RDC : « le gouvernement devrait construire et relancer des foyers sociaux et centres d’accueil destinés aux jeunes filles shégués », Gauthier Musenge (sociologue)

Photo/ Actualité.cd
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Popularisé dans les années 1990 par Papa Wemba,  le terme "Shégué" désigne les enfants de la rue en RDC. Le phénomène remonte à 1970 sous Mobutu. Aujourd’hui à Kinshasa, des dizaines de jeunes filles vivent dans ce milieu empreint de violence. Quelle solution pour ces dernières ? Le sociologue Gauthier Musenge a répondu au Desk Femme.

 
« Plusieurs causes sont à l’origine du phénomène « enfants des rues ». Notamment, la négligence des parents, la recomposition des familles (pour les enfants dont l'un des parents se remarie après la mort du père, de la mère, ou le divorce), le cas des enfants influencés par des amis qui vivent dans la rue, la pauvreté, etc... », explique-t'il. 


Et de renchérir, « (...) Il y a des familles shégués qui se sont construites dans les rues de Kinshasa. Il y a des parents shégués. Mais ce n'est pas une situation qui se vit uniquement à Kinshasa. Le phénomène enfants des rues existe dans plusieurs villes du monde. Cependant, il y a une part, celle du gouvernement congolais ». 


« Les filles et leurs besoins spécifiques insatisfaits »


Gauthier Musenge précise que les enfants des rues vivent en toute liberté et font d'énormes dégâts dans la société. Ils deviennent un danger pour la population. Leur milieu est caractérisé par une violence permanente. Violence lorsqu’il s’agit d’accueillir un nouveau membre, violence pour s’adapter ou pour y vivre. 


Et dans ce milieu, « les filles et femmes shégués éprouvent beaucoup plus de difficultés à vivre par rapport aux garçons. Elles ont des besoins spécifiques, elles sont exposées aux violences sexuelles de la part des shégués expérimentés ou par des passants. Elles sont dans une insécurité totale, les plus jeunes sont sexuellement abusées par des personnalités ou ceux qui possèdent des moyens financiers. Elles ont besoin des fonds pour survivre et le moyen le plus utilisé est la prostitution. Elles font l’objet de menaces et ne savent pas se défendre », dit-il. 


Que faut-il pour soustraire les jeunes filles de ce milieu ? 


« Le gouvernement devrait construire des foyers sociaux et centres d’accueil pour soigner des jeunes filles shégués. La plupart d’entre elles souffrent d' infections sexuellement transmissibles. Il leur faut une prise en charge sanitaire. Il faut en même temps une activité économique rentable pour leur assurer une autonomisation financière » propose Gauthier Musenge.

 
Pour rappel, Médecins du Monde estime que c’est à Kinshasa, que se concentrent le plus grand nombre d'enfants des rues. Plus de 20.000 enfants entre 0 et 18 ans y vivent en rue où leur subsistance repose généralement sur la mendicité, la prostitution ou la délinquance. Le Monde dans un article parut en 2019, mentionnait selon de nombreuses études sociologiques, les shégués comme la résultante de l’enlisement de la République démocratique du Congo (RDC) dans une succession de crises économiques et de violents conflits liés à son sous-sol gorgé de richesses (or, cuivre, cobalt, diamants, coltan, cassitérite…). A Kinshasa, il y aurait presque autant de filles (46 %) que de garçons (54 %).

Prisca Lokale