FICKIN 2020 : «ce festival est un miroir, il démontre que les Congolais veulent consommer du cinéma» Henri Kalama Akulez

FICKIN 2020 : «ce festival est un miroir, il démontre que les Congolais veulent veulent consommer du cinéma» Henri Kalama Akulez

 Parrain de cette 7ième édition, le professeur Henri Kalama Akulez, directeur général de l’Académie des Beaux-arts nous a accordé un entretien exclusif. Il revient  notamment sur les questions essentielles liées au domaine culturel en RDC.

Bonjour Professeur Henri Kalama Akulez et merci de répondre à nos questions. La septième édition du FICKIN s’est tenue du 10 au 14 novembre sur le site universitaire que vous dirigez. En tant que parrain, quel sentiment vous a animé tout le long de l'évènement?

Henri Kalama Akulez : Bonsoir et Merci. En tant que parrain de la septième édition, j'ai partagé ce privilège avec un estimé grand-frère, le président Jean-Claude Eale. Parrainer, c’est accepter une charge, c’est accompagner. Je me dis que le cinéma est un excellent moyen pour définir un peuple. C’est un miroir. J’ai accepté cette charge pour donner de ma personne en termes de conseils, des moyens aussi modestes que possible. Il y a certes beaucoup de personnes qui ont énormément d’expérience et de moyens et qui pourraient faire mieux que nous au cours des prochaines éditions. Il fallait faire le premier pas.

Quel bilan dressez-vous de cette édition ?

Henri Kalama Akulez : en 2019 lors de la sixième édition, j’ai présidé un jury .Je peux vous dire qu’il y a une grande amélioration en termes de couleurs, de communication, de la production cinématographique, d’engouement (…) je crois que le festival est entrain de prendre corps. Je peux déjà espérer que la huitième édition sera meilleure que celle-ci. Je suis assez satisfait d’avoir vu des familles entières accourir à l’Académie des Beaux-Arts pour ne pas rater la projection d’un film, parce qu’elles se disent qu’il y a des choses qu’elles ne verront jamais à la télévision, des films inédits, c’est une fierté .

Selon vous, que représente une telle activité pour Kinshasa et la RDC ?

Henri Kalama Akulez : c’est une activité culturelle pour Kinshasa et pour la RDC. Et la culture, on ne le dira jamais assez, c’est un capital. Autant que le commerce, il faut savoir le fructifier, il faut multiplier les activités culturelles, les espaces d’expressions. FICKIN est  un miroir, il démontre que les Congolais veulent faire du cinéma, qu’ils veulent consommer du cinéma. FICKIN suscite des vocations, on y retrouve des jeunes qui veulent devenir réalisateurs, acteurs, producteurs des films. C’est en organisant des festivals comme ceux-ci que l’on peut reconnaitre, honorer, récompenser toutes les personnes qui ont travaillé durement, avec honnêteté, dignité et fierté dans ce secteur depuis des longues années. Ces personnes doivent se sentir valorisées parce que leur métier est reconnu. C’est un grand festival qui mérite de bénéficier d’un soutien étatique.

  Dans votre discours d’ouverture, vous avez précisé je cite « bien que des difficultés demeurent, j’émets le vœu de voir cette initiative connaître un grand succès ». Pouvez-vous nous énumérez quelques-unes de ces difficultés ?

Henri Kalama Akulez : je ne parlerai pas en termes de difficulté. Souvent lorsque les gens parlent des difficultés, ils font principalement allusion aux finances. Je pense plutôt qu’en termes de défis, il faudrait qu’il y ait beaucoup de partenaires, des sponsors, des médias, des personnes qui acceptent d’accompagner ce festival. Si les organisateurs doivent faire déplacer 20 cinéastes, ils doivent aussi payer leurs billets d’avion, les loger dans des conditions décentes. Et si des moyens sont mis ensemble, en termes de finances ou de couverture médiatique, cela va faire que chaque année, ce festival puisse grandir en impact et crédibilité.

   Vous avez également appelé à l’implication de « tous les amis de la culture ». Quel devrait être leur apport dans cet évènement ? 

Henri Kalama Akulez : c’est très simple. Pour accueillir ce festival, c’est un site qui est mis à disposition. Un site suppose des moyens. Mais lorsqu’on reconnait que c’est un jeune festival, qu’ils n’ont pas assez de budget pour la location de l’espace, il faut que des partenaires tels que l’Académie des Beaux-arts accepte de l’accueillir gratuitement, il faut que des partenaires comme l’Institut Français de Kinshasa donnent soit de l’espace aussi, de la sonorisation, l’écran ou tout autre moyen. C’est-à-dire que tous ceux qui sont capable d’apporter des moyens financiers  puissent le faire. C’est de cette manière que l’on peut travailler en synergie.

En dehors du FICKIN, quels autres défis entourent le secteur de l’art et de la culture en RDC ?

Henri Kalama Akulez : le premier défi, c’est de pouvoir réconcilier l’homme congolais avec lui-même, avec la manière dont il se perçoit. Il y a une citation de Malcom X qui dit « (…) Qui vous a appris à détester ce que Dieu a fait de vous ? » Nous devons être capable de nous définir par nous-mêmes. Dire que nous sommes un grand peuple, que le plus important n’est pas de savoir qui nous étions ou qui nous sommes. Mais plutôt, qui nous voulons devenir. Parce que le futur nous appartient. Le défi culturel passe par là. Autrefois, ceux qui évoluaient dans le secteur du cinéma étaient perçus comme venant d’une autre planète. Cette perception a changé au fil des ans mais il y a vraiment un travail pédagogique à faire.

Le gouvernement congolais a-t-il aussi un rôle à jouer dans la promotion de l’art et la culture en RDC ? Que devrait-il faire concrètement ? 

Henri Kalama Akulez : je suis la continuité du gouvernement parce que je suis mandataire de l’Etat. A ma manière, j’essaie de faire ma part. (…) Peut-être qu’ils (les cinéastes Ndlr) devraient aussi aller voir différents ministères selon les charges qui leurs sont confiées, essayer de les intéresser pour qu’ils apportent leur soutien. Je pense aussi que c’est un problème de perception. Il y a des gens qui ont des moyens mais qui ne savent pas pourquoi ils devraient investir dans le cinéma. Ce sont les conseillers qui doivent jouer ce rôle auprès de chaque autorité. Au Nigéria comme ailleurs, il y a des personnes qui ont fait le premier pas et les autres ont suivi. 

Alors un dernier mot ? 

Henri Kalama Akulez : je voudrais féliciter les organisateurs de ce festival qui sont jeunes. J’ai beaucoup d’admiration pour eux parce qu’ils auraient pu faire autre chose. Être artiste, c’est consacrer beaucoup de temps et d’énergie pour créer. Mais dépasser le niveau de la création, devenir administrateur, organiser un évènement pour faire vivre son secteur, c’est plus un engagement citoyen. Voilà pourquoi j’ai accepté de les accompagner. Je souhaite bon vent à cette aventure qui un jour deviendra une rencontre incontournable dans la sous-région. Qu’à travers cette rencontre, on découvre à la tV des films diffusés pour la première fois au FICKIN, qu’il devienne aussi un marché, à l’instar de FESNACO où les gens viendront vendre leurs films.

En outre, le professeur Henri Kalama Akulez est le dixième directeur général de l’Académie des Beaux-arts, le plus jeune à occuper ce poste jusqu’à présent. Il est également artiste peintre.