Nomination de Tshibala : acte du garant de la nation ou de l'autorité morale? - (Papier d'angle)

Bruno Tshibala, Premier ministre au bout d'une semaine mouvementée et riche en actualité où l'épicentre de l'intérêt médiatique, diplomatique et même populaire s'est déplacé du Centre Interdiocésain au Palais de la Nation dont, une fois de plus, la classe politique congolaise a arpenté les couloirs avec, comme à chacune de ces occasions, beaucoup de déclarations.

Une fois encore, le Palais de la Nation confirme son leadership quasi incontournable et même indéboulonnable face à une situation politique qui prend de plus en plus des allures de terrain des enjeux des stratégies. L'aptitude à placer les pions, à les déplacer dans l'arène, à jongler le timing et à user des jokers reste l'apanage des joueurs expérimentés.

Face à une classe politique plutôt demandeuse que offreuse des solutions réelles, maîtres de jeu et tireurs des ficelles s'adonnent à cœur-joie. C'est logique.

<strong>Une CENCO incapable ?</strong>

Alors qu'elle devait commencer sa mission de bons offices, le maître-mot était "le dialogue, comme voie royale pour résoudre les problèmes". Ressassé comme un refrain, l'expression est devenue le moyen légitime de convaincre eux-mêmes les Évêques, la classe politique et le peuple congolais.

Seulement voilà, les Évêques de la CENCO en sont sortis exténués, la classe politique plus divisée que jamais, le peuple congolais encore plus incertain, les partenaires extérieurs, un peu confus, à en croire la déclaration de l'UE qui se dit inquiète.

La CENCO n'a-t-elle pas été à la mesure de la mission lui assignée ? Lundi 27 mars 2017, reçus en audience au Palais de Nation, les Évêques ont jeté le tablier, rendant la main à Joseph Kabila. Ils n'ont pas été en mesure de dissimuler leur agacement.

Les Évêques ont-ils eu raison de tout abandonner ? Ayant bénéficié du soutien de tous jusqu'au Conseil de Sécurité des Nations Unies, la CENCO avait des atouts à faire valoir. Une déclaration de confiance au sortir de l'audience, de quoi rassurer l'opinion.

Contacté vendredi 7 avril, l'abbé Donatien Nshole, secrétaire général de la CENCO, avait dit "supposer que le Premier ministre devrait être nommé dans le respect de l'esprit et de la lettre de l'Accord". Un nuage a semblé s'installer.

<strong>Des consultations rapides et boudées</strong>

Dimanche 2 avril, un communiqué de la présidence de la République est tombé. Des consultations sont annoncées dès lundi 3 avril et ne dureront que 2 jours avant l'adresse du président de la République devant les deux chambres du parlement, réunies en congrès.

Les Évêques de la CENCO ont confié avoir proposé au président de la République la formulation des consultations entre lui et le Rassemblement pour régler la question du mode de désignation du Premier ministre. Kabila a décidé de ratisser plus large. Recherche d'une alternative ou refus de couronner le Rassemblement ?

L'épisode est connu, le Rassemblement, du moins l'aile qui se réclame légitime, a boudé le rendez-vous du Palais de la Nation.

<strong>Choix du garant de la nation ou de l'autorité morale de la MP ?</strong>
Au cours de son discours sur l'état de la Nation mercredi 5 avril, Joseph Kabila annonce la nomination d'un nouveau Premier ministre impérativement dans les 48 heures. Après le blocage sur ce point pendant les discussions à la CENCO, la question qui taraude les esprits reste celle de savoir où le président de la République tire sa ressource pour un règlement si rapide du problème.

En tout état de cause, le Palais de la Nation s'est résolu à mettre fin au traquenard, mais résolument pas selon le schéma souhaité par les Évêques. Peut-être une question de méthodologie, peut-être une question satisfaction.

La RDC fait actuellement face à des enjeux politiques, économiques et sécuritaires extrêmement graves. La crise politique qui découle de la non-organisation des élections en novembre 2016 mine l'économie du pays et voit le pouvoir d'achat du citoyen congolais s'amenuiser. La crise sécuritaire réveille le spectre d'une guerre civile. Il reste à voir si Bruno Tshibala sera bien l'homme de la situation.

Sollicité par la CENCO en tant que garant de la nation, Joseph Kabila a porté son choix sur ce qui est qualifié, par certains, de dissidence du Rassemblement. La CENCO avait pourtant levé l'option de considérer comme interface valablement au nom de cette plateforme le leadership issu de la restructuration.

Manifestations de rues annoncées, la RDC risque de replonger dans les méandres d'une crise aux conséquences déjà lourdes. Le Centre interdiocésain, un passage presque à vide. L'arrangement particulier jeté dans la poubelle. Choix de la raison ? Choix qui garantit la Nation ? Choix qui couvre les intérêts partisans ? Il y aura certainement encore beaucoup à redire là dessus.
<strong>Jacques Kini</strong>