Achille Mbembe à la biennale de Kinshasa: « il nous faut travailler à defataliser l’avenir, renouer avec l’idée de gagner »

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Son dernier essai « Brutalisme », qui parait dans les éditions « La Découverte », fait échos d’un monde qui devrait se refonder en solidarité avec l’ensemble du vivant. Dans l’oeuvre d’Achille Mbembe, le thème des utopies réalistes est très présente, surfant sur cette idée, l’intellectuel prêche notamment le réenchantement de l’Afrique. 

Il a repris avec brio cette idée devant la centaine de kinois qui ont participé mardi à sa conversation avec la philosophe Nadia Yala Kisukidi au Centre culturel Mont des arts, à Kinshasa. 

Illustre penseur de l’ère post-coloniale, Achille Mbembe a d’abord rappelé les plaies de l’Afrique.

« Notre histoire est aussi celle des pertes, la perte des choses précieuses. Aucun autre peuple n’a perdu comme nous. Le monde n’aura pas été juste avec nous. Le plus étonnant, et peut-être la grande question philosophique et esthétique aujourd’hui », a t-il dit sur le podium de Yango II, la biennale de Kinshasa.

Malgré sa lourde histoire, l’Afrique est un géant, un étendu immense et pluriel par rapport aux autres continents,  a t-il soutenu. Forte de ses atouts historiques, le continent devrait porter l’espoir d’une humanité à retrouver.

« L’Afrique est le pays natal de l’humanité. C’est ici que l’humanité a appris a appris à parler. C’est ici que l’humanité s’est mise debout pour la première fois (…). C’est maintenant qu’il faut le rappeler. Cela implique une grande responsabilité. La responsabilité de l’Afrique envers l’humanité. Nous avons été dépouillé de nous même. Et ça continue aujourd’hui. Cette longue histoire de ponction, de prédation et de corruption, continue. La question, c’est comment renouer avec l’idée de gagner. La possibilité pour le continent africain de vaincre avec raison », a t-il soutenu.

Pour lui, c’est possible de procéder par ce réenchantement pour retrouver le sens de la marche.

« L’Afrique est une réserve des puissances, mais elle est aussi une puissance en réserve. Par conséquent, l’une des questions aujourd’hui, c’est comment réveiller cette puissances (…). Le réenchantement peut commencer parce que nous avons. Par exemple, la musique qui vient de ce pays est extra-ordinaire. J’ai écrit « la post colonie »  en écoutant la musique congolaise la nuit. On pouvait sentir cette puissance », a t-il ajouté.

Il a plaidé pour des actions qui permettent de travailler à « defataliser l’avenir". 

« Ceci suppose à renouer avec la politique d’espérance par opposition à la politique s’effondrement. Nous pouvons commencer par abolir les frontières issues de la colonisation. Pendant les 15 premières années, nous pouvons d’abord commencer à faciliter la circulation sur le continent pour les Africains. Le modèle de l’Ethiopie peut nous inspirer. Il faut faire en sorte que les africains ne soient pas étrangers en Afrique. La mort d’un jeune africain en Méditerranée, dans l’Est du Congo ou dans le désert de Sahara devrait nous scandaliser », a t-il soutenu. 

Pour le contexte, les premiers ateliers de la Biennale Yango II se déroulent à Kinshasa du 4 au 6 février. Cette première phase s’articule autour du questionnement des multiples transformations de l’art contemporain dans le contexte congolais. 

Cette biennale se construit autour de trois mouvements : deux sessions d’ateliers, en février et en juin 2020, le mois de la biennale en janvier-février 2021. A noter que la première édition fut pensée et initiée en 2014 par l’artiste Kiripi Katembo.

Vous pouvez écouter l'interview accordée à ACTUALITE.CD ICI

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