Confidences du chauffeur du Ministre
C’est l’euphorie à l’occasion du duel à mort, du duel de l’année « Covid » : Barcelone contre Juventus. Messi contre Ronaldo. Sorcier contre sorcier. Messi et Ronaldo ensemble contre la psychose du Covid-19 et des turbulences politiques ambiantes, ambianceuses. Pour moi, fanatique tiède du foot, c’est une vraie tempête dans un verre de bière ! Mais en attendant, le bar-nganda du quartier est en effervescence intense, comme lors des chaudes empoignades électorales politiques et fatales. Dans un camp comme dans l’autre, des fanatiques plus fanatiques qu’avec les équipes locales comme Vita-Club ou TP Mazembe ! De vrais fous du foot ! Une idolâtrie hystérique, impénitente, plus que celle vouée aux politiciens polémiqueurs et pugilistes, plus que celle des coreligionnaires bigots des « pasteurs-de-réveil »…
Ces fanatiques sont là à brailler les noms de leurs leaders, de leurs idoles, emmitouflés dans des maillots et avec des drapelets aux couleurs partisanes…
Mon patron le Ministre des Affaires Stratégiques et Tactiques ( à prononcer avec respect…), aujourd’hui en position de retraite méditative et d’expectative angoissante suite aux derniers évènements politiques ( concernant essentiellement la mise en berne de l’action du gouvernement et la quête d’information sur un « informateur », potentiel formateur d’une éventuelle coalition formatée majoritaire), mon patron de Ministre se tient incognito dans un coin du bar, loin des regards des ambianceurs et des cuiteurs de notre bar-nganda. Fébrile, lui aussi suit de très près le combat des gladiateurs du foot.
Evidemment les paris sont ouverts ; et c’est le tenancier du bar-nganda qui règlemente les enchères et règle les comptes des parieurs.
Mon Ministre a parié pour Messi et Barcelone. En principe, sans trop y croire, j’ai jeté mon dévolu sur Ronaldo et la Juventus ; mais par égard pour mon Ministre, et dans une sorte de « coalition » tacite, j’ai provisoirement changé de camp : me voici ‘’barça »… jusqu’à nouvel ordre. Et mon Ministre a financé ma mise de parieur- amateur auprès du tenancier- barman. J’ai donc, à l’insu de mon Ministre, tenté deux paris parallèles : l’un pour Messi et Barça sur le compte généreux de mon patron de Ministre ; et l’autre pari sur mes fonds propres, sur base de mon admiration pour la Juve et Ronaldo.
… Le match Barça-Juve a été un combat de titans, avec des acrobaties vertigineuses, avec des passes et des pirouettes lumineuses, avec des dribbles acrobatiques. Mais la joute n’a pas tenu ses promesses pour Messi et son Barça, battus 3 à 0.
Mécontents du résultat, les malheureux supporters de Barcelone ont tout saccagé dans le bar : chaises, tables, verres de bière, bouteilles-ngwasuma, sono, tout ça a été fracassé, cadavéré. Le tenancier lui, pauvre arbitre des règles des paris, a été lynché et séquestré dans le petit entrepôt à stocks.
Le Ministre, fanatique inconditionnel de Messi, n’a pas osé se montrer. Au contraire je suis parvenu à l’exfiltrer et à le faire évacuer par une porte dérobée. Il avait l’air très amer et avant de nous séparer, il m’a adressé des propos surprenants : « Pilote, en sport comme en politique, il faut savoir perdre. Perdre c’est éprouver l’initiation de l’humilité créatrice. Il faut savoir supporter les huées du public ; mais savoir aussi se méfier des applaudissements et des ferveurs du même public… »
(YOKA Lye), 09 décembre 2020