RDC : « Handicap Mental », un projet d’art thérapie pour soigner les malades mentaux au CNPP

projet handicap mental
Ph. ACTUALITE.CD

Dans le cadre du projet dénommé “Handicap Mental”, une série d’ateliers est organisée épisodiquement au sein du Centre Neuro Psycho Pathologique (CNPP) depuis 2019 avec les patients souffrants de maladies mentales. Ils sont exercés à l’art thérapie, produisant des dessins ou faisant de la peinture, à expression libre ou par reproduction, cela pendant environ 4 heures dans la journée en guise d’ergothérapie.

La récente session de ces ateliers d’art thérapie s’est tenue la semaine du 13 au 18 juin 2022. ACTUALITÉ.CD a pris part à la séance de clôture, samedi dernier.

CNPP, le plus ancien hôpital qui traite les maladies mentales dans la capitale congolaise enregistre, depuis 3 ans, des ateliers d’art thérapie, supervisés par le personnel soignant, infirmiers et ergothérapeutes mais aussi et surtout des artistes de l’académie des beaux-arts. Ceci dans le cadre du projet “Handicap Mental”, porté par l’Asbl Losa que dirige l’artiste peintre Géraldine Tobe.

Ce samedi 18 juin, c’était la clôture de l’atelier qui a débuté lundi 13 juin, au Pavillon Ouvert pour Femme (P.O.F), avec près de 20 malades mentaux, en pleine réhabilitation sociale. Leur situation est en amélioration et sont quasiment prêts à regagner la société et reprendre la vie normale, selon les explications du Docteur Thierry Lukeba, Neuropsychiatre rencontré sur place.

Il fait savoir que parmi les thérapies utilisées, mis à part les médicaments, la chimiothérapie, il y a la thérapie psychologique dans laquelle se trouve l’ergothérapie qui regorge l’art thérapie. « Nous avons toujours tenu cette activité mais il eut un temps où nous avons arrêté faute de moyens », a indiqué le Docteur Thierry.

Concentrés, appliqués et concernés, les patients se livrent pour le sixième jour de suite à des exercices de dessin dont ils acquièrent la maîtrise et qui font naître le goût. De quoi réjouir le personnel qui les suit au quotidien, à l’image de Charles Malamba, ergothérapeute depuis une vingtaine d’années au CNPP, également ancien de l’académie des beaux-arts.

« Il y a une très grande différence. Quand il n’y avait pas l’atelier, ils étaient figés, chacun dans son petit coin. Depuis que nous avons commencé, on sent la vivacité. Même dans leurs dessins, il y a une très grande évolution depuis le premier jour jusqu’à aujourd’hui », dit-il.

Regroupés autour de 3 tables, avec 5 patients chacune ou un peu plus, ils dessinent ou peignent des animaux, la nature, un masque, des fleurs, de simples figures géométriques et bien d’autres sur proposition des superviseurs ou par expression libre des patients, parmi lesquels un est ancien de l’école d’application de l’académie des beaux-arts. Les malades produisent généralement un dessin par jour, mais les plus aptes en font plus.

Quant à l’efficacité du traitement à travers l’art, l’ergothérapeute Charles Malamba fait savoir qu’avec le dessin, le malade s’identifie bien, une discipline se crée ainsi que la maîtrise de soi. Le dessin sert, d’une manière, à se défouler, dans ses problèmes, ses inquiétudes. Les psychologues utilisent ces représentations pour orienter le traitement à administrer, ajoute Brigitte Sawudi, infirmière neuropsychiatre, du haut de sa vingtaine d’années d’expérience.

« L’art, c’est l’extériorisation de l’intériorité. Le dessin est un langage, quand le malade dessine, il s’exprime. A partir de là, avec des encouragements, il peut reprendre son esprit. C’est la thérapie occupationnelle. Le patient se sent valable, il se découvre, il sent comme une maîtrise en soi et récupère sa personnalité », affirme l’ergothérapeute Charles Malamba.

A Géraldine Tobe, artiste peintre qui dirige ces ateliers, d’ajouter que l’art est une façon de se manifester.

« Généralement l’art ouvre l’esprit. L’art est très important dans le milieu psychiatrique parce que quand on dessine, on peint, c’est une façon de se manifester. L’artiste est comme une sorte d’éponge qui absorbe les choses, les traumatismes, les problèmes, les inquiétudes et qui les traduit à travers des dessins », a-t-elle dit.

L’art thérapie a déjà réussi à guérir des patients ? Oui, nous a répondu le Docteur, l’ergothérapeute ou encore l’infirmière, tous avec plus de 15 ans d’expérience. Reste encore à faire ses preuves sur ces patients dont certains sont hospitalisés au CNPP depuis 2012 sur ordre de l’ancien gouverneur de la ville de Kinshasa, André Kimbuta, lorsque la ville accueillait le quatorzième (XIVème) sommet de la francophonie.

A part les corps médicaux et les artistes dans la supervision, Jeampy Kabongo, cinéaste et photographe, parcourt avec sa caméra, ce local aménagé en mars 2021, spécialement pour recevoir ces ateliers d’art thérapie. Cette initiative de l’Asbl Losa, en partenariat avec le CNPP, a reçu le soutien du Musée Royal de l’Afrique Centrale qui se trouve à Tervuren, en Belgique.

Jeampy Kabongo documente le projet depuis le début. Il filme l’évolution des malades dans l’art thérapie pour en faire un film documentaire.

« L’idée c’est réaliser un film documentaire. Derrière ça, on aimerait ramener ce qu’on a expérimenté ici dans notre cité. Comme moi, beaucoup de kinois ont une façon de voir un malade mental et surtout aussi le CNPP », a-t-il souligné.

Ce documentaire déjà titré “A buakama” comme pour dire le rejeté, aura pour mission de montrer à la société que ces gens, rejetés par leurs familles pour la plupart, sont encore utiles. Malgré quelques anomalies dans leurs réflexions, ils ont des habiletés qui peuvent servir la société.

Le souhait des personnels soignants voire du Docteur est que ces ateliers continuent. Qu’ils soient réguliers, même deux fois par semaine pour occuper les malades. La disponibilité des matériels, des personnels, des artistes constitue la charnière pour la régularité de cette initiative. Pour leurs parts, les patients sont permanents.

Emmanuel Kuzamba