalako.

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Situé en zone de santé de Katwa, le quartier Rughenda est l’un des bénéficiaires de ces infrastructures, notamment un pont. A la suite des demandes exprimées par les CAC locales, Mercy Corps y a réhabilité un pont jeté sur une rivière qui longe la vallée séparant les quartiers Rughenda et Kyaghala. Kasereka Muhiwa alias Lumumba, chef de quartier Rughenda salue l’approche communautaire des organisations qui sont intervenues dans le projet LEVER.

«On essayait de réparer ce pont avec les moyens de bord mais ça ne tenait toujours pas. Quand Mercy Corps a dit qu’il va répondre favorablement à notre demande, moi personnellement, je ne m’attendais pas à un si grand ouvrage. Ce grand pont est d’une très grande importance car sur le plan sécuritaire et social il relie le camp militaire aux quartiers Kyaghala et Rughenda. Il relie également le marché et l’aéroport de Rughenda», se réjouit Kasereka Muhirwa.

Des communautés se sont approprié les activités, et en plusieurs endroits, comme à Kyaghala, elles ont aidé à la réalisation des ouvrages.

«Tous les maçons qui ont travaillé sur ce chantier sont pour la plupart les maris des femmes qui approvisionnaient le chantier en sable tiré de cette rivière.  Les jeunes ont apporté du gravier et parfois une main d'œuvre gratuite dans le cadre du salongo (travaux communautaires, Ndlr). Il y a donc une forte participation locale», témoigne Kasereka Muhiwa.

Francine Vindu, 22 ans, a travaillé pendant dix jours comme journalière dans les travaux d’érection de ce pont. Avant même la fin des travaux, cette membre d’une mutuelle des jeunes locale était déjà fière d’avoir aidé sa communauté.

« En travaillant sur ce chantier, je ne vois pas que l’argent.  Je sais que ce pont est d’une importance capitale dans la vie de ma communauté. Après mes dix jours de contrat, je vais continuer avec d’autres jeunes de notre mutualité à apporter les moellons aux maçons et tracer les caniveaux pour sécuriser ce pont», nous déclarait-t-elle lors d’une visite au chantier.

LEVER, aussi un projet de résilience économique

Dans le lot des besoins exprimés par les communautés dans les plans d’actions de leurs CAC, se trouvaient également des petites activités de résilience économique. Si certaines communautés ont demandé des moulins, d’autres ont demandé des matériels de coupe-couture ou des tentes et chaises pouvant les aider en cas d’événements culturels. Mercy Corps les a dotés de ces équipements pouvant les aider à redynamiser certaines activités génératrices de revenus pour subvenir aux besoins d’intérêts communautaires.

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CARE International souhaite voir des organisations capitaliser cette approche de complémentarité (consortium) pour l’efficacité des futures interventions.

« Il est essentiel que les acteurs humanitaires coordonnent et collaborent au sein de consortiums de manière à permettre la réponse la plus large et la plus efficace possible, en particulier lorsqu'il s'agit d'arrêter des épidémies le plus rapidement possible comme le cas d’EBOLA », conseille CARE International.

Claude Sengenya, à Butembo