De l’insécurité dans l’Est de la RDC à la rencontre entre Kabila et Katumbi en passant par l’évasion des détenus d’une prison de haute sécurité à Maputo, la semaine qui vient de s’achever a été riche en actualités. Retour sur chacun de ces faits marquants avec Grâce Mabiala.
Bonjour madame Grâce Mabiala, et merci de nous accorder de votre temps. Pouvez-vous nous parler brièvement de vous ?
Grâce Mabiala : je suis ingénieur en raffinage et pétrochimie, actrice socio-politique, membre du parti politique Mouvement Débout congolais (MDC).
Face à sa famille politique, l’union sacrée, Félix Tshisekedi a réaffirmé son rejet de négocier avec le M23. Quel est votre avis sur cette position, surtout dans le contexte des tensions avec le Rwanda et les milices locales ?
Grâce Mabiala: Cette position peut apparaître comme un acte de fermeté et de préservation de la souveraineté nationale. Cependant, elle pourrait se heurter aux réalités de terrain, où un dialogue direct ou indirect pourrait être essentiel pour désamorcer la violence et trouver une solution durable. L’enjeu réside dans le juste équilibre entre l’affirmation de la souveraineté et la recherche d’une solution pacifique, même si elle implique des négociations difficiles.
Selon vous, quelle serait l’approche la plus efficace pour résoudre le conflit avec le M23 tout en préservant la souveraineté de la RDC ?
Grâce Mabiala: La clé réside dans une combinaison de diplomatie multilatérale, incluant les acteurs régionaux et internationaux, et dans un renforcement des capacités militaires et sécuritaires de la RDC pour assurer la stabilité à long terme.
Suite à ce qu’elle qualifie de limites de la diplomatie en RDC, et dans la région des Grands Lacs, la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) a proposé un pacte social pour la paix. Pensez-vous que cette initiative pourrait dépasser les limites de la diplomatie actuelle en RDC et dans la région des Grands Lacs ?
Grâce Mabiala: Cette initiative pourrait effectivement aller au-delà des limites de la diplomatie classique en RDC, qui semble souvent piégée par des rapports de force internes et externes. Un pacte social pourrait offrir une base solide pour une paix durable, en s’appuyant sur l’inclusivité et le dialogue national. Toutefois, sa réussite dépendra de la volonté réelle de toutes les parties prenantes de s'engager dans un processus sincère et de respecter les engagements pris.
À Addis-Abeba, Kabila et Katumbi ont appelé à une large coalition contre la dictature de Tshisekedi quant à la révision de la constitution. Selon vous, cette alliance pourrait-elle ébranler l’autorité du président Tshisekedi à court terme ?
Grâce Mabiala: À court terme, cette alliance pourrait potentiellement fragiliser le président Tshisekedi, en particulier si elle parvient à rallier une partie significative de l’opposition et de la population. Cependant, l’histoire politique récente de la RDC montre que les alliances peuvent être fragiles et que des enjeux personnels et politiques pourraient affaiblir cette coalition. La stabilité de l’autorité de Tshisekedi dépendra de sa capacité à maintenir une majorité politique, tout en consolidant son autorité sur les institutions et l’opinion publique.
Que pourrait signifier une telle opposition pour le paysage politique congolais ?
Grâce Mabiala : Cette opposition pourrait redéfinir le paysage politique en RDC, en renforçant les clivages entre anciens alliés et en réactivant les rivalités historiques. Elle pourrait aussi conduire à une fragmentation supplémentaire de l’opposition, rendant plus difficile la formation d’une alternative cohérente et unifiée. Cependant, cela pourrait aussi impulser un nouvel élan démocratique, à condition que cette opposition soit capable de proposer une vision politique claire et unifiée.
Plus de 1 500 détenus se sont évadés d’une prison de haute sécurité à Maputo, au Mozambique. Quelle lecture faites-vous de cette situation ?
Grâce Mabiala: Cette évasion spectaculaire soulève des questions sur les conditions de sécurité dans les établissements pénitentiaires et la gestion du système carcéral. Elle montre également la vulnérabilité de certaines prisons face aux criminels organisés et souligne la nécessité de réformes structurelles dans le système pénitentiaire. Cela démontre également l’importance d’une vigilance accrue, d’un renforcement des contrôles internes et d’une formation appropriée des personnels de sécurité.
Quelles stratégies peut on envisager pour éviter des situations similaires, dans des établissements pénitentiaires ?
Grâce Mabiala: Il serait crucial d’investir dans des infrastructures pénitentiaires modernes et sûres, d’introduire des technologies de surveillance avancées, et de mettre en place une gestion plus stricte des détenus à haut risque. Par ailleurs, des réformes sur la formation et la supervision des gardiens, ainsi que l’amélioration des conditions de détention, pourraient contribuer à minimiser les risques d’évasion.
Propos recueillis par Nancy Clémence Tshimueneka