RDC : Nouvelle réglementation sur les spectacles vivants, ce qu'il faut savoir pour organiser un événement en toute conformité

Concert de Fally Ipupa au Stade des martyrs (Kinshasa)
Concert de Fally Ipupa au Stade des martyrs (Kinshasa)

La nécessité d'organiser la gestion des spectacles vivants en République Démocratique du Congo, comme activité économique devant assurer le développement des industries culturelles et créatives a motivé la Ministre de la Culture, Arts et Patrimoine Mme Yolande Elebe de réguler ce secteur par la signature d’un Arrêté Ministériel, en date du 28 août 2024 fixant les conditions relatives à l’organisation des spectacles vivants en République Démocratique du Congo.

Ce texte révolutionnaire par ses innovations bien que salué dans le milieu culturel congolais, reste encore méconnu de ses destinataires principaux, ce, par manque des séances de vulgarisation. Nul n’est censé ignorer la loi dit-on, il appartient aux organisateurs de spectacles vivants de s’en approprier et éviter des sanctions.

De manière globale, nous pouvons retenir de cet arrêté le fait qu´il fixe les conditions relatives à l'organisation de spectacles vivants en RDC et les modalités d'intervention du pouvoir public en matière de prévention des risques professionnels.

L'objectif du Gouvernement congolais est de garantir le bon déroulement des activités culturelles et créatives en RDC dans des conditions qui assurent la sécurité publique, la protection civile, la préservation de l'environnement ainsi que le respect des valeurs culturelles (Articles 1er-5).

En effet, en dehors des événements sportifs et politiques, ce texte s'applique aux spectacles vivants produits ou diffusés par toute personne physique ou morale de droit public ou privé qui, en vue de la représentation en public d'une œuvre de l'esprit, organise des activités culturelles dans les espaces publics sur toute l'étendue du territoire national.

Dans la même lancée, l´organisateur ou l'entrepreneur des spectacles vivants est toute personne qui exerce une activité d'exploitation de lieux de spectacles, de production ou de diffusion de spectacles, seul ou dans le cadre de contrats conclus avec d'autres entrepreneurs de spectacles vivants, quel que soit le mode de gestion, public ou privé, à but lucratif ou non, de ces activités.

Il en découle que le droit positif du spectacle en RDC, ne reconnaît désormais que 3 catégories d´organisateurs ou entrepreneurs des spectacles vivants à savoir : (1) les exploitants des lieux de spectacles aménagés pour les représentations publiques, (2) les producteurs de spectacles ou entrepreneurs de tournées, qui ont la responsabilité d'un spectacle et notamment celle d'employeur à l’égard du plateau artistique, (3) les diffuseurs de spectacles qui ont la charge, dans le cadre d'un contrat, de l'accueil du public, de la billetterie et de la sécurité des spectacles.

En dehors de cette nouvelle classification, il y a lieu de préciser tout de même que les structures ayant la charge de l'organisation d'un spectacle vivant peuvent se constituer sous forme de sociétés commerciales ou des associations sans but lucratif, conformément à la législation en vigueur. De ce fait, pour éviter toute usurpation des titres/qualités dans le milieu, nul ne peut se prévaloir de la qualité d'organisateur ou d'entrepreneur de spectacles vivants s'il n'est détenteur d'une licence dûment délivrée par le Ministre de la Culture. Cette licence est délivrée pour une durée d'une année renouvelable et elle est subordonnée à une série des conditions liées à la compétence, l'expertise, la production d'un extrait de casier judiciaire… (articles 16-17).

Par ailleurs, la typologie d'événements selon le nombre des participants, selon la nature de l'événement, selon la billetterie ou selon l´espace (articles 6-10) sont aussi à compter parmi les grandes innovations en ceci que l'autorité administrative compétente ne peut autoriser le spectacle que si et seulement si les organisateurs ont tenu compte de la capacité de l'espace pour mieux permettre la gestion efficace des flux de personnes et l'installation des barrières.

Le Gouverneur de Province, le Maire de la ville , le Bourgmestre de commune sont saisis, chacun en ce qui le concerne, par les organisateurs de spectacles vivants 3 mois avant la date de l'événement aux fins de permettre aux autorités administratives de certifier les installations, les matériels et juger de l'efficacité du dispositif anti-incendie, car la prise en charge sanitaire, la souscription à une police d´assurance sont désormais des conditions sine qua non (articles 23-28).

Au demeurant, si la police nationale congolaise protège la population et ses biens, les organisateurs ou entrepreneurs de spectacles ont l'obligation de garantir la présence de service de sécurité civile (gardiennage) et associer les autorités politico-administratives dans la phase de planification de l'événement. Un plan détaillé des mesures prévues pour la gestion des flux de personnes et des interventions en cas d'urgence doit être élaboré par un professionnel en la matière avant d'être validé par le comité local de sécurité.

Quant à la protection de l'environnement, les organisateurs ou entrepreneurs de spectacles vivants sont invités à prendre des mesures pour minimiser l'impact environnemental lors du déroulement de l'événement notamment par la gestion rigoureuse des déchets, le respect des espaces verts…

Pour mieux comprendre cette nouvelle réglementation, je conseillerai aux organisateurs ou entrepreneurs de spectacles,  de se faire assister par un avocat en propriété littéraire et artistique d'une part et d'autre part, de recourir à un professionnel indépendant en sécurité publique pour  l'élaboration du plan de sécurité du spectacle à soumettre aux autorités politico-administratives, comme l'un des éléments du dossier requis.

Ainsi, comme dans toute société civilisée, les organisateurs des spectacles qui vont se rebeller à la nouvelle réglementation, s´ exposeront à des sanctions telles que  : la suspension momentanée ou l'arrêt immédiat de l'événement, la peine d'amende et/ou d´emprisonnement pour fait des troubles à l´ordre public ou homicide involontaire suivant la législation en vigueur, le retrait de la licence, l'interdiction d'organiser des spectacles dans les futurs pour une période de 3 ans, selon la gravité des faits (article 35).

En gros, telles sont les grandes lignes de la nouvelle réglementation sur l'organisation des spectacles vivants. Maintenant que l'État congolais dispose d'un Centre Culturel digne de ce nom, le Ministère doit veiller à la stricte application de cette norme pour éviter toute forme d'abus. 

Par Glody Muabila

Avocat et Coordonnateur de l’Administration des Droits d’Auteurs au Congo (ADACO)