"Nous continuons à être considérées comme des êtres faibles et facilement manipulables" (témoignages des femmes journalistes à l'occasion de la semaine de l'éducation aux médias et à l'information)

Photo/ Actualité.cd
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Chaque année, la semaine mondiale de l'éducation aux médias et à l'information a lieu du 24 au 31 octobre. Elle est célébrée à l'initiative de l'UNESCO avec la coopération du réseau universitaire Médias et information et dialogue interculturel (MILID) et d'autres partenaires. Le thème retenu cette année est «L'éducation aux médias et à l'information dans les espaces numériques : un agenda mondial collectif.» À cette occasion, le Desk Femme de Actualités.cd a contacté quelques femmes journalistes œuvrant à Kinshasa pour s'enquérir des enjeux éthiques auxquels elles font face dans l'exercice de leur métier.

Toutes les femmes interviewées ont requis l'anonymat.

"Dans le métier de journaliste, nous subissons trop de discrimination et nous sommes exposées à toute forme de violence (même sexuelle)." Nous sommes appelées à conjuguer beaucoup plus d'efforts alors que les hommes ne le font pas nécessairement pour s'affirmer. Nous continuons à être considérées comme des êtres faibles manipulables facilement. Nous courons bien plus de risques lorsqu'il s'agit d'entrer en contact avec certaines sources d'information. La RDC est dotée certes des lois qui règlementent toutes ces situations, mais sur le terrain, c'est tout le contraire," déplore une journaliste de Prochannel Télévision. 

"Le journalisme est un monde rempli d'anti-valeurs au regard du respect des droits de la femme. Les hommes continuent à nous chosifier. Ce n'est pas facile pour une femme journaliste d'intégrer certains milieux. On est exposé à des violences sexuelles, psychologiques et morales. "Il y a encore du travail à faire en ce qui concerne le respect des droits de la femme", confie une journaliste de Antenne A Télévision. 

" Le journalisme n'est pas un métier facile pour nous. » L'accès aux sources d'information qui constitue la base de ce métier est parfois compliqué. Et même lorsque les sources sont disponibles, par moment ils se retiennent de répondre à nos préoccupations. Ce qui nous amène parfois à traiter certaines questions superficiellement par manque d'accès aux sources ou par crainte d'être interpellées, arrêtées, menacées. Ça prouve que nous ne sommes pas du tout libres. Nous exerçons ce métier avec beaucoup de difficultés liées au déplacement pour aller sur le terrain, et des difficultés à s'affirmer parmi les collègues hommes, s'est indignée une autre journaliste."

Et d'ajouter :

"En tant que femme, on devrait avoir un congé menstruel, et même de maternité. Malheureusement, dans notre contexte, on nous oblige à travailler durant toutes ces périodes et lorsqu'on essaie de prendre congé, c'est une bonne partie du salaire qui part. À ceci s'ajoutent différentes appréhensions de la société sur les femmes des médias qui sont parfois prises pour des prostituées, des personnes immorales."

Pour une journaliste de Radio de la femme, le seul obstacle de la femme journaliste, c'est la femme elle-même.

"Les obstacles dans ce métier sont les mêmes pour les femmes et pour les hommes. » C'est à la femme de donner le meilleur d'elle comme le fait l'homme en lieu et place de traîner au quotidien dans des futilités qui n'ont rien à voir avec le travail pour ensuite faire la victime. La femme doit se réveiller et prendre son destin en mains au lieu d'attendre que tout lui soit servi sur un plateau", conseille-t-elle.

Selon une enquête menée par l'Unesco et le Centre international des journalistes (ICFJ, International Center for Journalists) en fin 2020, 73 % des femmes journalistes ayant participé à l'enquête ont déclaré avoir subi des violences en ligne dans l'exercice de leur métier. Elles ont été confrontées à des violences physiques et sexuelles et des violences à l'encontre de leurs proches.

20 % ont déclaré avoir été attaquées ou agressées hors ligne en relation avec la violence en ligne dont elles avaient été victimes. 4 % ont déclaré s'être absentées de leur travail par crainte que les agressions en ligne ne se propagent hors ligne.

La Semaine mondiale de l'éducation aux médias et à l'information est pour les parties prenantes du monde, une occasion majeure pour sensibiliser afin d'accroître l'adoption nationale et célébrer les progrès accomplis en matière d'éducation aux médias et à l'information pour tous. 

L'accent mis sur les espaces numériques cette année donne l'occasion d'explorer des pistes pour renforcer la coopération multilatérale avec les plateformes numériques et d'autres parties prenantes dans l'intégration de l'éducation aux médias et à l'information dans les politiques, les opérations et les produits. 

Nancy Clémence Tshimueneka