Affaire Ntaganda : "C'est une victoire de la justice et nombreuses sont les victimes qui espèrent que les actions de réparation vont commencer" (Me Chérine Luzaisu)

Me Chérine Luzaisu. Photo droits tiers

Ce lundi 8 juillet, la Cour pénale internationale (CPI) a reconnu l'ex-chef de guerre Bosco Ntaganda, coupable de 18 chefs de crimes de guerre et crimes contre l'humanité commis en Ituri en 2002-2003. Pour  Me Chérine Luzaisu, avocate au barreau du Kongo Central et membre de l’équipe de la représentation légale des victimes, ceci est une "victoire pour la justice".

Me Luzaisu, la chambre de première instance de la CPI vient de déclarer Bosco Ntaganda coupable de 18 chefs de crimes de guerre et crime contre l’humanité pour des actes commis en Ituri. Vous êtes sur place à La Haye. Comment avez-vous accueilli cette décision de la CPI ?

Chérine Luzaisu : En tant que membre de la représentation légale des victimes et en tant qu’avocate, je suis très satisfaite du verdict. C’est une victoire pour la justice. C’est une victoire pour les victimes, les victimes survivantes, c’est aussi un hommage pour les victimes décédées. Les victimes de l’Ituri ont attendu assez longtemps parce qu’il s’agit des faits qui se sont déroulés depuis 2002 et, par rapport à cela, il y aura maintenant un certain apaisement.

Quelle a été la réaction des victimes que vous défendez ?

 Chérine Luzaisu : D’une manière générale, les victimes sont satisfaites. J’ai eu à parler avec plusieurs d’entre elles depuis l’annonce de la CPI. Dans l’ensemble, les victimes sont contentes, plusieurs d’entre elles sont décédées… donc pour elles, c’est une victoire de la justice et nombreux sont ceux qui espèrent que les actions de réparations vont bientôt commencer.

Vous parlez à la fois des victimes décédées mais aussi des survivants. Que pensent ceux qui sont toujours en vie ?

Chérine Luzaisu : S'agissant des survivants et de leurs familles, par rapport à la procédure devant la Cour Pénale Internationale quand une victime est décédée sa famille peut la remplacer dans la procédure. C’est notamment ce qui a été fait dans plusieurs cas. Nombreux sont ceux qui ont tout perdu, la vie était devenue intenable pour beaucoup, cela a aussi entraîné certains décès. Aujourd’hui, les familles sont donc satisfaites.

Quelle sera la suite de cette affaire ?

Chérine Luzaisu : Normalement la suite, ce sera les discussions sur la peine. La CPI a reconnu la culpabilité de Bosco Ntaganda sur les 18 chefs de crime. Maintenant, il reste la décision de la peine, à savoir combien d’années il devra rester en prison. Ensuite, il sera question des réparations, si elles seront collectives ou individuelles et ça ce sera à la chambre de décider.

Lors de l’évocation par la CPI des crimes commis par Bosco Ntaganda et ses troupes, il a été question de viol de femmes et d’hommes… de lourdes charges quand même ?

Chérine Luzaisu : En effet, il y a eu des femmes violées, des hommes violés, des enfants violés, des personnes enterrées vivantes… il y a eu beaucoup d’exactions. Des lourdes charges en effet et nous continuons à avoir confiance en la justice, nous espérons que la peine sera tout aussi conséquente.

Ce verdict est quand même peu surprenant dans la mesure où au regard de tous ces crimes, Bosco Ntaganda devait logiquement être reconnu coupable, vous ne trouvez pas ?

 Chérine Luzaisu : Non, vu qu’il est reconnu coupable pour les 18 chefs de crimes pour lesquels il était poursuivi.

Pensez-vous qu’il puisse faire appel une fois que le verdict sera tombé ?

Chérine Luzaisu : Il peut déjà faire appel. On attend juste la sentence mais il est coupable, ça c’est sûr. Dans des pareils cas, rien n'est évident car il faut toujours trouver les preuves qui conviennent afin d'asseoir la culpabilité de l'accusé.

Au niveau des victimes, cela a dû être dur de témoigner ? N’y avait-il pas de la peur ?

Chérine Luzaisu : En effet ce n’était pas facile pour les victimes de témoigner parce qu’elles devaient se remémorer des évènements difficiles et douloureux mais la plupart des victimes ont été suivies par des psychologues. C’était très important parce que ce n’est pas facile de pouvoir raconter ces choses horribles que l’on a vécu cinq voire six ans après les faits. S’agissant de la peur, la Cours fait tout ce qui est en son pouvoir pour que les victimes puissent être protégées. Il existe un mécanisme pour que dans la mesure du possible les témoins puissent être sécurisés.

Propos recueillis par Nabintu Kidjirakwindja