Des pluies diluviennes ont récemment causé d'innombrables dégâts à Kinshasa. Érosions, inondations et mort d’hommes, elles ont bouleversé le quotidien de nombreux ménages. Jean-Bruno Mayingi Makanwa, urbaniste et enseignant à l’Institut supérieur de la Gombe (ISP), apporte son éclairage à propos des questions urbanistiques et les conséquences de ces intempéries.
Bonjour, Monsieur Jean-Bruno Mayingi, et merci de répondre à nos questions. Que doit-on comprendre par le mot “environnement” ?
Jean-Bruno Mayingi : l’environnement, c’est tout ce qui entoure un être ou un individu. La santé d’une personne, son bien-être dépendent essentiellement du milieu dans lequel il évolue.
Pouvez-vous nous dire ce que l'on entend par gestion de l'environnement ?
Jean-Bruno Mayingi : il faut savoir qu’il existe des termes à ne pas confondre. Les sciences de l’environnement et la gestion de l'environnement. Les sciences renvoient aux universités, on y forme des scientifiques qui font des recherches sur l'environnement, une théorie produit des résultats. Tandis que la gestion de l’environnement renvoie aux techniques de gestion de l’environnement. Comment gérer, assainir l'environnement.
Et qu’appelle-ton aménagement d’une ville ?
Jean Bruno Mayingi : il existe deux types d'aménagement pour une ville. L’aménagement intérieur des villes et l’aménagement des villes dans une région. Une ville bien aménagée est celle qui ne connaît pas des problème d’environnement tel que l’insalubrité, les inondations, les érosions.
Selon vous, comment peut-on définir l’état actuel de Kinshasa ?
Jean-Bruno Mayingi : en réalité, Kinshasa n’est plus une ville. Parce qu’une ville doit répondre à 4 fonctions : Habiter la ville (signifie avoir une maison dont la taille des pièces est proportionnelle au nombre d’habitants, elle doit avoir des grandes fenêtres pour permettre l’aération. S’il n’y a pas de fenêtres, il faut qu’il y ait une climatisation), Circuler (moins de personnes à Kinshasa peuvent se procurer une automobile et, en dehors du problème de route, Kinshasa connaît des problèmes d’embouteillage et autres), Travailler (avoir une occupation dont la rémunération permet de payer la location d’une maison en ville, d’avoir un moyen de transport et de rouler dans la ville), Se divertir (c’est ce qui diffère la ville du monde rural. Il faut qu’il y ait des structures de divertissement, avoir les moyens financiers qui permettent de s’offrir un tel plaisir). S’il ne faut s’en tenir qu’à ces 4 fonctions, Kinshasa n’est plus une ville. Elle peut néanmoins être qualifiée d’une ville démographique à cause du nombre de ses habitants, selon la loi de l’urbanisme (au moins 100.000 habitants). Sinon, Kinshasa mérite d’être réaménagé pour arriver à cette qualification de ville.
Qu’est-ce qu’il faut pour réaménager Kinshasa ?
Jean-Bruno Mayingi : pour réaménager Kinshasa, il faut, d’une part, une volonté politique et, d’autre part, la volonté de la population. Il y a une loi qui stipule qu’il ne faut pas lotir à plus ou moins 100 mètres au bord d’un cours d’eau. Mais, s’il faut commencer par déguerpir toutes les personnes qui y ont installé leurs maisons, il faudra aussi les indemniser. Et donc, réaménager Kinshasa demande beaucoup d’efforts et de financement.
Après des pluies à Kinshasa, en dehors des dégâts matériels, on décompte aussi des pertes en vie humaine. Que faudrait-il faire pour résoudre les problèmes d’érosions à Kinshasa ?
Jean-Bruno Mayingi : il faut d’abord établir un plan d’aménagement. Réunir autour d’une table différents urbanistes (architectes, géographes, paysagistes...) et proposer un plan d’aménagement qui répond à une ville durable. C’est un projet qui peut coûter énormément d’argent mais le réaménagement de Kinshasa doit aller de pair avec des propositions des scientifiques. Si le gouvernement n’a pas de moyens, il peut faire appel aux investisseurs étrangers. Il faudra aussi impliquer l’urbanisme participatif, c’est-à-dire intégrer les habitants de Kinshasa qui seront en même temps victimes et bénéficiaires du plan d’aménagement.
Comment lutter contre l’insalubrité à Kinshasa ?
Jean-Bruno Mayingi : les déchets sont produits par les ménages, les institutions ou les industries. Il faudra identifier les producteurs des déchets, la quantité et les types des déchets (dangereux ou biodégradables). Avoir des statistiques des productions, la localisation des sites de production transférer à des sites de décharges ou de transit. Dans la gestion des déchets, il y a la collecte de ces déchets depuis leurs sites de production, faire le triage au niveau des sites de transit (décharges publiques) pour les transférer soit aux usines de transformation, soit aux sites de décomposition ou aux sites de destruction que l’on appelle décharges finales.
A Kinshasa, des décharges publiques sont pleines d’immondices dans plusieurs coins de la ville. Quelle méthode faudrait-il appliquer pour le contexte actuel de la capitale ?
Jean Bruno Mayingi : je propose de commencer par une législation adaptée au contexte actuel. Une législation qui permet à ce qu’on arrête la mauvaise gestion pour trouver des solutions aux problèmes de l’insalubrité. En RDC, nous avons des bonnes lois sur la salubrité. Seule l’application pose problème.
Pensez-vous qu’il faut arrêter la production des sachets et bouteilles en plastique ?
Jean-Bruno : nous sommes déjà dans un système qui fonctionne. Certaines personnes vivent essentiellement de ces objets qui constituent la majorité des déchets à Kinshasa. S’il y a des nouvelles mesures à prendre, il faudrait le faire à différents stades. Il faut également la participation de plusieurs experts (anthropologue, économiste, sociologue, géographe, environnementaliste…) de telle sorte que les mesures ne puissent pas peser sur la population.
Quels sont les effets d’un environnement insalubre sur la santé publique ?
Jean-Bruno : un milieu insalubre est un champ de plusieurs agents pathogènes et toxiques. Quand nous souffrons des maladies respiratoires, c’est parce que nous respirons de l’air qui n’est pas sain.
Un dernier mot ?
Jean-Bruno : souvent, les gens disent que l’Etat nous vienne en aide. Ils oublient que lorsque nous produisons des déchets, nous devons également participer à la gestion de ces déchets. Respecter aussi des normes de constructions des maisons et assainir notre milieu. Il y a déjà l’opération Kin Bopeto, c’est une volonté des autorités. Mais sommes-nous prêts à accompagner cette volonté ? Que faisons-nous ?
Jean Bruno Mayingi Makanwa est assistant 1er degré à l’ISP/GOMBE. Il est également étudiant de troisième cycle de l’Université Pédagogique Nationale (UPN), option Urbanisme et Aménagement du territoire - Gestion de l’environnement.
Propos recueillis par Prisca Lokale