Slam : sortie de l’album “Autorité orale” de microMEGA, le concert de présentation prévu ce samedi

MicroMega à Brazzaville
microMEGA à Brazzaville/Ph. droits tiers

L’artiste Slameur congolais microMEGA Le Verbivore a rendu public, il y a peu, son premier album slam dénommé “Autorité orale”. Dans les quatorze (14) titres, il aborde des sujets tournant autour de l’existence de l’homme, ses relations avec les autres et la nature. Politique, immigration, environnement, panafricanisme, bien des sujets mis en poésie pour être écoutés. L’album est sur toutes les plateformes de téléchargement légal.

microMEGA, déjà auteur de deux (2) recueils de slam « Au clair de ma voix » et « Rimes Nationales », des livres à lire avec les oreilles ; revient sur son album dans cet entretien accordé à ACTUALITÉ.CD, à la veille de son concert prévu ce samedi 10 décembre, à 18h, à l’Institut Français de Kinshasa. L’entrée est libre.

ACTUALITE.CD : L’album « Autorité orale » a vu le jour, le premier de votre riche carrière, qu’est-ce qu’on se dit ? Enfin une œuvre qui restera longtemps ?

microMEGA : J'espère qu'elle restera longtemps. J'écris toujours mes œuvres dans l'idée qu'elles puissent résister au temps. C'est vrai que quand j'écris sur l'actualité à l'occasion de mes passages à la radio, j'écris souvent sur les évènements, ce qui peut donner aux textes une portée éphémère, mais j'ai toujours le projet de les inscrire dans une œuvre plus durable qui les relie aux thèmes permanents de notre société et de notre monde, et très souvent j'aime écrire sur les thèmes de l'actualité dont il est question et non sur de simples événements qui passent.

L’album compte 14 titres. Est-ce la diversité des thèmes abordés qui fait de vous cette autorité orale ?

Autorité Orale est, bien sûr, l'un de mes surnoms, mais c'est surtout l'esprit général de l'album. Parce qu'il traite de problèmes internationaux actuels, qui pour moi résultent d'une seule crise majeure : le conflit du leadership entre l'Occident (USA, France, Grande-Bretagne, etc), et l'Orient (Russie, Chine, etc). Donc j'ai construit l'album autour de cette question principale : qui doit être l'Autorité Orale ? C'est-à-dire qui doit être celui dont la voix fait la loi ? Qui est-ce que le monde doit écouter plus que les autres ? Parce que je pense que la crise du monde vient justement du fait qu'il n'existe pas une voix qui est censée primer sur les autres.

Les humains n'ont, naturellement, aucun chef qui doit dominer sur tout le monde, c'est pour cela que ceux qui règnent sur les hommes le font souvent par la force. C'est vrai que la plupart des pays utilisent la démocratie pour élire leurs dirigeants, mais comment choisir ceux qui vont diriger même les dirigeants des autres ? C'est compliqué et c'est le nerf de la crise. Ainsi donc, quelle que soit la puissance d'une Nation, il y aura toujours une autre Nation pour la contester et lui résister. Autorité Orale est donc beaucoup plus une question de manque qu'une question de présence.

Vous avez souvent fait vos Slams sur les réalités de la société congolaise, mais cette fois vous proposez des textes qui parlent à un public plus général et plus large ! Comment expliquez vous cela ?

J'ai commencé cet album lors de mon voyage en Belgique en juillet 2019, car c'est là que j'ai rencontré Thierry Van Roy qui l'a produit. En effet c'est son épouse, Christine Van Acker qui me l'a présenté et au début c'était juste question qu'il m'aide à enregistrer quelques morceaux. Pour cela j'avais choisi des morceaux qui traitent des sujets internationaux tels que la pollution, l'exil, les relations entre l'Afrique et l'Europe. Ce n'est qu'après mon retour à Kin que Thierry a composé des musiques pour les 4 morceaux que j'avais enregistrés et m'a proposé qu'on fasse l'album si je voulais. C'est ainsi que j'ai continué à écrire sur des thèmes internationaux.

Et cela pour deux raisons, pour pouvoir parler aussi à d'autres francophones en dehors de l'Afrique, mais aussi parce que j'ai remarqué que souvent nous autres Africains, sommes obligés de traiter de sujets concernant exclusivement nos communautés, pendant ce temps les Occidentaux traitent de problèmes qui gouvernent même nos destinées, comme l'avenir de la Terre, les voyages dans l'espace, la psychologie, etc. Alors je m'étais donné comme exercice de sortir de cette "zone de confort" où nous place notre inconfort.

Mais c'est aussi parce que, lorsqu'il m'est arrivé de slamer en France et en Belgique, j'ai personnellement ressenti la plupart de mes textes comme non exportables mais assez locaux. Et il fallait changer la donne. Pour donner un exemple concret, le slam "Quand on s'aime", est un ancien texte que j'ai écrit en 2013. Mais si je l'ai rajouté dans l'album c'est parce qu'il a été très aimé en Belgique. Donc j'ai fait mon album selon les échos de mes textes ailleurs qu'en Afrique, pour qu'il ne parle pas qu'aux Africains.

Il y a des titres qui parlent de la politique et ses travers, ce qui est à priori votre sujet préféré, quel est l’idéal pour vous dans la gestion d’un Etat ?

Je ne suis pas un spécialiste de questions administratives etc, mais à mon humble avis, l'idéal dans la gestion de l'État c'est le suivi et l'application de la constitution et de toutes les lois établies pour tous les domaines. Il faut que tous ceux qui sont censés faire respecter ces lois soient sévères et que le peuple tout entier soit conscient que c'est pour l'avancement du pays que toutes ces lois existent. Il faut pour cela principalement, bien payer les agents de l'État et lutter contre la corruption, l'impunité et le laxisme. Être sérieux dans l'application des amendes et dans le suivi de l'argent du trésor public qui ne doit pas dévier vers des poches endiablées. Bref, que nul ne soit effectivement au-dessus de la loi.

En RDC, les élections approchent, est-ce l’occasion ou il vous est déjà passé à l’esprit, l’idée de vouloir accéder la gestion à un certain niveau pour donner un vent nouveau à la classe politique ?

Personnellement je ne souhaite pas jouer un rôle actif dans la politique. Je ne voudrais pas tenter de "changer le système de l'intérieur". Je préfère rester artiste et agir dans mon domaine d'une manière ou d'une autre car il y a beaucoup à faire pour participer au développement du pays, en dehors de la politique.

Et quel message pouvez-vous particulièrement passer sur la situation de la RDC, sur le plan social et sécuritaire en ce moment ?

Pour la RDC je dirai personnellement qu'on ne devrait pas compter sur la communauté internationale car, comme je disais dans un texte, si l'Occident voulait nous aider il l'aurait fait depuis l'époque coloniale. Ça fait 60 ans que l'Afrique soi disant indépendante regarde à l'Occident, mais rien ne change. Lorsqu'une méthode ne donne pas de résultats il faut en essayer d'autres c'est clair. La RDC doit être consciente qu'elle est tellement riche qu'il y a beaucoup de jaloux autour de nous, il faut surtout être sérieux avec nous-mêmes, commencer le développement du pays car si nous sommes puissants économiquement même nos frontières deviendront fortes, on le voit avec d'autres pays comme les USA etc.

Pour revenir à l’album, vous avez un titre dénommé Jacksonisation. Peut-on dire que vous êtes sur une revendication identitaire à l’africaine ?

Jacksonnisation, c'est déjà comme je l'ai dit plus haut, nous sommes souvent obligés à ne parler que pour nos communautés, pendant ce temps-là les Occidentaux traitent de tous les problèmes qui président à la destinée de toute l'humanité, donc j'ai voulu par ce morceau exprimer ma lutte contre cette condition. En général j'ai défini la Michaël-Jacksonnisation comme le fait de changer pour être accepté au lieu d'être accepté comme on est. Par exemple le fait de devenir plus clair de peau, ou plus occidentalisé dans ses manières, c'est dangereux car ça lutte contre la diversité dans l'humanité, et ça tue l'originalité et les valeurs de certaines minorités, et de certains peuples dominés.

Il y a aussi des messages historiques liés notamment à la colonisation européenne en Afrique, que voudriez-vous que vos auditeurs retiennent à ce sujet ?

Que l'Afrique doit comprendre que tant qu'elle imite l'Occident, elle restera derrière. Donc il faut faire un choix : soit on imite l'Occident et on est conscient qu'on va rester en arrière mais on l'accepte. Soit on cherche à promouvoir nos vraies valeurs pour être effectivement indépendants, c'est pas facile, mais il est important d'avoir premièrement une vision exacte de ce qu'on veut, avant de lutter pour y parvenir.

Il y a également des textes qui parlent de l’environnement dont la question touche la planète entière. Mais vous culpabilisez l’homme dans ses relations avec la nature, voire avec les autres hommes.

Concernant l'environnement je ne culpabilise pas l'homme mais je le pointe du doigt car il est l'être le plus intelligent de la planète, mais aussi le seul capable de se pervertir et de détruire son propre environnement.

Vous avez également parlé de l’Afrique, mais dans un sens pleurnichard ; de l’égalité entre les genres, de vos rêves, de votre vie, votre mère, l’immigration. Avec quoi vous n’êtes pas d’accord en vrai ?

L'Afrique dans un sens pleurnichard oh (rires !). l'Afrique dans le sens de pointer du doigt ce qui nous dérange car identifier le problème c'est la première étape de la solution. Avec quoi je ne suis pas d'accord ? Je pense que c'est très important avec ma plume, d'arriver à dénoncer ce qui ne va pas. En plus j'ai voulu parler aussi à l'Afrique parce que nous sommes à mon avis les premiers responsables de nos échecs.

Le concert de présentation de l’album aura lieu à l’institut Français de Kinshasa, à quoi peut-on s’attendre ?

Je vais interpréter sur scène 10 morceaux sur les 14 de l'album. Ils seront joués en semi-live, c'est-à-dire avec des instru plus guitare et batterie en live. Il y aura aussi de la chorégraphie sur certains morceaux. Mais actualité oblige, je vais aussi déclamer un slam sur l'insécurité persistante à l'Est de la RD Congo.

Propos recueillis par Emmanuel Kuzamba