RDC-Angola : L’intégration sous-régionale à l’épreuve des expulsions massives

Les congolais quittant l'Angola (Photo ACTUALITE.CD)

Yvette, 41 ans, est arrivée à Kamako au début du mois d’octobre depuis les expulsions massives des étrangers d’Angola. Dès le lendemain de la traversée de la frontière, elle est internée au Centre de santé de référence de Kamako. Elle, comme Victorine (35 ans), sa voisine de chambre, affirment avoir été violées par plusieurs personnes pendant qu’elles quittaient le territoire angolais.

« Les lésions sont bien visibles. Je ne sais pas combien de personnes ont abusé d’elles », a dit à ACTUALITE.CD, Dr Mikobi Miko, médecin-directeur du Centre de santé de référence de Kamako.  

Michelle Bachelet, la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, a dit dans un communiqué que les expulsions collectives des ressortissants congolais de l'Angola avaient déjà entraîné de graves violations des droits de l’homme par les forces de sécurité des deux côtés de la frontière, laissant au moins 330 000 Congolais rapatriés dans une situation extrêmement précaire.

« J’appelle le gouvernement angolais à suspendre les expulsions en cours jusqu'à ce qu'il puisse s’assurer que tous les retours seront effectués dans le plein respect de l'Etat de droit et des droits de l'homme de tous les migrants touchés. J'exhorte également le gouvernement à veiller à ce que les forces de sécurité et les autres responsables de violations commises au cours de ces expulsions répondent de leurs actes devant la justice », a-t-elle déclaré.

Depuis le début du mois d’octobre, une dizaine de refoulés sont morts.

« Je suis à l'hôpital de Kamako où trois compatriotes refoulés d'Angola viennent de mourir, ce lundi matin. Leur mort porte à 15 les personnes refoulées d'Angola (…). Ils viennent de l'Angola, malades, pour la plupart de la tuberculose. Ils sont épuisés et, en plus, ils mangent difficilement. Voilà pourquoi ils sont en train de mourir", a dit Anacletus Muswa Kapinga Safia, administrateur assistant de Tshikapa, résidant à Kamako.

Ces expulsions ont provoqué une tension diplomatique entre la RDC et l’Angola. L’ambassadeur angolais en poste à Kinshasa a été convoqué par Léonard She Okitundu, vice-Premier ministre en charge des Affaires étrangères. Il a justifié ces refoulements massifs par un coup de balai dans le secteur minier investi illégalement par plusieurs étrangers. Il a cependant nié les allégations de brutalité et a accepté l’éventualité d’une enquête comme demandé par les autorités congolaises.

Kamako
Une famille venue d'Angola et installée à Kamako

Cette situation est d’autant plus difficile à gérer pour les populations de deux côtés de la frontière dans la mesure où certaines familles sont disloquées. Certaines épouses angolaises des Congolais expulsés rejoignent leurs maris à Kamako et acceptent, pour certaines, de passer la nuit même à la belle étoile.

Dans son communiqué, la Haut-Commissaire Bachelet a rappelé que le droit international et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples interdisent l’expulsion collective des non-nationaux sans une évaluation individuelle ou d’autres garanties d’une procédure régulière.

Non-respect des conventions entre Etats

Le député Patrick Muyaya accuse l’Angola de ne pas respecter les conventions signées avec la RDC.

« C’est un ressenti de tristesse et d’indignation. Nos voisins ne tiennent même pas compte des conventions qui nous unissent. Il existe une convention entre la RDC, l’Angola et le Congo qui règle ces questions. Je suis indigné de voir que nos voisins nous traitent de cette façon. Nous avons toujours vécu pacifiquement avec tout le monde au Congo », a-t-il regretté.

De son côté, son collègue Delly Sesanga déplore que les bons rapports clamés entre Etats ne se traduisent pas dans le traitement réservé aux populations.

« Les Etats sont censés être solidaires étant donné que, parmi les Congolais expulsés, certains avaient leurs papiers en règle. La vocation de l’Afrique est d’être également une zone de libre circulation. On ne peut pas nourrir des relations entre nos Etats sans avoir de l’attention pour nos populations. Il faut que cela soit renforcé », a t-il ajouté.

Il a également constaté que, généralement, en Afrique centrale, le vrai problème derrière ces expulsions est la gestion de l’opinion publique interne : « Nous avons constaté que, souvent, c’est pour gérer l’opinion publique interne, parfois les problèmes de crise ou de récessions économiques. Ce n’est pas forcément à cause des problèmes que poseraient les Congolais ».

Plus de 250 000 ressortissants congolais refoulés d’Angola vivent dans des conditions difficiles dans la cité frontalière de Kamako. Parmi eux, des femmes et des enfants qui souffrent notamment de diarrhée, varicelle et des infections respiratoires.

Cet article est publié dans le cadre d'une série thématique sur l'immigration en Afrique réalisée par 11 médias qui participent au Projet NAILA (Nouveaux Acteurs de l’Information en Ligne Africaine)