Trois ans après naissance de la crise sécuritaire à Kwamouth: la milice Mobondo toujours active mais fracturée, cinq provinces affectées par l’insécurité

milicien avec Armes
Illustration/Ph. ACTUALITE.CD

Trois ans après le déclenchement du conflit communautaire à Kwamouth (Mai-Ndombe), la milice Mobondo, loin d’avoir été totalement neutralisée, reste active dans plusieurs provinces. Fracturée en factions rivales, elle continue de semer l’insécurité dans le Grand Bandundu (Kwilu, Kwango, Mai-Ndombe), mais aussi dans les périphéries de Kinshasa (Maluku) et au Kongo-Central (Kimvula).

Selon les alertes de la 11ᵉ région militaire qui mène l’opération de pacification dans le Grand Bandundu, la milice est aujourd’hui divisée : l’un dirigé par un certain Daddy, et deux autres dénommés Satonge et B52. Depuis quelques mois, ces factions s’affrontent régulièrement.

En mai dernier, des combats internes ont éclaté à Vilakata et à proximité de Kinsele, sur la RN17, provoquant des dégâts parmi les civils et un nouveau déplacement massif des populations.

Entre 2024 et 2025, les exactions de la milice se sont multipliées, notamment sur l’axe Lonzo–Kingala (Kwango–Kwilu), où des enlèvements, pillages et extorsions de biens ont été rapportés. À Wamba (territoire de Bagata), les autorités provinciales ont reconnu la perte de plusieurs postes de perception fiscale, occasionnant un manque à gagner depuis juillet 2024.

Des acteurs politiques et de la société civile ont rapporté cette année, qu’une forme d’administration parallèle avait été instaurée par les miliciens à Kinsele, sur la RN17, où ils imposaient aux transporteurs une redevance de 5 000 FC, même après acquittement des taxes officielles. Des allégations démenties par l’armée.

Des actes similaires de tracasserie ont été signalés par l'armée sur l’axe Mongata–Bandundu, où les usagers devaient verser entre 1 000 et 2 000 FC à des miliciens postés le long de la route.

Aujourd’hui encore, les miliciens Mobondo demeurent une menace permanente. À Popokabaka et Kenge (Kwango), ils sont toujours actifs dans plusieurs villages. À Bagata (Kwilu), une dizaine d’agglomérations seraient sous leur emprise, avec une série d’incursions, dont celle qui a coûté la vie à une dizaine de personnes entre mars et avril 2024 au village Mayala. Kwamouth reste l’épicentre du mouvement.

Le 12 juin 2022 marquait le début d’une crise qualifiée à l’époque de « conflit intercommunautaire » entre les Teke et les Yaka. Le point de départ : le village de Masiakwa, dans le Mai-Ndombe, où une dispute autour de la redevance coutumière imposée par les chefs Teke aux populations allochtones, en majorité Yaka, a dégénéré. Ces dernières s’étaient opposées à une majoration du tribut, passé d’un à cinq sacs par récolte. Devant leur refus, des habitants Teke auraient décidé de les expulser de Kwamouth.

Ce conflit a rapidement viré à une violence extrême : maisons incendiées, massacres de civils, déplacements massifs. Les villages de Masiakwa, Ngambomi, Béthanie, Etumba na Ngwaka, Bisiala et Kinsele ont été parmi les plus touchés par les atrocités.

Ce qui était considéré comme des tensions entre communautés s’est vite transformé en une milice bien organisée, s’opposant aux forces de défense et de sécurité dépêchées en mission de paix. D’après un rapport de Human Rights Watch, la milice Mobondo faisait référence à « des fétiches » pour commettre des exactions, se faisant armer par la suite.

À partir de septembre 2022, la violence a débordé vers Bagata (Kwilu), faisant plusieurs victimes. En mai 2023, c’est le territoire de Kenge (Kwango) qui a été touché, notamment au village Batshongo, avant que la crise ne gagne Popokabaka.

À Kwamouth et à Bagata, les chefs coutumiers furent les premières cibles de la milice. Nombre d’entre eux ont été égorgés avant que les violences ne s’étendent à l’ensemble des communautés.

Jonathan Mesa