CIAC : L’appel du Royaume-Uni pour le renforcement de l’interdiction des armes chimiques

<strong><em>En prévision de la conférence des États Parties de l’OIAC (Organisation pour l'interdiction des armes chimiques) qui aura lieu la semaine prochaine du 26 au 27 juin à La Haye, Boris Johnson, Ministre britannique des Affaires étrangères, a, dans une lettre ouverte plaider pour le renforcement de l’interdiction des armes chimiques. </em></strong>

La Convention sur l'interdiction des armes chimiques (CIAC) est un traité international de désarmement qui interdit la mise au point, la fabrication, le stockage et l'usage des armes chimiques. Elle a été signée le 13 janvier 1993 à Paris et est entrée en vigueur le 29 avril 1997. La CIAC interdit à ses États parties de développer, produire, mettre au point, acquérir, stocker, détenir ou transférer des armes chimiques. Les États parties ne peuvent ni utiliser ces armes, ni s'engager dans des opérations militaires aux côtés d'États les utilisant.

Chaque État partie est tenu de mettre en place une législation nationale qui étend aux individus et entreprises présentes sur son territoire les dispositions et interdictions de la Convention. Sur un total de 197 États possibles (les 193 membres des Nations unies ainsi que les îles Cook, Niue, Saint-Siège et l’État de Palestine), la CIAC compte 192 États parties (qui ont ratifié la Convention ou y ont accédé) dont la RDC.<strong> </strong>

<strong>LETTRE OUVERTE DU MINISTRE BRITANNIQUE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LA CONFÉRENCE DES ÉTATS PARTIES </strong>

Tout comme l’architecture et l’art, la valeur de certains accords internationaux est question de perception. Pour autant, personne ne pourrait sérieusement contester la valeur de l’interdiction mondiale d’armes chimiques.

192 pays ont à ce jour mis de côté leurs différences et choisi d’être parties à la Convention sur les armes chimiques (CAC), qui interdit la fabrication, l’utilisation et le stockage de ces horrifiants instruments de mort.

S’il nous est impossible d’abolir la guerre, nous pouvons au moins convenir d’épargner à l’humanité les effets indicibles de ces munitions.

Ce consensus universel sur l’horreur morale des armes chimiques reflète l’expérience tragique de nombreux pays. En effet, les armes chimiques furent utilisées en France et en Belgique durant la Première Guerre mondiale ; elles ont infligé des souffrances atroces au Maroc dans les années vingt, en Éthiopie dans les années trente, en Chine dans les années quarante, et en Iran et Iraq dans les années quatre-vingt.

Cette litanie – loin d’être exhaustive – était censée prendre fin, une bonne fois pour toutes, lorsque la CAC entra en vigueur en 1997. Or, depuis, des armes chimiques ont été employées encore et encore en Syrie et en Iraq. En Malaisie en 2017, à l’aéroport international de Kuala Lumpur, un agent neurotoxique fut utilisé pour commettre un assassinat. En mars cette année, c’est un agent neurotoxique d’une autre catégorie qui a été utilisé dans la ville britannique de Salisbury.

Il serait vain de faire comme si ces atrocités n’avaient aucune incidence sur l’intégrité de la CAC. Toutes constituent des violations de la prohibition mondiale d’armes chimiques que chaque pays souhaite préserver.

D’où la nécessité d’une session extraordinaire de la Conférence des États parties à la CAC qui se tiendra à La Haye les 26 et 27 juin. Elle a pour objectif de renforcer cette prohibition à l’échelle internationale et de consolider l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), l’organe exécutif de la Convention.

Pour le moment, l’OIAC n’est pas mandatée pour dire qui a perpétré les attaques aux armes chimiques en Syrie. Ses experts peuvent rendre compte de ce qui s’est passé, quand et où, mais ils ne divulguent pas l’identité de l’auteur.

La communauté internationale a perdu ce pouvoir en novembre dernier lorsque le Conseil de sécurité n’a pas renouvelé le mandat du Mécanisme d’enquête conjoint, composé de l’OIAC et des Nations Unies. Cet organe avait auparavant attribué quatre attaques aux armes chimiques au régime d’Assad en Syrie et deux à Daech.

Depuis, l’OIAC a découvert que des armes chimiques avaient été utilisées à Lataminah (mars 2017) et à Saraqib (février 2018) en Syrie. Toutefois, la question déterminante de savoir qui était responsable est restée sans réponse.

Comment sommes-nous donc censés préserver ce qui pour nous tous constituait un tabou universel sur l’utilisation d’armes chimiques si l’OIAC n’identifie pas les auteurs de tels crimes ? La situation actuelle entretient une fiction selon laquelle les armes chimiques descendraient du ciel toutes seules, sans agent ni auteur.

Si nous laissons cette anomalie persister, alors n’importe quel État ou terroriste risque de se servir d’armes chimiques, en sachant que l’OIAC ne l’identifiera pas. Le danger, c’est que le tabou passe de l’emploi de ces munitions à la divulgation de l’identité des responsables.

La meilleure réponse serait de faire plein usage des dispositions figurant déjà dans la CAC, qui permettent à l’OIAC de révéler non seulement si des armes chimiques ont été utilisées, mais aussi par qui.

J’espère que cette session extraordinaire confèrera à l’OIAC le pouvoir de formuler de nouvelles propositions sur les moyens de détecter d’éventuelles violations de la Convention.

Il ne s’agit pas de prendre partie dans un conflit mondial ; il s’agit plutôt de faire un simple choix entre défendre l’interdiction d’une terrible catégorie d’armes ou permettre à cette interdiction de perdre peu à peu sa raison d’être, ce qui pose un risque grave et croissant à tous les pays.

Si nous laissons l’utilisation d’armes chimiques se banaliser, elles ne seront pas limitées à de lointains champs de bataille. Ce qui s’est passé à Salisbury ou à l’aéroport international de Kuala Lumpur aurait pu se passer n’importe où.

Nous avons tous intérêt à préserver et à imposer une prohibition dont dépend notre sécurité. Et nous ne pouvons pas le faire sans que l’OIAC ne soit autorisée à identifier les responsables.

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