Conseil de sécurité : la sous-secrétaire générale des Nations unies aux affaires humanitaires déplore la détérioration de la situation sécuritaire dans l’Est de la RDC

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Joyce Msuya, sous-secrétaire général des Nations Unies aux affaires humanitaires

Dans son intervention devant le Conseil de Sécurité de l'ONU, la tanzanienne Joyce Msuya, sous-Secrétaire générale des Nations unies aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence au Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) a déploré la détérioration de la situation sécuritaire dans la partie Est de la République Démocratique du Congo.

À cette occasion, elle a dressé un tableau sombre de la situation sur terrain. Face à cette situation, elle a noté que la RDC est le pays où il y a le plus grand nombre de personnes dans les besoins au monde.

« J'ai été frappé lorsque je me suis rendue en RDC en février de l'année dernière par l'échelle et la profondeur de cette crise immense. Depuis lors, malheureusement la crise s'est aggravée plus  qu'avant. Nous avons à de nombreuses reprises alerté le Conseil quant au fait que la RDC était le pays qui au monde connaissait la pire situation d'insécurité alimentaire, près de 1 congolais sur 4 où 23.4 millions de personnes connaissent une situation de faim aiguë, c'est également un pays confronté à de niveau massif de déplacements, plus de 7.2 millions de personnes sont à présent déplacées entre décembre 2023 et mars 2024 rien que durant cette période ce chiffre a augmenté de 700.000 personnes un nombre alarmant », a indiqué Joyce Msuya.

Dans son intervention, elle s'est penchée de plus près sur la situation dans les trois provinces les plus touchées à savoir les provinces du Sud-Kivu, Nord-Kivu et de l'Ituri.

« Dans le Sud-Kivu, la crise s'aggrave tandis que des groupes armés continuent à renforcer leurs capacités et à étendre leur présence en particulier dans les parties Haut Plateau de Fizi et d'Uvira, près de 280.000 personnes sont arrivées à Minova dans le Sud-Kivu depuis le début du mois de février fuyant des affrontements dans le Nord-Kivu. Dans le Nord-Kivu, des affrontements armés, le pillage des installations sanitaires, des atteintes contre les installations scolaires, des restrictions graves quant à l'accès humanitaire sont venus exacerbés les souffrances des personnes déplacées. Plus de 230.000 personnes ont dû fuir leurs foyers rien qu'en février, beaucoup de ces personnes se réfugient à Goma et dans sa périphérie. Pour les chiffres enregistrés au mois de mars plus de 106 sites des déplacées avaient été créés à Goma et autour de Goma accueillant le chiffre absolument immense de 630.000 personnes », a-t-elle fait remarquer.

Dans la province de l'Ituri, poursuit-elle, les violences intercommunautaires et les attaques entre les groupes armés Zaïre et Codeco se sont multipliées régulièrement au cours de ces six mois écoulés. "Presque 200 attaques ont lieu depuis le début de l'année forçant des centaines de milliers de personnes à fuir leurs foyers. Dans ces trois provinces la présence des bases de la Monusco a jusqu'à présent fourni un certain degré de protection aux civils, cela a également joué un rôle crucial pour faciliter l'accès humanitaire. Dans un contexte marqué par une intensification des violences, les organisations humanitaires sont profondément préoccupées par les effets éventuels du retrait en cours de la Monusco" a-t-elle ajouté.

Dans son intervention, elle a une nouvelle fois démontré comment les femmes et les enfants sont également victimes de cette situation. Elle a précisé que le lien entre les violences fondées sur le genre et le conflit qui s'aggrave, est évident et sans aucune ambiguïté les 2/3 de tous les cas se sont produits dans les trois provinces de l'Est (Nord-Kivu, Sud-Kivu et Ituri).

« L'Est de la République Démocratique du Congo est aujourd'hui l'un des endroits le plus dangereux sur terre pour une femme ou une fille. Dans les camps surpeuplés autour de Goma, il n'y a souvent pas d'éclairage, pas d'intimité, des installations sanitaires inappropriées,il n'y a pas de mesures de sécurité élémentaire, les femmes et les filles y sont exposées à de niveau d'abus absolument abominable. Les cas signalés des violences fondées sur les genres se sont envolés passant de 40.000 cas en 2021 à 78.000 en 2022. En 2023, ce nombre a atteint les 123.000 cas d'augmentation de plus de 300%. Ces chiffres continuent d'augmenter. Il est tout à fait tragique que le sous signalement et les ressources limitées viennent empêcher la fourniture des services sociaux vivant, les nombres réels sont donc plus élevés », a-t-elle fait remarquer dans son intervention.

À elle de poursuivre :

« Le conflit a entraîné une augmentation significative des dangers pour les enfants, cela inclut le recrutement et l'utilisation des enfants essentiellement des garçons par les groupes armés. Tout comme l'enlèvement, homicide, le fait de mutiler ou de commettre des violences sexuelles contre les enfants. Des familles sont poussées à recourir à des recours de dernière mesure y compris des mariages précoces et forcés d'enfants. Aujourd'hui,37% de filles en RDC sont mariées de force avant l'âge de 18 ans. La fermeture d'au moins 772 écoles en 2023 a privé plus de 300.000 garçons et filles d'éducation avec des effets durables pour eux pour l'avenir de leur pays ».

La partie orientale de la République Démocratique du Congo reste une zone en proie à l'insécurité due à l'activisme des groupes armés depuis plusieurs décennies. Malgré les opérations militaires contre ces groupes armés et la proclamation de l'état de siège, la situation demeure particulièrement préoccupante, surtout avec la résurgence des rebelles du M23 soutenus par Kigali dans la province du Nord-Kivu.

Clément MUAMBA