Entreprenariat culturel: Michaël Kalamo propose un centre dédié à la culture à Sake

Entreprenariat culturel: Michaël Kalamo propose un centre dédié à la culture à Sake

Mettre en scène des artistes, proposition de solutions pérennes qui prennent en compte les espoirs des jeunes tout ceci sur fond de production artistique, voici le programme fastidieux que  propose #UhuruNetwork dans un nouveau centre culturel, à Sake, une localité du territoire de Masisi dans le Nord Kivu. Michael Kalamo est l'initiateur projet dont il livre les grandes lignes au Desk culture d'Actualité.cd

Bonjour Monsieur Michael Kalamo et merci de répondre aux questions de ACTUALITE.CD. Vous avez récemment ouvert un centre culturel des jeunes dans la localité de Masisi au Nord Kivu. Quels en sont les objectifs ? 

Michael Kalamo : Nos objectifs sont de pouvoir rendre autonome nos communautés. Avoir une jeunesse congolaise active, formé et informé, capable de se prendre en charge et résoudre les différents problèmes qui nous atteignent et nous affaiblissent sur le long terme. Il y a tellement des choses qu’on est capable de résoudre par nous-même mais qui s’aggravent au fil du temps à cause de la négligence ou par le fait de croire que la solution ne pourra venir que de l’extérieur.

Qu’est-ce qui motive le choix de la création d’un centre « culturel » dans cette localité ?  

Michael Kalamo : De par son Histoire, Masisi a souvent été le cœur des conflits de l’Est du Congo. Sake, la localité la plus proche de Goma a souvent été la porte d’entrée ou de sortie des conflits, des guerres, des rebellions, etc. En mettant le centre à Sake, nous l’utilisons cette fois comme une porte d’entrée de la culture et l’esprit critique, sans quoi la jeunesse se laisse facilement manipuler. Mais aussi l’entrée de la thérapie que véhicule l’art. Nous ne pouvons pas vivre 27 ans de guerre et rester un peuple normal. Pourtant on n’en parle pas du tout. 

« Uhuru » le nom du centre signifie « Liberté » en français. Que vouliez-vous dire par cette dénomination ? 

Michael Kalamo : Le nom du centre est Uhuru Knowledge Center, en français on dirait le Centre de la liberté du savoir. Le choix du nom est lié au fait que le savoir est libre, le savoir est dans l’autre, dans la discussion, dans les rencontres, dans les voyages, le vécu mais aussi dans les livres. La liberté du savoir, puisqu’à ce siècle, seule la volonté compte pour acquérir une connaissance. Et nous sommes un peuple libre. On expérimentera mieux notre liberté seulement en possédant le savoir, en comprenant l’être et son entourage. Ce qui pousse au respect de toute chose puisqu’on comprendra que la différence est finalement une richesse. 

Avez-vous élaboré un programme d’activités qui seront organisées dans ce centre ?

Michael Kalamo : Oui, nous avons trois programmes: l’Education civique, la Résilience économique ainsi que l’Art et la Culture. Concernant l’aspect éducation, nous avons commencé depuis 2019 avec une grande campagne de sensibilisation à travers les théâtres, les projections des films et la sensibilisation contre la maladie à virus Ebola dans plusieurs écoles. Nous avons aussi organisé des concours qui ont permis aux gagnants (8) de bénéficier d’une bourse scolaire d’une année. Nous avons également une bibliothèque (bien qu’elle nécessite un renforcement) et une salle de formation. Dans le volet Résilience économique, nous voulons travailler avec des jeunes entrepreneurs et ceux qui pratiquent des petits commerce (Mamans commerçantes et autres). Pour ce qui est de l’art et la culture, nous avons décidé ensemble, avec les jeunes de Sake, de lancer le centre avec des expositions pendant deux semaines (du 15 au 29 novembre) dénommées #UhuruNetwork qui visent la connexion entre les artistes de Sake et de Goma pour promouvoir les talents et favoriser les échanges entre les jeunes des différentes communautés. 

Quels moyens comptez-vous mettre en place pour la mise en œuvre de ce programme et pour qu’il résiste au temps ? 

Michael Kalamo :  Pour les moyens, nous avons une équipe des bénévoles du centre et nous collaborons avec des organisations qui œuvrent dans le même domaine pour donner à nos formateurs le niveau qu’il faut pour pouvoir se dupliquer dans la communauté et au final avoir nos propres formateurs. Et pour résister au temps, nous ferons en sorte que tous les acteurs du centre viennent de la communauté locale. Ce sont des acteurs de la communauté qui élaborent la mise en action du programme. Ils savent déjà ce qu’ils font, on intervient juste pour mieux s’organiser mutuellement et mieux communiquer. 

Il y a actuellement en RDC, de nombreux projets qui placent les jeunes au centre de leurs activités. Entrepreneuriat, Leadership, Mentorat, et bien d’autres thèmes. Qu’est-ce qui explique cet engouement autour de la jeunesse congolaise ?

Michael Kalamo : Le fait est que nous avons des besoins qui ne sont peut-être pas dans l’agenda de la République. La jeunesse et les organisations des jeunes s’actualisent mais les institutions étatiques ne s’actualisent pas. Nous avons peur, nous essayons de « nous » venir en aide en devenant conscient de ce qu’on risque si on reste statique ou si on attend de l’aide extérieur. Cet engouement s’explique par l’inquiétude commune de cette jeune génération.  Si on ne pense pas notre avenir, personne ne le fera. Et lorsqu’ils s’y intéressent, ils nous donnent moins que ce qu’on espère. 

Quelle sera alors votre particularité en tant de Uhuru ?

Michael Kalamo : En tant que Uhuru, comme je l’ai dit précédemment, la particularité sera simplement le fait d’élaborer des solutions qui nous ressemblent. Passer par des gens avec lesquels on a une histoire commune. Des solutions qui prennent en comptes nos inquiétudes et nos espérances entant que jeunes. 

Vous êtes entrepreneur et vos activités sont pour la plupart basées à l’Est. Comptez-vous élargir vos actions à d’autres provinces du pays ?

Michael Kalamo : Nous n’avons pas assez des moyens mais nous savons que la force sur laquelle nous pouvons compter c’est la volonté des autres jeunes que nous invitions à collaborer avec nous. C’est un programme élaboré au Congo par des congolais. Il peut très vite s’adapter à d’autres milieux. Pour aller dans d’autres provinces, nous ferons simplement des collaborations avec d’autres centres et initiatives des jeunes comme nous le faisons déjà avec Bukavu Explorer. 

Quel message adresserez-vous à tous les jeunes qui liront cet article ?

Michael Kalamo : Soyons prêt pour l’avenir. Ce qu’on n’a pas rêvé on ne le vivra pas. Ce qu’on rêve, on doit le prévoir et l’entretenir. Le succès ou l’échec se construit graduellement. 

Les spectacles  initiés par le centre culturel Uhuru se poursuivent jusqu’au 29 novembre de 10 heures à 18 heures. Actuellement l’exposition de Jospa Mahamba qui exprime son regard sur la société à travers un message artistique abstrait, laissant la place à l’imagination pour une lecture libre et passionnée est visible. Ses réalisations sont conçues comme des hommages à la tradition. Il déforme et déstructure les écorces du bananier, les mettant en mouvement dans les traces volontairement complexes sur du triplex, pour donner douceur du sujet et force à l’action de ce dernier.

Propos recueillis par Prisca Lokale