Après trois ans d'insécurité, les blessures économiques restent béantes à Kwamouth (Mai-Ndombe). Hier un grenier agricole, le territoire est à ce jour l'ombre de lui-même : champs abandonnés et sabotés par les miliciens, marchés à sec, ruelles menant vers les forêts qui ne rappellent plus la date de la dernière fréquentation. Pourtant, il y a des décennies, les villes de Kinshasa et Bandundu ainsi que les villages environnants, pouvaient compter sur cette région pour s'approvisionner en produits agricoles.
Sa célèbre chikwangue appelée "Kwanga Bateke" a disparu des marchés, car les producteurs sont en déplacement. Forte de sa terre fertile, la région produisait en grande quantité le maïs, le manioc et les arachides. Les villages Fadiaka, Falio, Kimomo, Menkwo, Wenge, Béthanie, Mibe, Camp Banku, Bokala, Kinsele, Boku et l'axe Masiambio-Kwamouth, etc, étaient les zones où se concentraient les activités agricoles.
Son immense forêt (Kimomo, village Twa et la cité de Kwamouth) faisait aussi la joie des chasseurs, tandis que le fleuve Congo et la rivière Kwango (vers la frontière avec le territoire de Bagata) qui le bordent fournissaient, sans saison, des poissons frais.
Trois ans après, les habitants de la cité de Kwamouth consomment le semoule, don des ONG, déplore Stany Libie, chef coutumier à Kwamouth.
"La famine a affecté les ménages d'autant plus que la population ne travaille pas. L'économie des ménages est touchée. Je suis en train de voir la population se nourrir du semoule que certaines ONG lui donnent, alors que la population de Kwamouth se nourrissait elle-même grâce à sa production", a-t-il indiqué.
Cette situation impacte négativement l'économie des ménages : les charges quotidiennes ne peuvent plus être correctement exécutées, indique Guy Musomo, député national élu de Kwamouth.
"Ils allaient vendre le maïs, le manioc, les arachides à Kinshasa et ailleurs. Ils ne le font plus depuis trois ans parce que tous les champs sont occupés par les Mobondo. Comment peuvent-ils avoir de l'argent ? Rien ne tourne, la population souffre. Quand vous voyez quelqu'un venir de Kwamouth, vous avez mal au cœur, du fait que la population ne travaille pas alors qu'elle est résiliente, forte et travailleuse. Mais aujourd'hui, elle est abandonnée", a déploré Guy Musomo.
Plus de 1.095 jours se sont écoulés depuis le début de la crise sécuritaire du 12 juin 2022 à Kwamouth. Ce territoire continue à être le théâtre des violences perpétrées par les miliciens Mobondo qui y opèrent depuis trois ans. Conséquence : toutes les activités sont paralysées, et la population, en grande partie, contrainte à se déplacer. Parmi les rares villages non touchés, on peut compter la cité de Kwamouth, chef-lieu du territoire, où sont également cantonnés les déplacés internes.
Jonathan Mesa